C'est parti. Depuis le 6 janvier, les soldes d'hiver ont démarré dans les magasins et sur les sites marchands. La grande braderie durera en tout cinq semaines. Pendant cette période, les commerçants pourront écouler leurs stocks en ayant le droit de les revendre à perte, s'il le faut. Et les clients pourront profiter de bonnes affaires avec des rabais qui atteindront 50% d'entrée de jeu, claironnent certains professionnels. Car, paraît-il, les boutiques regorgent de vêtements d'hiver invendus à cause d'un automne particulièrement clément.
Pas sur pourtant que le rush tant annoncé ait lieu. En réalité, les ventes ne devraient pas être si mirobolantes que ça, sauf peut-être sur le Net. Les experts s'attendent plutôt à des soldes d'hiver en demi-teinte, comme ceux qui se sont déroulés cet été. C'est que, depuis quelques années, ce grand rendez-vous consumériste a perdu de son attrait. Plus besoin en effet d'attendre cette période pour profiter de réductions substantielles. Magasins d'usine, produits d'occasion, achats groupés ... les combines pour acheter malin toute l'année se sont multipliées. Le nec plus ultra consiste à participer à des «ventes privées», un phénomène amplifié par le commerce en ligne. Ainsi, dès le mois de novembre, des boutiques de mode ou des chaînes d'habillement invitent leurs meilleurs clients à bénéficier en avant première de rabais importants. Les soldes se banalisent, leur caractère «événementiel» s'efface.
Ce n'est pas tout. Depuis le 1er janvier 2009, sont arrivés dans les bagages de la loi de modernisation de l'économie (LME) les soldes «flottants». Le principe: en plus des deux périodes traditionnelles de cinq semaines (été et hiver), les commerçants peuvent organiser deux semaines de soldes par an aux dates de leur choix, une au printemps et une autre en automne par exemple. Les chaînes de textile et les grands magasins ne se sont pas privés d'utiliser ce nouveau dispositif mais en ordre dispersé.
Récemment, Zara ou H&M l'ont fait en octobre, le Printemps en novembre, pour ne citer qu'eux. La même LME donne également la possibilité de pratiquer des opérations de déstockage toute l'année sans limite dans le temps à condition de ne pas utiliser le terme de « soldes » et de ne pas vendre à perte.
Résultat des courses, un commerçant peut, en théorie, casser les prix du 1er janvier au 31 décembre en alternant période de soldes et promotions. En théorie seulement car il faut aussi préserver un minimum les marges. Il n'en reste pas moins que depuis plusieurs mois les grands distributeurs du textile et de la mode ont enchaîné les opérations discount à un rythme plus soutenu, histoire de grignoter des parts de marché. Promos massives en octobre puis soldes flottants en novembre et enfin soldes d'hiver: Galeries Lafayette et Printemps ont maintenu la pression sur les étiquettes ... et sur la concurrence. On se demande qui achète encore au prix fort dans ces magasins. Globalement, plus de 40% des ventes de textile se feraient sous promotions.
Mais si déstockages et promos tendent à se multiplier toute l'année, quel est l'intérêt des soldes traditionnels? Plus les enseignes de textile et les chaînes de grands magasins pratiqueront des ristournes à jet continu, plus elles auront du mal à rendre attractive et crédible les périodes de soldes classiques, comme celle qui s'ouvre actuellement. Pas sur que des clients sollicités en permanence par les opérations à prix cassés et les ventes privées soient encore prêts à faire chauffer leur carte bancaire ces prochains jours.
Le pouvoir d'achat des ménages a des limites. D'autant que la montée attendue du chômage n'incite guère aux dépenses superflues. Selon une étude Altavia/OpinionWay de mars 2009, «85% des Français continuent de comparer les prix pendant la période des soldes et plus d'un sur deux déclare avoir attendu les deuxième ou troisième démarque avant d'acheter ... quitte à laisser passer l'article convoité». Cet hiver, il faudra vraiment que les magasins bradent leurs stocks pour convaincre les clients ultra prudents de se lâcher.
Bruno Askenazi
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Image de Une: A Nantes, au début des soldes d'hiver Stephane Mahe / Reuters