À l’heure des cadeaux, y compris à se faire à soi-même (ou à se faire offrir), les véritables amateurs de cinéma continuent d’enrichir leur DVDthèque, que ne sauraient en aucun cas remplacer les plateformes en ligne, quelle que soit leur utilité par ailleurs. Parmi les nouveautés de cette fin d’année, un petit florilège.
1.Alfred Hitchcock, les années Selznick
C’est une évidence. Et, en toute période de l’année, ce serait un beau cadeau. La mise à disposition de grands films d’Hitchcock, restés difficilement accessibles pour d’obscures motifs de droits, et désormais visibles chez soi dans une excellente édition. On pourra râler que Carlotta s’accroche à ce format «à l’italienne» pour ses éditions collector, qui empêchent de ranger correctement ces coffrets sur les étagères, le contenu mérite assurément le détour. Rebecca (1940), La Maison du Docteur Edwards (1945), Les Enchainés (1946) et Le Procès Paradine (1947) sont quatre repères majeurs de la première phase de la carrière américaine du futur Sir Alfred, après que le producteur David O. Selznick l’ait fait venir de Grande-Bretagne pour s’installer à Hollywood.
Une collaboration aussi féconde qu’orageuse, qu’évoque le livre vendu avec les DVD La Conquête de l’indépendance. Outre un texte de référence sur la relation entre le cinéaste et le producteur, il comporte de nombreux documents, photos, textes et entretiens principalement issus des archives des Cahiers du cinéma, qui ont si activement contribué à la reconnaissance de l’auteur des Enchaînés. On retrouve aussi, sur le DVD de bonus, deux évocations riches de sens et d’émotion à propos de la manière dont François Truffaut a rencontré et accompagné Hitchcock.
2.Visages Villages d’Agnès Varda et JR
En attendant de très envisageables consécrations aux diverses cérémonies à venir, en France comme aux États-Unis (où cela a déjà commencé), le merveilleux film d’aventure et de voyage, documentaire joueur et attentif cosignés par les gamins Varda et JR, est désormais disponible. Ceux qui l’ont vu le savent, ceux qui ne l’ont pas encore vu peuvent ainsi le vérifier: que du bonheur.
Avec en prime quelques petits bijoux concotés par la désormais oscarisée mais toujours facétieuse Agnès, depuis le court métrage burlesque Les Fiancés du Pont Mac Donald starring Jean-Luc Godard, Anna Karina, Jean-Claude Brialy, Eddy Constantine, jusqu'au jeu visuel offert par JR, Département des lettres modernes, mais peut-être surtout le très bref et très beau voyage dans le temps et les images La Cabine de plage.
3.Le Cycliste de Mohsen Makhmalbaf
En même temps qu'arrive sur les écrans le beau film Un homme intègre, on assiste à la (re)découverte d’œuvres majeures du cinéma iranien, dont les récentes ressorties en salles de Leila de Dariush Mehrjui et Le Coureur d’Amir Naderi, préludes à une importante rétrospective au Centre Pompidou au printemps prochain.
Dans ce contexte, il faut aussi saluer la mise à disposition d’un des plus grands films d’un cinéaste aussi important et prolifique qu’inégal, Mohsen Makhmalbaf. En 1987, Le Cycliste marquait avec Le Camelot le début d’une veine où la critique réaliste des conditions de vie des plus démunis atteint un vertige fantastique, à la fois poétique et politique, actant la puissance de mise en scène de ce réalisateur.
4.Le Jour d’après de Hong Sang-soo (Capricci)
Le cinéaste coréen tourne à un tel rythme qu’il est plus qu’excusable d’avoir laissé passé certains de ses films –qui de plus ne restent pas longtemps à l’affiche.
Parmi eux, un des deux titres présentés à Cannes cette année, Le Jour d’après, est un poignant et troublant épisode des cette comédie humaine au long cours que compose le réalisateur. À retrouver, avant la sortie de deux prochains films à venir début 2018: Seule sur la plage, le 10 janvier, suivi de La Caméra de Claire, le 7 mars.
5.Les Enfants désaccordés et Marie pour mémoire de Philippe Garrel (Re-voir)
Les éditions Re-voir rendent accessibles les deux premiers films d’un adolescent inventif et rebelle qui allait devenir un des plus grands cinéastes français. À 16 ans, en 1964, Philippe Garrel tournait loin du monde professionnel et commercial un premier cri visuel, Les Enfants désaccordés, que rejoignait trois ans plus tard son premier long, le poème rageur et inspiré Marie pour mémoire.
Il faudra encore quinze ans (L’Enfant secret, 1982) pour que commence de s’imposer le nom du futur auteur du Vent de la nuit, des Amants réguliers et de L’Ombre des femmes. En complément figure un court métrage longtemps considéré comme perdu, Actua 1, images enregistrées dans le Paris de Mai 68 par une caméra hypersensible.
6.Mateo Falcone d’Éric Vuillard (ESC)
Dans les innombrables articles qui ont salué le judicieux prix Goncourt attribué à Éric Vuillard pour L’Ordre du jour, il est souvent fait mention de ce que l’auteur est aussi cinéaste, sans plus. C’est que ses films ont été hélas fort peu vus. Le plus récent, Mateo Falcone, d’après Mérimée, dont il faisait une épopée atmosphérique, hantée de silence et d’espace, d’amour et de violence, est désormais accessible en DVD, et c'est une très bonne nouvelle.
Parmi les sorties DVD de cette fin d’année, il faut enfin signaler plusieurs films récemment sortis en salles sans avoir attiré l’attention qu’ils méritaient. Pour être peu avenante, la notion de «rattrapage» a pourtant les mérites d’une sorte de justice, et rend possible des plaisirs dont le rythme infernal de la distribution prive beaucoup de spectateurs. C’est en particulier le cas pour le beau dessin animé de Jean-François Laguionie Louise en hiver (gif), pour l’envoutant western latino-américain Patagonia d’Emilio Torres, pour le conte africain Wallay de Berni Goldblat, ou pour le documentaire émouvant et incisif de Régis Sauder Retour à Forbach.