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Les cheveux d'une mannequin noire de la marque J.Crew sèment la discorde sur Twitter

Temps de lecture : 5 min

De nombreux internautes y ont vu un signe de mépris envers les femmes noires et une ignorance des spécificités de leurs chevelures.

Via Madewell
Via Madewell

Les cheveux des femmes noires font encore l'objet de crispations. La dernière en date concerne une mannequin figurant dans le catalogue de la marque américaine J.Crew.

Le problème: sa coiffure. Ou plutôt, son absence de coiffure. Sur Twitter, certaines internautes afro-américaines –mais pas que– ont en effet reproché aux stylistes de ne pas savoir coiffer les chevelures crépues ou afros. Et donc de les négliger.

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Madewell

Un signe de mépris?

Publiés sur le site de Madewell, les clichés de la discorde mettent en scène une jeune femme dont les cheveux, naturels, sont relevés en un court chignon ébouriffé. Si le «messy hair» (cheveux en bataille, en français) est tendance, cette modèle n'aurait...tout simplement pas été coiffée.

«J. Crew...les gars...vous avez tout faux.», lance alors une internaute, dont le tweet est rapidement devenu viral.

«Wouah, le manque de respect. C'est un coup à la “personne ici ne peut faire tes cheveux”», déplore une autre utilisatrice, dans un tweet aimé par plus de 2.300 personnes.

Comme elles, des milliers d'internautes ont exprimé leur colère face à ce qui est considéré comme un signe de mépris envers les femmes noires et une totale ignorance des spécificités de leur cheveux.

Une problème récurrent dans le milieu de la mode, que pointent du doigt de plus en plus de personnalités publiques. Tout récemment, la mannequin Lupita Nyong'o reprochait au magazine Grazia d'avoir photoshoppé ses cheveux sur la une de sa dernière édition, afin de les rendre plus lisses et de les rapprocher des standards de beauté «eurocentristes».

Ou une signature esthétique?

De leur côté, d'autres femmes —y compris des Afro-américaines– ont choisi de défendre J. Crew, affirmant que l'allure décoiffée est une marque de fabrique de l'enseigne, qui applique ce style à bon nombre de ses modèles.

Un jeune homme affirme: «Le chignon décoiffé, c'est leur signature esthétique. Leurs mannequins blanches ont une coupe “je viens de me lever”, et je trouve ça normal qu'ils fassent la même chose avec leur modèles noires».

Une autre utilisatrice de Twitter apporte des preuves:

En consultant le catalogue de Madewell (dont certains produits figurent sur le site de J. Crew), force est de constater que la plupart des mannequins sont coiffées de manière plutôt désinvolte:

Madewell

Mais les cheveux des femmes noires et ceux de femmes blanches ne peuvent pas être traités de la même manière et ne donnent pas le même résultat, a rétorqué une détractrice de la marque: «Rappel amical: ce qui marche pour l'une ne marche pas forcément pour toutes. Surtout quand il s'agit d'une texture de cheveux différente

Autrement dit, il y aurait «messy» et «messy»... Il eût été possible, affirment certaines, de donner un effet décoiffé à la modèle noire sans pour autant la photographier avec des mèches partant dans tous les sens et un chignon jugé trop petit et peu flatteur.

La réponse de l'intéressée

Interpellée par le tollé qu'elle a involontairement déclenché, la mannequin en question, Marihenny Pasible, a tenu à répondre aux critiques et à partager son point de vue sur l'affaire:

«Cette attention est flatteuse, mais le concept de la marque est justement de montrer que ces vêtements peuvent être portés de manière décontractée et naturellement belle. Donc les cheveux naturels et l'absence de maquillage sont justifiés. [...]»

Model #MarihennyPasible stepped into The Shade Room to throw in her two cents about #JCrew's super controversial ad! (View earlier post)

Une publication partagée par The Shade Room (@theshaderoom) le

Marihenny rapelle ensuite qu'aujourd'hui, l'heure est à l'acceptation de soi. Les femmes tentent de plus en plus de s'assumer telles qu'elles sont vraiment et de célébrer leur apparence naturelle.

Une référence au «natural hair movement» («mouvement nappy» en français), incarné notamment par Solange Knowles, qui a fait de la chevelure des noires un argument d'émancipation féminine et raciale.

Comme la chanteuse, un nombre croissant d'artistes défient les canons de beauté traditionnels occidentaux, qui priment encore dans les magazines féminins. L'occasion de rappeler, estiment d'autres concernées sur Twitter, qu'il est temps d'arrêter de vouloir systématiquement contrôler les cheveux des femmes noires. Et ce, qu'il s'agisse des incantations aux tissages, tresses, extensions ou perruques (censées leur procurer un aspect plus agréable). Ou des injonctions à les discipliner, chez les femmes qui optent pour le naturel.

Le racisme capillaire

Ce débat démontre que les questions capillaires chez les Afro-américaines, Africaines, afro-descendantes ou encore métisses dépassent les considérations esthétiques et relèvent de problématiques bien plus profondes. Que dénoncent d'ailleurs les militantes afro-féministes.

Les sociétés occidentales éprouveraient encore une certaine réticence à reconnaître la beauté des cheveux afros, parfois jugés «pas féminins», «indignes d’une vie professionnelle» ou «peu séduisants».

Pour Bilguissa Diallo, la fondatrice de la marque Nappy Queen (gamme de soins pour cheveux bouclés à crépus):

«Le cheveu a un statut particulier, étant porteur de culture et d’identité, et est par conséquent un sujet épineux».

Un problème à mettre en parallèle avec le manque de produits spécifiquement dédiés aux femmes noires dans les grandes marques de cosmétiques ou de soins capillaires. Une réalité dont l'industrie semble toutefois prendre peu à peu conscience, inspirée entre autres par le succès de Fenty, la marque de make-up de Rihanna. La chanteuse propose depuis septembre dernier une très large gamme de fonds de teint, qui prend en compte toutes les carnations, des albinos aux peaux très noires.

La marque J.Crew, quant à elle, a en tout cas fini par adresser des excuses publiques suite au tollé provoqué par les photos de son site internet:

«J. Crew a pour ambition de représenter toutes les races, tous les genres et toutes les origines. Nous nous excusons sincèrement d'avoir stylisé cette modèle de la sorte et des réactions que cela a suscité. Nous vous assurons que nous prendrons les mesures nécessaires afin que cela ne se produise plus.»

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