Il est partout et nulle part. Depuis que Gladiator (2000) a imposé le retour du péplum au XXIe siècle, les films d'époque utilisent à outrance le brasero, cet objet kitsch qui sert à se réchauffer quand on est perdu dans les pires contrées germaniques de l'empire romain.
Russell Crowe et des braseros, dans Gladiator | Capture écran via YouTube
Et comme notre siècle est aussi sous l'influence majeure de tout ce qui est Tolkien, super héros, fantastique et mythologie asiatique, le brasero traverse tous les genres, des blockbusters aux séries télé à succès.
Étrange omniprésence
Il est l'équivalent en fer forgé du corbeau, l'oiseau le plus populaire de notre temps, qui symbolise à lui seul le mystère et la fantasy, de Game of Thrones aux films d'horreur, en passant par Harry Potter.
Jon, Ygritte et des braseros, dans Game of Thrones
Il fait aussi partie des clichés photographiques des scènes de nuit, comma dans Taboo ou Vikings. C'est le brasero qui offre de la perspective et de la lumière aux scènes tournées en extérieur, exactement comme ces petits attroupements de flammes qui ornent les rues mouillées après une explosion de voiture dans les nombreuses suites de Fast and Furious.
Une rue et un brasero, dans Taboo | Capture écran via YouTube
Il n'existe pas un seul article en ligne sur cette étrange omniprésence dans le film de genre. On se demande où sont les geeks. Le brasero est l'ancêtre des films de gladiateurs des années 1950 et pourtant, il a survécu à tout.
Le paradoxe suprême, c'est qu'il est introuvable. En tant que jardinier averti, boulimique des ferrailleurs et dépôts vente de province, je peux témoigner: je n'en ai jamais vu. Mais jamais!
Le seul modèle relativement populaire, c'est le brasero mexicain avec sa jolie forme de citrouille sur pattes, mais je le considère plus comme un barbecue amélioré qu'un véritable mangeur de bûches.
Alors que le cinéma et les séries télé nous assomment de sa présence, le brasero n'est disponible que sur internet et Ikea n'offre qu'un seul modèle – super laid. Vraiment, il y a des gens qui perdent des occasions de s'enrichir.
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Commodité dangereuse
Il doit y avoir une raison. Le brasero est une commodité dangereuse. Dans notre société périurbaine, le barbecue est quasi obligatoire dans les jardins pavillonnaires. Il fait partie d'une pollution visuelle assez commune. Dès qu'il fait beau, c'est l'orgie de merguez et chipolatas.
Les accidents sont vite arrivés, mais le brasero est beaucoup plus risqué encore. Les braises tombent souvent sur le sol, les enfants sont inexorablement attirés par les flammes et il faut les attacher pour passer une soirée tranquille entre adultes responsables.
Surtout que sa présence sur les décors de film n'est pas éducative. Combien de fois a-t-on vu des braseros dans des endroits hautement improbables comme... une grange avec de la paille partout? Duh?
Souvent même –vous remarquerez la prochaine fois que vous vous ferez une binge de The Last Kingdom sur Netflix–, il n'y a RIEN dans le brasero qui puisse produire la moindre combustion. Pour ceux qui s'y connaissent un peu en feu, cet objet est souvent utilisé d'une manière désopilante. Les flammes sortent ex nihilo, ou comme si on avait trouvé le moyen de l'alimenter avec une bonbonne de gaz. Au Moyen Âge.
Des toits et un brasero, dans Last Kingdom | Capture écran via YouTube
Et puis, il y a le facteur écologique. Brûler du bois ou des déchets de jardinage en extérieur favorise l'arrivée surprise des pompiers ou de la gendarmerie ,et la société en général voudrait nous convaincre de ne plus faire de feu, point à la ligne.
C'est le cas à Paris où l'usage des cheminées est fortement déconseillé. En Californie, l'image romantique de surfers passant la soirée devant un feu sur la plage est désormais interdite. Pire, la fumée est plus mal aimée que le feu. Si tout le monde enfume ses voisins, les banlieues vont devenir aussi étouffantes que le Birmingham de Peaky Blinders.
Un vieux tacot et un brasero, dans Peaky Blinders. | Capture écran via YouTube
Le brasero est donc une chimère esthétique des films de fantasy. Il n'est plus conforme à la civilisation moderne.
Obligations du design puriste
Sauf que! Le brasero contemporain s'est adapté aux obligations du design puriste. Dans les hôtels, il est devenu une fausse cheminée d'intérieur avec des petites flammes sur un lit de sable qui donne le privilège aux patrons de start-up de discuter comme dans un pow-wow hipster.
Le design des jardins incorpore déjà cette hérésie de feu sans bois. Mais on trouve des braseros dans leur forme épurée avec des cuves métalliques, où les braises peuvent être remplacées, pendant la mauvaise saison, par un bassin aquatique.
Celui-ci est presque aussi minimaliste que le monolithe de 2001, l'Odyssée de l'espace. Certaines versions ressemblent plus à des cheminées d'extérieur. Le brasero –dont la fonction première est de fournir de la chaleur, rappelons-le– se transforme ainsi en objet focal décoratif.
Enfin, il y a les braseros complètement loufoques, à l'image de ce drone BB-8 de Star Wars.
Dans le doute, choisissez un brasero classique qui ressemble à ceux que l'on a vu dans les films de cape et d'épée: la marque Decoclico semble en avoir le monopole avec ce modèle cubique, masculin et bon marché, cet autre plus élancé, idéal pour marquer l'allée de deux kilomètres qui mène à votre Moulinsard. Dans les James Bond, ils en mettent une centaine en ligne, mais avons-le: c'est quand même limite ostentatoire.