Les Etats-Unis risquent-ils de s’engager dans nouvelle guerre au Yémen? Le président américain Barack Obama -qui tient pour responsable la branche yéménite d’Al-Qaïda dans la tentative d’attentat manqué contre un avion de ligne américain à Noël- s’en défend. Pourtant, la question n’a rien d’absurde, comme le prouve la phrase prononcée par Joe Lieberman, un sénateur américain indépendant. «L'Irak, a-t-il déclaré, c'est notre guerre d'hier et l'Afghanistan notre guerre d'aujourd'hui. Si nous n'agissons pas rapidement, le Yémen sera notre guerre de demain.»
Les Américains n’ont pas attendu cet épisode pour agir dans ce pays. De «récentes opérations militaires dans les zones d'Abyan (Sud) et d'Ahrab (au nord-est de Sanaa), ont été menées avec le concours du commandement central US» souligne le journal libanais L’Orient-Le-Jour. «L'aide US à la lutte antiterroriste est passée de 4,6 millions de dollars en 2006 à 67 millions en 2009» ajoute ce quotidien. Une aide qui pourrait atteindre les 150 millions si le Congrès donne son accord, indique le New York Times.
Soutenu par les Etats-Unis, le président Saleh doit en contrepartie lutter contre le terrorisme. Mais en plus de sa volonté de maintenir sa famille au pouvoir, de l’inefficacité et de la corruption du régime, «sa volonté de combattre Al-Qaïda -qu’il ne considère pas comme son principal ennemi- est douteuse» estime le New York Times.
Pourtant, «le pays est confronté depuis maintenant deux ans et de façon progressive et montante à une résurgence des cellules d’Al-Qaïda» explique Anne Giudicelli, une experte de la région qui décryptait, dès octobre dernier sur France Culture, les grandes dangers menaçant ce pays. «Il est de notoriété publique que dans l'antique Arabia Felix il existe des bases d'Al-Qaïda, que des organisations «caritatives» se chargent de collecter des fonds destinées au mouvement d'Oussama Ben Laden» note L’Orient-Le-Jour. Et le quotidien souligne que «la première attaque d'envergure contre des intérêts occidentaux s'était produite en octobre 2000 contre le destroyer USS Cole dans le port d'Aden».
Si le président Saleh ne fait pas d’Al-Qaïda sa priorité, c’est parce cet Etat, très pauvre, doit déjà gérer une rébellion chiite soutenue par l’Iran dans le nord et des mouvements séparatistes dans le sud. Lundi 4 janvier dans Libération, Jean-Pierre Filiu, universitaire spécialiste de l’islamisme et d’Al-Qaïda, expliquait que les Etats-Unis ne doivent pas s’engager plus dans ce pays. Les chefs d’Al-Qaïda «ne peuvent s’en sortir qu’en suscitant des interventions directes des Etats-Unis. C’est ce à quoi ils veulent arriver au Yémen. Le piège est clair, assez grossier» relève le chercheur pour qui Al-Qaïda est en bout de cycle. «Tout soutien à des pays comme le Yémen, la Mauritanie ou le Mali doit être indirect, sans affichage. En Irak, le retrait des Américains est le pire coup qu’ils aient pu porter à Al-Qaïda.»
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Image de Une: Barack Obama, Flickr, CC