Alors qu’un nombre croissant d’employés de maisons de retraite et d'Ehpad s’insurgent contre le traitement réservé à leurs pensionnaires –dû, en grande partie, au manque de moyens–, une étude américaine souligne l’influence du respect accordé à nos aînés sur leur santé mentale.
Selon les scientifiques de l’Université de Yale, la longévité de l’acuité intellectuelle d’un individu dépendrait de la vision que se fait ce dernier de la vieillesse. Autrement dit, plus une personne aborde ses vieux jours de manière sereine et confiante, mieux elle se portera, et pour plus longtemps.
L'hypothèse japonaise
Rendue publique le 7 février dernier, l'étude avance la théorie selon laquelle la manière dont une société perçoit le vieillissement est corrélée au développement de la démence chez ses personnes âgées.
Les cultures associant la sénilité à un fardeau ou à une perte de valeur sociale seront plus enclines à voir leurs ancêtres atteints de dégénérescence mentale. À l'inverse, la recrudescence de celle-ci sera moindre et plus tardive dans un environnement où l’âge est davantage valorisé, par exemple s'il est envisagé comme un gage de sagesse.
C’est lors d’un séjour au Japon que l'idée d’explorer les facteurs de la démence sénile est venue à l’auteure de l’étude, l’épidémiologiste Becca Levy. Les personnes âgées japonaises, explique-t-elle à Quartz, «y sont regardées de façon bien plus positive qu’aux États-Unis». Et les Nippons possèdent l’une des espérances de vie les plus longues au monde: 83,7 ans en 2015 selon l’OMS –contre 82,4 ans en France et 79,3 ans aux États-Unis.
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Trois fois plus de risques de perdre la tête
Pour évaluer la viabilité de cette hypothèse, les chercheurs se sont basés sur un échantillon de 4.765 personnes, dont l’âge moyen était de 72 ans. Grâce à des prélèvements de salive permettant de détecter la présence d’un gêne lié à la démence, ils ont estimé à 1.250 le nombre de personnes âgées potentiellement atteintes.
Becca Levy a sondé les participants concernés sur leur vision de la vieillesse, puis leur a demandé d'attribuer une note à leur appréhension face à celle-ci. L’un des énoncés utilisés, rapporte Quartz, était: «Plus je vieillis, plus je me sens utile.»
Résultat: sur une période de quatre ans, les personnes interrogées qui adoptaient une attitude positive concernant leur âge avaient 2,7% de risques de perdre la tête, contre 6,1% chez les plus pessimistes d’entre eux –soit un taux près de trois fois supérieur.
«Si cela avait été mesuré sur une décennie ou plus, assure Becca Levy, la différence aurait été bien supérieure.» Une incitation, suggère-t-elle, à repenser au plus vite notre perception de la vieillesse, qui ne pourra se faire sans l’instauration d’une campagne de santé publique luttant contre l’âgisme.