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Foot: ils veulent révolutionner le mercato

Temps de lecture : 4 min

[Tribune] Tatane, le mouvement collectif et populaire pour un football durable et joyeux fondé par Vikash Dhorasoo, appelle à mettre fin aux transferts payants des joueurs de foot.

Neymar, dont le transfert au Paris Saint-Germain cet été a été négocié à 222 millions d'euros, le 22 novembre 2017 | Franck Fife / AFP.
Neymar, dont le transfert au Paris Saint-Germain cet été a été négocié à 222 millions d'euros, le 22 novembre 2017 | Franck Fife / AFP.

Le fossé entre le football amateur et le football professionnel se creuse de plus en plus. L'explosion de la bulle spéculative autour du marché des transferts n'arrive pas et les montants négociés atteignent des sphères impensables il y a encore dix ans.

Le mécanisme des clauses libératoires, autorisé dans certains pays, est venu accroître cette évolution exponentielle et incontrôlée des prix des joueurs. En parallèle, la baisse annoncée des crédits destinés aux emplois aidés(1), l'absence de statut des bénévoles et la baisse assumée du budget sport en France démontrent, s'il en était besoin, que le sport amateur est plus que jamais fragilisé.

Modifier le système européen

Face à cette profonde distorsion entre les deux mondes, plusieurs idées ont été proposées. François Ruffin auréolé d’un maillot d’un club amateur est venu défendre devant la représentation nationale l’idée d’une taxe de 5% prélevée sur les montants des transferts. À la même tribune, Régis Juanico, député socialiste, proposait quant à lui la création d’une contribution assise sur les participations financières des partenaires privés au Comité d’organisation Paris 2024 en faveur du Centre National pour le Développement du Sport.

Plus tôt dans la saison, Richard Bouigue et Pierre Rondeau proposaient quant à eux la mise en place à échelle internationale de la contribution «Coubertobin», développée en 2005 par l'économiste du sport Wladimir Andreff et consistant à prélever une taxe au taux uniforme de 1% sur toutes les indemnités de transferts au niveau international.

Chez Tatane, nous pensons que la lutte contre la financiarisation à l’extrême du football professionnel ne peut passer que par une modification du système européen. Une simple taxe au niveau national aurait un effet pervers pour l’économie générale du football professionnel et indirectement sur le football amateur.

Plus encore, créer un système plus strict reviendrait à isoler la France face au libéralisme européen. Cette opposition se retrouve aujourd’hui dans la réglementation des agents avec un dispositif français très réglementé et un système FIFA fondé sur la notion «d’intermédiaire» beaucoup plus libéral.

Mettre fin aux tranferts payants de joueurs

Tatane considère que le système des transferts et l’utilisation des contrats à durée déterminée doivent être remis en cause. Il est selon nous nécessaire de mettre fin aux transferts payants de joueurs, afin que ces derniers puissent jouir de leur liberté de circulation au même titre que tout travailleur au sein de l’Union Européenne. Le coût d’un transfert ne devrait correspondre qu’au montant des salaires restant dus.

Il convient en effet de rendre aux footballeurs et aux sportifs en général leur qualité première, celle d’être humain, et ne plus les restreindre à des actifs générateurs de revenus. La plainte déposée en septembre 2015 par la FIFPRO s’inscrivait selon nous totalement dans ce cadre. Cette démarche du syndicat des joueurs «prenait la forme d’une réclamation aux termes de la loi sur la concurrence auprès de la Direction générale de la Concurrence de la Commission européenne à Bruxelles, en contestant le système mondial du marché des transferts régi par le règlement de la FIFA, comme étant anticoncurrentiel, injustifié et illégal». Le marché des transferts a été créé par le monde du football lui-même, il doit pouvoir être supprimé ou profondément modifié par les acteurs eux-mêmes.

La priorité est aussi à l’harmonisation. La problématique des clauses libératoires doit être tranchée au niveau européen pour éviter que le marché ne crée des inégalités en son sein. De fait, la fixation d’une clause libératoire à un montant faramineux pourrait tout à fait constituer une entrave à la liberté de circulation du travailleur, seuls les quelques clubs les plus fortunés étant à même de pouvoir «s’offrir» le joueur soumis à une telle clause.

Par ailleurs, en matière de financement du monde amateur, il faut rappeler que la Fédération et la Ligue de football professionnel versent dans le cadre du Fond d’aide au football amateur (FAFA) des sommes destinées au développement et à la structuration du football amateur. Le renforcement des liens entre les deux secteurs passe sans doute aussi par l’augmentation des sommes versées et par la valorisation de ce dispositif.

Faire dialoguer les pays européens et les instances internationales du football

Mais plus encore, le football doit se repenser et les problématiques des ligues fermées ou du salary cap doivent être abordées ailleurs que dans les livres blancs. La modification du système devra également passer par une réflexion globale sur le prix des abonnements télévisuels ou encore le rôle de la fédération et de la ligue pour lutter contre les intermédiaires non officiels.

Le 18 janvier prochain, la 18e Chambre de la Cour d’appel de Bruxelles sera amenée à rendre décision importante. Plus exactement, elle aura le pouvoir de transmettre, comme toute juridiction, une ou plusieurs questions préjudicielles à la Cour de Justice de l’Union Européenne. Cette dernière, qui devra se prononcer, rendra un arrêt qui aura force de chose jugée pour les états membres.

Le fond d’investissement Doyen Sport et le club de D2 belge du Royal Football Club Seraing dénoncent le système de l’interdiction de la tierce propriété [ou TPO, ndlr] en Europe. Beaucoup veulent déjà attribuer à l’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles un rôle similaire à l’arrêt Bosman. Il faudra attendre et analyser l’impact sur le long terme. Une des questions concerne l’articulation entre la TPO et le fair-play financier, et donc la légitimité même de ce dernier. La voix contentieuse est critiquable mais elle sera d’autant plus efficace si elle s’accompagne d’un véritable dialogue et d’une vraie réflexion avec les instances.

Récemment, Gianni Infantino, le président de la FIFA, a été reçu par Emmanuel Macron à l’Elysée, en présence de Noël Le Graët. Il ne fait aucun doute que ce dialogue entre les pays européens et les instances internationales du football est indispensable. Une réforme nationale isolée ne permettra pas de changer un modèle qui fonctionne à l’échelle mondiale. La solution passera dans un premier temps par la Commission européenne ou par la Cour de justice, espérons que sur le long terme les organes décisionnaires européens puissent être force de proposition.

1 — Seuls 200 000 contrats aidés –contre 320 000 en 2017– seront financés en 2018 dans le secteur des services et associations. Retourner à l'article

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