Donald Trump vient de prononcer son premier discours sur l’état de l’Union –et il s’est avéré profondément dangereux.
Dangereux, parce que Trump a décidé d’emboîter le pas au président hongrois Viktor Orban et aux autres dirigeants européens de ce type: ceux qui ont appris –depuis bien longtemps déjà– à présenter le populisme autoritariste sous un jour attrayant.
Du Bannon dans le texte
Comme eux, Trump s’est bien gardé de faire des commentaires ouvertement racistes dans son discours, allant même jusqu’à répéter que le bien-être des Latinos et des Afro-Américains lui importait (soi-disant) extrêmement.
Comme eux, il a appelé de ses vœux la mise en place de mesures économiques concrètes –telles que les congés familiaux payés– pour venir en aide aux citoyens ordinaires.
Comme eux, il s’est présenté comme le seul homme déterminé à mettre les intérêts de ses partisans avant ceux des étrangers et des élites.
C’était du Bannon dans le texte –le penchant pour les formules choc en moins. Et ce fut d’une efficacité percutante.
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Requête autoritariste
Un discours dangereux, pour une seconde raison, plus importante encore: sous couvert de la rhétorique apaisante de l’unité et du rapprochement bipartisan, Trump a demandé au Congrès de lui confier des pouvoirs sans précédent et résolument antidémocratiques.
«Ce soir, a-t-il déclaré, je demande au Congrès de donner à chaque membre de mon cabinet le pouvoir de récompenser les honnêtes travailleurs –et de renvoyer les fonctionnaires qui sapent la confiance des citoyens ou qui manquent à leurs devoirs envers le peuple.»
La seconde partie de cette phrase est lourde de sens, mais on peut aisément passer à côté de sa véritable signification; le discours fait tout pour la dissimuler. Analysons ces quelques mots; imaginons ce qu’ils produiraient s’ils étaient mis en pratique.
Si le souhait formulé par le président était exaucé, tous les secrétaires de son cabinet pourraient par exemple décréter qu’un fonctionnaire de police enquêtant sur le président a «sapé la confiance des citoyens» ou qu’il a «manqué à ses devoirs envers le peuple américain» –et le secrétaire serait donc en mesure de le renvoyer sur le champ. Autrement dit, Trump veut mettre un terme à l’indépendance de l’IRS [l'agence du gouvernement fédéral des États-Unis qui collecte les impôts et fait respecter les lois fiscales, ndlr], du FBI, du département de la Justice et de toute autre agence fédérale.
Il est certes peu probable que le Congrès accède à une telle requête. Les Républicains du Congrès ont certes applaudi Trump à grand renfort de standing ovations répétées; ils sont visiblement acquis à sa cause –mais pas au point de démanteler l’État de droit au vu et au su de tous. Et même s’ils décidaient de passer à l’acte, la Cour suprême examinerait ce texte de loi et le déclarerait sans doute inconstitutionnel.
La requête autoritariste de Trump ne sera donc sans doute pas suivie d’effet –ce qui n’enlève rien à son importance. Dans son premier discours sur l’état de l’Union, le 45e président des États-Unis a demandé au Congrès de l’autoriser à tirer un trait sur l’État de droit. Oubliez ses propositions politiques soi-disant unificatrices, sans parler de sa capacité toute «présidentielle» à lire un discours sur un téléprompteur. Voici la seule information qui mérite de faire les gros titres.