De ces mornes rentrées littéraires, on ne retient pas grand-chose sauf sans doute quelques galipettes inattendues. Des scènes qui laisseront davantage de souvenirs que les livres dont elles sont extraites.
1.Au Cinq Rues, Lima, Mario Vargas Lllosa
Dans Au Cinq Rues, Lima, Mario Vargas Llosa s’intéresse à l’homosexualité féminine (c’est bon, ça!) et masculine (beuark). Tout commence comme dans un bon vieux porno soft des années 1970: appartement luxueux, vaste lit où deux amies découvrent, rougissantes, leur désir saphique, ouhlala mais d’où vient ce trouble nouveau… «Autant qu’elle s’en souvienne, jamais au grand jamais avec une femme!»
À force de se frôler, on finit par se toucher. Oh!, «Va-t-elle me repousser», s’interroge Marisa, toute émue.
«Non, au contraire, avec douceur, tendresse aurait-on dit, Chabela entrelaçant ses doigts aux siens, d’une légère pression tirait maintenant la main, toujours collée à sa peau, vers son entrejambe. Marisa ne parvenait pas à y croire. Elle sentait sous les doigts de sa main saisie par Chabela les poils d’un pubis légèrement renflé et l’orée humide, palpitante, contre laquelle elle la pressait.»
Tu m’as excitée, vaurienne!
La voici «à la recherche de son petit clitoris, fouillant, écartant les lèvres mouillées de son sexe gonflé de désir» et bientôt elles partagent leur plaisir «dans un temps sans temps, si infini, si intense.»
Les dialogues sont dignes de la Comtesse de Ségur:
«Tu m’as excitée encore une fois, vaurienne, dit Chabela, cherchant sa bouche et la pelotant. Et maintenant tu vas me le payer!»
... ou d’un pot de départ chez Ricard:
«Laisse-moi te sucer chérie, je veux boire tes liqueurs.»
Voilà ce qu’il en est de l’homosexualité féminine: douceur, palpitations, fusion charnelle. Quand il s’agit des hommes, c’est une toute autre histoire. D’abord, il s’agit d’un viol. Quique est prisonnier et son geôlier a envie d’une gâterie. Lui aussi guide sa main, mais…
«Il s’aperçut avec horreur (que la braguette) était ouverte et que ses doigts touchaient une verge dure comme la pierre. Il fit un mouvement pour se dégager, mais le malabar le retint brutalement en le plaquant de tout son poids contre le mur.»
Maculée conception
Et il ordonne, menaçant: «Branle-moi, Blanchette.» Le sexe entre femmes est doux, intense; entre mecs, il est brutal, moche, c’est un viol.
«Terrifié, tremblant, prêt à vomir, Quique obéit. Quelques secondes plus tard, il sentit le malabar éjaculer. Il avait la main, et sûrement aussi le pantalon maculés de sperme. Et voilà qu’il s’était mis à pleurer. Les larmes lui coulaient sur les joues, il ressentait une honte épouvantable et le dégoût de lui-même.»
Vient le moment que les lecteurs attendent tous: le trio. Marisa et Chabela s’offrent à Quique, «aveugle de désir, heureux comme jamais dans sa vie.» L’homosexualité féminine, c’est mieux quand le mari en profite.
«Vous êtes très belles comme ça, c’est ce que j’ai vu de plus beau dans ma vie.»
Le roman a commencé chez Emmanuelle, il se termine chez S.A.S, à une nuance près: Quinque est moins blasé que Malko Linge et c’est pour cela qu’il s’agit de littérature.
2.Fief, David Lopez
Fief est un roman qui décrit avec minutie le rien auquel s’adonnent avec nonchalance des jeunes sans attrait. Ils fument de l’herbe, rient. L'un d'entre eux fait de boxe. Un personnage s'apelle Lahuiss, ça veut dire «c'ui là». Ils cherchent une soirée, s’en font jeter. Ils fument, rient. Ils sont pas vraiment start-up nation. L’écriture est savamment étudiée pour que le lecteur s’emmerde autant que les personnages, les pétards en moins. On en retient deux scènes. D'abord, une branlette.
«Bander au réveil, ça me donne un truc à faire.»
Pour s’astiquer, il «pense aux femmes (qu’il a) connues» et les «mélange à celles (qu’il) aurait voulu connaître». La veuve harem poignet.
«Je me vois prendre Sarah dans le lit de sa grande sœur en embrassant Léa au bord du canal, et sa langue est celle de Delphine qui me suce dans la salle de bains chez ses parents, et j’attrape le cul de Marion…»
Il tente un doigté à Elsa «j’ai tellement de place que mes autres doigts sont happés par la crue, ce flot qui inonde ma main qui s’y noie».
Une main? Qui se noie?
Notez que sur l’image, tout se noie SAUF LA MAIN. C'est que l'auteur nous gratifie d'une sorte de métaphore filée qui tâche les draps.
Le jouir le plus long
Autant la masturbation est brève, autant le cunnilingus, qui s’étale sur quatre pages, est laborieux. Écrit à l'attention d’un étudiant en gynécologie passant un grand oral, ce texte ne peut se lire qu'avec l’aide du Dictionnaire médical et d'un site spécialisé, comme Anato.info.
L’opération commence avec le fléchisseur commun profond des doigts (flexor digitorum profundus, FDP), oui FDP, je n’invente rien, tout est là.
Source: anata.info
«La jointure entre mon index et mon majeur, je la pose juste au-dessus du capuchon, et avec mes deux doigts j’écarte délicatement les lèvres. La pointe de mon majeur glisse, de bas en haut, constatant le flux. Elle est trempée. C’est l’instant que je préfère. Cette première phalange qu’on pose d’abord, puis qu’on fait glisser en petits cercles, dehors.» [...]
«Vite fait, je cale une demi phalange avec mon majeur de temps en temps.»
Métacarpe diem
Où en est-on? En regardant la figure 651, j’opte pour le calage occasionnel d’une P3.
Source: anata.info
«Je commence à lui mettre deux phalanges pour aller chercher de la cyprine.»
Il s’agit évidemment (Fig. 651) d’une P3 puis d’une P2, la P1 restant encore en dehors du processus. Précision qui s'impose: la cyprine est «un liquide lubrifiant transparent sécrété chez la femme par les glandes de Bartholin, en cas d'excitation sexuelle.» L’expression «aller chercher de la cyprine» est ici une variante cultivée de «au doigt mouillé», qui signifie: «très approximativement, de manière très imprécise, de manière empirique.» Bref, le mec tâtonne.
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L’étape suivante est une épreuve pratique, du type de celles que l’on demande pour l’entrée en IFMK (Institut de formation en masso-kinésithérapie):
«Je passe mes bras sous ses cuisses pour en faire le tour, et mes mains se rejoignent sur le pubis que je manipule en écartant les lèvres d’abord, avec mes pouces, puis en appuyant légèrement sur le haut, avec mon index, comme pour remonter le tout et tendre la peau, afin que lorsque j’y poserai ma langue, ce que je fais maintenant, le clitoris soit bien exposé.»
La figure suivante est une simple révision de la fonction salivaire, due à l’existence de six glandes différentes. Il est probable que c’est la glande sub-linguale qui est ici concernée.
Source: www.medecine-et-sante.com
«De temps en temps, je crache, enfin non, ce n’est pas vraiment cracher, simplement j’évacue un amas de salive que je dispose un peu partout avec ma langue. J’ai une vision très brève de la première fois que j’ai lâché un gros mollard en sa présence. On marchait dans les bois près de sa maison, j’avais eu une glaire qui remontait, et j’étais allé la chercher sans la moindre discrétion.»
Sans fausse note
Notez la dimension poétique du passage, avec le souvenir d’une romantique promenade en forêt. Tout à son ouvrage, le cunnilinguiste n’omet jamais de donner au lecteur des détails précis de sa progression («J’ai la gueule trempée jusqu’aux pommettes»), donnant ici un cours de solfège:
«Elle lâche des onomatopées plus ou moins longues, plus ou moins régulières. C’est comme les notes, il y a des blanches et des noires, puis des croches.»
Là, rappelant que même les sportifs les plus aguerris peuvent être sujets à des défaillances lorsque les tours préliminaires mènent aux prolongations.
«J’ai des crampes dans les joues, la mâchoires, et même le cou.»
Il finit en hamster.
«Elle a d’assez grosses lèvres, et moi ça m’arrange, je peux jouer avec. Par moments, j’ouvre la bouche, la colle contre son sexe, puis aspire ses lèvres comme si je voulais les avaler, et leur taille leur permet de venir se caler contre l’intérieur de mes joues.»
3.Un élément perturbateur, Olivier Chantraine
C’est sans doute Olivier Chantraine qui mérite le titre de scène de cul la plus improbablement ratée de 2017. Un élément perturbateur vaut surtout par les accouplements photocopieuses, un sous-genre, ai-je découvert d’une simple recherche Google qui, si vous insistez, pourrait n’être pas du tout SFW. Sachez simplement que la deuxième occurrence se trouve être «coup de bite à la photocopieuse». Vous voilà prévenus.
Olivier Chantraine, donc, n’est pas le premier à s’intéresser au potentiel érotique de cette machine, souvent regardée avec indifférence. «Cette photocopieuse dégage une chaleur infernale qui ne risque pas de calmer mon désir de faire l’amour avec elle sans attendre une seconde de plus.»
La suite est un étrange mélange de la position 56b du Kamasoutra et de l’erreur bourrage papier ouvrir le clapet 32 d’une Xerox ordinaire. On avait oublié que la reprographie est d’abord une reproduction.
«Je lâche son cul pour l’arrière de sa nuque et la renverse contre le photocopier puis hisse sa jambe gauche contre ma cuisse. Déjà ses mains se sont débarrassées de ma fermeture éclair pour se saisir de ma queue. Elle me guide instantanément vers son sexe et quand je la pénètre sans aucune difficulté, elle renverse sa tête en arrière.»
Notez l’avantage d’une bonne photocopieuse bien chaudasse: pas besoin de préliminaires.
«J’enfonce ma bite aussi profondément que possible en elle. Profitant d’une hésitation de sa part, je la retourne soudainement, et toujours guidé par sa main, la pénètre à nouveau, cette fois de dos.»
Une fille du toner
Jusque-là, on est dans la vie de bureau classique. Mais voici que l’instant photocopieuse se mue en abdos fessiers niveau confirmé.
«Ses fesses s’enroulent autour de ma queue tout en imprimant un léger mouvement latéral qui décuple mes sensations.»
Vous n’avez pas compris? Moi non plus. Elle enroule ses fesses, donc elle pivote sur elle-même, tout en se déplaçant latéralement. Cette femme est un tambour de photocopieuse.
C’est probablement pour cela qu’après avoir relu les CGV d’Epson, Laura passant «devant la porte de la salle de reprographie» lance tout de go: «J’ai besoin que tu me fasses l’amour.» Ça se comprend. D’une certaine manière, une photocopieuse, c’est 50 nuances de gris.
«Le moment était certes inapproprié mais inexplicablement, mon désir pour Laura n’en était que plus fort. Je l’ai coincée contre le photocopieur, j’ai à peine eu le temps de remonter frénétiquement son tailleur en glissant mes mains le long de ses cuisses que déjà elle avait saisi ma queue et la guidait vers son vagin humide sans même me laisser le loisir de retirer sa culotte.»
On pourrait se lasser mais bon, c’est de la littérature, alors voici venir L’INSTANT MÉTAPHORE.
«Elle hoquetait à chaque mouvement que j’imprimais et m’encourageait à voix basse m’invitant à ralentir ou accélérer le rythme.»
Vous l’avez? Oui, c’est joli, c’est bien vu, on ne sait plus s’il baise une super nana ou une nana Canon©.
À un instant, il se dit qu’il «aurait pu faire des photocopies de ses cheveux», ah bon, puis, les voici qui s’écroulent «l’un sur l’autre (???) en jouissant de concert» (oui, toujours, vous avez déjà vu un roman où y’en a un qui jouit puis qui attend l’orgasme de son partenaire les dix pages suivantes?) avant que Laura le félicite comme il se doit, lui disant «qu’elle ne savait pas comment (il) s’y prenait, mais que sexuellement (il) la rendait folle.»
4.Mention spéciale: Alexandre Jardin
Enfin, rendons justice à Alexandre Jardin, engagé dans une campagne de promotion trollesque de son livre, livrant d'improbables moments de grâce avec son compte Twitter.
Prudence donc. Si Alexandre Jardin vous aborde d'un jovial: «Ça te dirait de venir prendre un ver chez moi?», il vous propose probablement une pratique que la bienséance m'interdit de nommer ici.