Les années qui se terminent en 7 courent toujours le risque d’être des millésimes oubliables dans le sport en l'absence de Jeux olympiques, de Coupe du monde ou d'Euro de football. 2017 aurait donc pu être plus ou moins tiède si le sport n’aimait pas se réchauffer souvent à la flamme du souvenir et de la nostalgie. En effet, lors d’une année où Usain Bolt, 31 ans, l'un des plus grands athlètes de tous les temps, a fait ses adieux à la piste et où Roger Federer s'est réinventé sur les courts de tennis en ajoutant deux titres majeurs à sa collection à l'âge de 36 ans, les moments spéciaux et mémorables n’ont pas manqué pour les stars les plus connues.
Usain Bolt fait ses adieux lors des Championnats du monde d'athlétisme à Londres, le 13 août 2017. | Antonin Thuillier / AFP
D'autres figures de premier plan, ou d’autres équipes emblématiques, ont été aussi au sommet de leur art au cours des douze derniers mois. Tom Brady (football américain), Stephen Curry (basket-ball), Mo Farah (athlétisme), Lewis Hamilton (Formule 1), Katie Ledecky (natation), Rafael Nadal (tennis), Sally Pearson (athlétisme), Teddy Riner (judo), Cristiano Ronaldo (football), les New England Patriots, le Real Madrid ont prouvé, parmi d’autres, combien ils pouvaient encore exceller dans leur discipline qu'ils ont l’habitude de dominer depuis longtemps sous une pression toujours plus accrue. Pour chacun d'eux, en dépit des années qui passent, le succès est devenu une bonne vieille habitude dont il est difficile de se priver…
À sa façon, le sport a eu ainsi des airs de bon vieux temps en 2017. Hélas pour lui, et malgré lui, il a même replongé dans un ancien monde, celui de la politique, qui l’avait quitté, mais qui a fait un spectaculaire retour en force lors de la période récente. Jamais sans doute depuis plus de trente ans, la politique ne s’était invitée avec autant de puissance sur le terrain sportif et il n’est pas certain qu’elle le quitte avant longtemps.
Trump, Poutine et Kim Jong-un à la manoeuvre
En politisant soudainement le sport aux États-Unis, Donald Trump a ouvert, par exemple, une ère nouvelle en Amérique alors que Barack Obama avait déclaré, en janvier 2017, juste avant de quitter la Maison-Blanche, que «le sport avait changé les attitudes et la culture de façon subtile, en nous faisant réfléchir différemment sur qui nous étions». Lancé par l’ancien «quarterback» des San Francisco 49ers, Colin Kaepernick, en 2016, le mouvement de protestation contre le racisme et les violences policières s’est diffusé comme une traînée de poudre au fil des mois au sein des rangs de la NFL, la Ligue professionnelle de football américain. Il s’est même enflammé à la fin de l’été, lors d’un week-end de septembre, quand plus de 150 joueurs de la NFL, essentiellement noirs, ont mis un genou à terre ou sont restés assis pendant l’hymne national, avant leurs matchs, pour prendre le relais de Kaepernick et réagir aux propos au vitriol de Donald Trump. Le président américain avait provoqué leur fureur en accusant d’un manque de patriotisme ceux s’agenouillant de la sorte et en les qualifiant notamment de «fils de pute». Aujourd’hui, le mouvement se poursuit, dans de moindres proportions, mais en prenant clairement position contre Donald Trump, LeBron James, Stephen Curry et Lindsey Vonn ont politisé, à leur manière, leurs futurs gestes sportifs. En 2018, le sport sera encore un levier politique pour le locataire de la Maison-Blanche qui connaît son pouvoir patriotique.
C’est également le cas de Vladimir Poutine qui, quatre ans après les Jeux de Sotchi et à la veille de la prochaine élection présidentielle russe en mars, s'est élevé avec véhémence pour contester les décisions prises, début décembre, par le Comité International Olympique (CIO) après que les commissions Oswald et Schmid eurent présenté deux rapports détaillés prouvant que le dopage avait été un moyen organisé de tricherie pendant les Jeux d'hiver de 2014. Dans une nouvelle version sportive de la Guerre Froide, Poutine a déclaré que l'interdiction partielle de la présence d’athlètes russes, décrétée par le CIO pour les Jeux olympiques de 2018, ressemblait à «une décision absolument mise en scène et motivée politiquement», répétant, contre l’évidence, qu’aucun programme de dopage d’État n’avait existé en Russie. Le CIO, par crainte d’un boycott des Russes lors des JO suivants, n'a pas fermé la porte à des athlètes russes «propres» qui pourront concourir à PyeongChang sous un drapeau neutre, mais avec l’inscription «Athlète olympique de Russie» sur leurs tenues, histoire de ne pas les humilier complètement. Depuis le début des années 1980, le mouvement olympique ne s’était jamais retrouvé de la sorte au bord du gouffre.
Les prochains Jeux olympiques d’hiver, à PyeongChang, en Corée du Sud, au mois de février, ne sont d’ailleurs pas sortis d’affaire. En effet, ils restent sous la menace d’une dernière ruade de Kim Jong-un, qui, à la faveur d’un nouveau test de missile nucléaire, pourrait mettre les délégations en panique à la dernière minute. Un plan d’évacuation a déjà été mis par en place par la société Global Rescue à la demande de la Fédération américaine de ski et de snowboard. Il serait activé en cas de dégradation subite des tensions entre la Corée du Nord et les Etats-Unis.
Environnement perturbé
Quelques mois plus tard, en 2018, la Russie de Vladimir Poutine sera, elle, encore sur le grill lors de la Coupe du monde de football qui ne manquera pas non plus de semer le trouble et de créer des polémiques dans un pays où les droits démocratiques sont à géométrie très variable. Alors que la FIFA est dans les cordes en raison des scandales qui l’accablent et qui viennent de déboucher sur plusieurs jugements sévères aux États-Unis, le climat géopolitique pourrait être très frais au cœur de l’été russe. Et des doutes continueront de planer en 2018 sur la Coupe du monde 2022 au Qatar, tant que l’État du golfe continuera d’être sous surveillance au cœur de la crise diplomatique qui l’oppose actuellement à certains de ses voisins à commencer par l’Arabie Saoudite à l’origine de ce blocus imposé. En France, le PSG, propriété du Qatar, et la Ligue 1, qui s’appuie sur les fonds qataris à travers les droits payés par la chaîne beINSPORTS dont le quartier général est à Doha, risqueraient d’être impactés par ce conflit larvé s’il venait à durer ou à dégénérer.
En 2017, le sport n’a pas échappé non plus à l’actualité la plus sordide qui a pris, elle aussi, une tournure politique. Tandis que le scandale Harvey Weinstein a explosé avant de parcourir le monde entier comme une onde de choc, les gymnastes américaines, Aly Raisman, Gabby Douglas et McKayla Maroney, anciennes championnes olympiques, se sont avancées en pleine lumière pour dire que l'ancien médecin de l’équipe américaine de gymnastique, Larry Nassar, les avait agressées sexuellement lorsqu'elles étaient adolescentes. Hélas, il est à craindre que d’autres cas de maltraitance ne soient révélés lors des prochains mois, notamment en France.
Dans cet environnement perturbé, où l'argent continue de jouer un rôle majeur, mais déstabilisant, comme en témoigne le transfert record de 222 millions d'euros de Neymar parti de Barcelone vers le Paris-Saint-Germain, le sport a peiné à trouver une forme de sérénité ou de stabilité en 2017. En attribuant habilement à la fois les Jeux olympiques de 2024 et 2028 aux villes de Paris et Los Angeles, le CIO a néanmoins ouvert une perspective plus positive de ce point de vue. Un succès qui n'a pas effacé les conséquences négatives du scandale des Jeux de Rio qui a notamment impliqué Carlos Nuzman, chef du comité d'organisation, arrêté cet automne puis poursuivi par la justice brésilienne pour corruption, évasion fiscale, blanchiment d'argent et participation à une organisation criminelle. Plus que jamais, en sport comme ailleurs, un nouveau monde est nécessaire, mais l'ancien fait de la résistance. Devenu président du Liberia avant que 2017 ne soit plus qu’un souvenir, l’ancien footballeur George Weah se retrouve en première ligne face à cet immense défi.