Sciences / Égalités

La découverte de possibles «gènes de l'homosexualité» doit-elle nous inquiéter?

Temps de lecture : 3 min

Des scientifiques auraient décelé deux gènes qui auraient une influence sur l'orientation sexuelle. Pour le meilleur comme pour le pire?

Couple d'homosexuels | Stocksnap via Pixabay CC
Couple d'homosexuels | Stocksnap via Pixabay CC

Les gays ont-ils des gènes particuliers? C'est la question à laquelle tentent de répondre bien des chercheurs depuis plusieurs décennies. Et qui ne va pas sans soulever un certain nombre de problématiques éthiques, indique Vice.

Jusqu'alors peu fructueuse, la recherche d'un marqueur génétique déterminant l'homosexualité –ou non– d'un individu pourrait bien connaître un tournant. Publiée la semaine dernière, une étude américaine évoque la découverte de deux gènes spécifiques qui pourraient potentiellement jouer un rôle dans le développement de l'orientation sexuelle.

Pour aboutir à cette conclusion, une équipe de chercheurs de la NorthShore University a comparé des extraits d'ADN de 1.231 hétérosexuels et de 1.077 homosexuels «d'origine européenne». On note au passage que la sexualité des femmes, considérée (à tort ou à raison) par la science comme plus «fluide», n'a pour l'occasion pas été prise en compte.

Les hommes observés ont été divisés en deux groupes distincts formés sur la base de leur identité sexuelle, mais également de leur score à l'Échelle de Kinsey. Comme son nom l'indique, il s'agit d'une échelle inventée par Alfred Kinsey, pionnier de la sexologie scientifique connu pour ses travaux sur le comportement sexuel des femmes et des hommes. Graduée de zéro à six –zéro correspondant à une hétérosexualité «totale», et 6 à une homosexualité «totale», incluant une large palette de nuances au milieu–, l'échelle évalue l'orientation sexuelle supposée d'un sujet à partir d'expériences et de réactions psychologiques.

Chromosomes 13 et 14

En analysant le génome de tous les participants, les scientifiques sont parvenus à repérer deux gènes qui semblent différer en fonction de l'orientation sexuelle, décrypte New Scientist. L'un sur le chromosome 13, l'autre sur le chromosome 14. Le premier pourrait être concluant, explique Vice, car s'exprimant au sein de l’hypothalamus, une structure profonde du cerveau qui varierait en taille selon l’orientation sexuelle d'un homme.

Le gène identifié sur le chromosome 14, quant à lui, s'exprime surtout au niveau de la thyroïde. Sa présence fait écho à une étude précédente, qui avait établi un possible lien entre dysfonctionnements thyroïdiens et homosexualité masculine.

Les auteurs de l'études eux-mêmes le reconnaissent: «Ces liens potentiels demeurent spéculatifs». Car l'échantillon n'est composé que d'hommes européens et sa taille est considérée comme relativement petite en matière d'analyses génétiques. Pour être réellement crédible, estime le journaliste Justin Lehmiller, les résultats devront être observés sur des échantillons plus variés et plus importants.

Surtout, la présence de gènes inclinant davantage vers l'homosexualité ne veut pas dire que la personne sera effectivement gay. D'autres facteurs viennent se mêler. Reste aujourd'hui à mesurer l'effet réel de cette découverte sur l'orientation sexuelle.

Débat en terrain miné

Transmission génétique (inné) ou sexualité construite et influencée par des éléments environnementaux (acquis)? Les experts, à l'image de l'opinion publique, demeurent divisés. En 2010, des chercheurs de l'université de Liège affirmaient qu'«on naît homosexuel», et qu'être gay ne relevait en rien d'un choix ou d'une «déviance psychologique». D'autres évoquent un savant mélange entre «naître» et «devenir» gay.

L'étude de l'origine de l'homosexualité s'inscrit dans un féroce débat politique entre un courant conservateur (mais pas que) selon lequel l'homosexualité répondrait du libre arbitre et du parcours de chacun. Poussé à l'extrême, ce postulat induit la mise en place des très inquiétantes «thérapies de conversion» visant à «soigner» les homosexuels. Plusieurs États américains autorisent d'ailleurs la thérapie de réorientation sexuelle pour mineurs.

Et de l'autre, ceux qui, s'appuyant sur les témoignages d'une majorité d'homosexuels et donnant crédit à la plupart des scientifiques, adhèrent à l'idée d'une prédisposition biologique. Ce qui va généralement de pair avec un traitement juridique bien plus égalitaire.

Risques et dérives

Entre avancée scientifique et dérives eugéniques, il n'y a qu'un pas. C'est du moins ce que craignent de nombreux observateurs, qui pointent du doigt les risques que suppose l'identification de «gènes homosexuels». À savoir, l'hypothétique tentation de modifier les gènes en question dans le but d'éradiquer l'homosexualité.

«On peut légitimement se demander si les dangers de telles recherches ne surpassent pas leurs bénéfices, commente le journaliste Justin Lehmiller. D'autant plus que deux personnes pourraient porter ce même gène sans pour autant que cela se traduise chez eux de la même façon», ajoute-t-il en se référant aux multiples «types» d'homosexualité en lesquels croient bon nombre de chercheurs. Une simplification potentiellement dangereuse, alors même que les gènes discutés pourraient également être associés à d'autres paramètres biologiques nécessaires à la survie humaine.

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