Tech & internet / Culture

Le nouvel Harry Potter ne contient pas un mot de J. K. Rowling

Temps de lecture : 2 min

Pas tout à fait de la fanfiction, pas tout à fait du cadavre exquis, «Harry Potter et le Portrait de ce qui ressemblait à un gros tas de cendres» réinvente les aventures de l'apprenti sorcier à partir d'un algorithme.

La couverture de «Harry Potter et le Portrait de ce qui ressemblait à un gros tas de cendres» | Capture d'écran via Botnik Studios

«Le cochon de Poufsouffle respirait comme un gros ouaouaron. Dumbledore lui sourit, et plaça la main sur sa tête: “Tu es Hagrid désormais.”»

L'extrait est tiré du chapitre 13 de Harry Potter et le Portrait de ce qui ressemblait à un gros tas de cendres. Il ne s'agit pas cependant du neuvième volet de la saga, ni des brouillons de jeunesse de J. K. Rowling.

L'œuvre est en réalité celle de Botnik, un projet collaboratif qui associe hommes et machines pour créer de nouveaux objets langagiers. Et cela donne un objet littéraire résolument hybride.

Scènes à la lettre savoureuses

Si l'entreprise relève du genre de la fanfiction, au sens où l'on a bien une réécriture de la série romanesque, la trame est néanmoins fournie par un algorithme, de sorte que les lignes narratives ne correspondent pas aux fantasmes ou lubies de lecteurs scribouillards, mais à un enchaînement mécanique réglé à l'aune de probabilités.

Le modèle de saisie intuitive utilisé par Botnik Studios se base sur un corpus comprenant les sept tomes de Harry Potter; il propose des suggestions de mots à partir de schémas préexistant dans l'œuvre de Rowling. Les contributeurs tranchent ensuite entre ces suggestions et ont à cet égard, mais à cet égard seulement, le «dernier mot».

L'histoire est peut-être d'autant plus curieuse qu'elle n'est pas à proprement parler surprenante, reprenant tous les motifs de l'univers d'Harry Potter, qu'ils soient narratifs ou sémantiques.

Elle laisse ainsi place à des scènes à la lettre savoureuses, telle que celle qui succède à un combat contre les Mangemorts:

«“Celle de Ron est la plus belle”, grommela Harry tandis qu'il atteignait à contrecœur sa baguette. Ils jetèrent un sort ou deux, et des jets de lumière verte jaillirent des têtes des Mangemorts. Ron recula.

“Pas si jolie maintenant”, pensa Harry, tandis qu'il trempait Hermione dans de la sauce piquante. Les Mangemorts étaient morts maintenant, et Harry était plus affamé que jamais.»

Pastiches exquis

Aussi fantaisistes que peuvent l'être les associations, elles ne correspondent pas cependant à un cadavre exquis façon surréaliste, dans la mesure où l'écriture se fait en piochant dans un lexique donné et mime une structure identifiée, de façon à singer un univers poétique précis.

Pour autant, ce n'est pas non plus un pastiche, puisque le procédé ne permet pas d'imiter le style même de J. K. Rowling. On aurait donc plutôt affaire, par un effet de mise en abyme facétieux, à une forme de pastiche de cadavre exquis, qui triche sur tous les plans, pour créer une littérature proprement chimérique.

Ce genre d'expérimentation littéraire à base d'algorithme est, comme le relevait FiveThirtyEight, peut-être moins intéressant pour les textes qu'il peut produire que pour le type d'interactions qu'il inaugure, pour les écrivains autant que pour les lecteurs –tout un chacun peut devenir collaborateur de Botnik.

Selon Allison Parrish, une poète programmeuse, les machines à générer des textes sont comparables à des sondes spatiales, «mais plutôt que d'explorer ce que nous comprenons spatialement, elles explorent les frontières entre le sens et le non-sens».

Botnik n'en est pas à son premier coup d'essai avec Harry Potter et le Portrait de ce qui ressemblait à un gros tas de cendres: d'autres fictions similaires avaient déjà fait leur sort aux séries télévisées Scrubs et X-Files.

Newsletters

Le renseignement français doit investir davantage dans l'OSINT

Le renseignement français doit investir davantage dans l'OSINT

[TRIBUNE] Le pays dispose d'un écosystème favorable au développement du renseignement d'origine sources ouvertes. Il serait temps de créer une agence qui lui soit dédiée.

Un homme braque une épicerie avec un vieux pistolet Nintendo

Un homme braque une épicerie avec un vieux pistolet Nintendo

Un accessoire que tous les jeunes des années 1980 ont probablement déjà eu en main.

«J'ai trompé ma copine avec un chatbot»

«J'ai trompé ma copine avec un chatbot»

L'infidélité se réinvente.

Podcasts Grands Formats Séries
Slate Studio