Culture

Les 10 meilleurs titres hip-hop/R&B de la décennie

Temps de lecture : 4 min

L'avis de la rédaction de The Root.

1- Gnarls Barkley, «Crazy»

Cette explosion de virtuosité pop de trois minutes est, parmi les singles qui ont squatté les ondes pendant les années 2000, le meilleur. Cee-Lo y entonne un roucoulement qui sonne comme s'il était sous sa douche, sur un son à l'alchimie délicieusement déformée en studio par Danger Mouse. Ce n'est pas un hasard s'il s'agit d'une ode à la maladie mentale: le titre ressemble à une chanson d'Ennio Morricone version funky sous amphétamine chantée par un imitateur dérangé d'Al Green. Du son complètement enivrant et original. Le nombre de reprises de «Crazy» parle de lui-même et témoigne de l'incroyable charme du titre, mais aucune de ces versions ne s'approche de l'original.

2- Beyoncé, «Crazy in Love»

Rythm Nation 2003 de Beyoncé est l'album qui a le plus déchaîné les pistes de dance de la décennie, grâce en grande partie à Rich Harrison, qui a été à Beyoncé ce que Jimmy Jam et Terry Lewis ont été à Janet Jackson. Pour créer un chef d'œuvre de pop rythmique annonçant l'arrivée de Beyoncé en tant que star solo, Harrison a combiné un cor de Chi-Lites avec une explosion de percussions funk se rapprochant de la musique go-go (spéciale dédicace à Washington). L'irrésistible «uh-oh uh-ho» vocal se propage plus vite que le H1N1, et le chant de Beyoncé plus fort qu'une tempête casse la baraque. Quant à l'apparition d'un Jay-Z plus cool que la glace, c'est de l'huile répandue sur la piste de dance en feu.

3- Kanye West, «Jesus Walks»

West se décrit lui-même depuis ses débuts comme un mégalomane. Et pourtant le voilà en train de s'incliner en présence du Tout-puissant. Bien sûr, le message est plus profond: son exaltation spirituelle est également un commentaire sur la guerre, la culture et les guerres de culture, en plus des hésitations de sa propre foi. L'hymne hip-hop aux concepts complexes est sublimé par la production cinématographique de West, où les cordes, le puissant beat guerrier et le chœur d'enfants sont dominés par le chant de prisonniers le plus hypnotique de la pop.

4- John Legend, «Ordinary People»

Le monde est digitalisé et centré autour du beat, et nous ne faisons qu'y danser. Mais alors comment une ballade acoustique anachronique qui ne contient ni son de cloche, ni sifflement, ni batterie (ouf !) a-t-elle pu devenir un hit commercial. Ecrit de manière pointue (avec will.i.am, si si!) et magnifiquement restitué, l'élégiaque «Ordinary People» est un titre mature au son simple sur les complexités et les épreuves des relations amoureuses. Le fait qu'il s'agisse simplement de la voix non-trafiquée de Legend et d'un piano élégant en fait un des tubes les plus audacieux de la décennie.

5- OutKast, «Ms. Jackson»

Une chanson sincère sur la fin d'une relation adressée à la mère d'une jeune mère? Avec un sample de «Strawberry Letter 23»? Et des paroles de haut niveau, même pour outKast, dont le niveau moyen est infiniment plus élevé que celui de la plupart des autres rappeurs? Merde! On peut soutenir, et à raison, que plusieurs autres titres d'Outkast devraient figurer dans un best-of des années 2000, comme «Hey Ya» ou «B.O.B.». Alors tirez à la courte paille et appuyez sur lecture. Comme le dit Andre 3000: «One can't be/Mad».

6- Amerie, «1 Thing»

Si «Crazy in Love» est bien le tube de boîte de nuit de l'année, alors «1 Thing» est un truc comme n°1a, et nous fait nous interroger sur pourquoi Rich Harrison, qui a imaginé les deux titres, n'a pas totalement dominé la décennie passée. Il a dû marcher sur les mocassins de Jimmy Iovine ou quelque chose comme ça. Quoiqu'il en soit, la voix séduisante d'Amerie plane sur un break foudroyant de guitare et de batterie de Meters, le tout donnant un effet surnaturel. Mais la star, c'est le beat: Harrison retourne et aplatit les percussions de Zigaboo Modeliste pour un résultat époustouflant.

7- Amy Winehouse, «Rehab»

L'alcool est à la musique et au personnage public de Winehouse ce que le sexe est à R. Kelly. La catastrophe ambulante qui squatte la Une des magazines people a étalé devant le monde entier son autodestruction imminente avec ce single qui l'a fait connaître aux Etats-Unis, un flashback fanfaronnant et frissonnant de Phil Spector sur le refus des conseils d'abstinence d'un ex manager. Superbe et mélancolique, le titre démontre la puissance des cordes vocales de la frêle juive anglaise (si brute, si profondément émotionnelle, si VRAIE), ainsi qu'une tendance à écrire des confessions abruptes remplies de douleur, de rudesse et d'humour. Peut-elle se reprendre et effectuer son retour? Je suis prêt à boire à ce vœux.

8- M.I.A., «Paper Planes»

Maya Arulpragasam, nominée aux Oscars, est une rappeuse/chanteuse/provocatrice politique sri-lankaise née à Londres qui se spécialise dans une nouvelle sorte de mix musical global un peu crasseux, qui tient aussi bien de l'imagination que de l'appropriation et de la pop agitatrice. «Paper Planes» (qui fait partie de la bande-annonce de l'oscarisé Slumdog Millionaire) utilise un sample des punks anglais the Clash; son refrain est composé d'un chœur d'enfants, de tirs d'arme à feu et de la sonnerie d'une caisse de magasin; et il contient des paroles ambigües sur la violence, la pauvreté et la fierté des jeunes du Tiers-Monde. Une formule de succès commercial plutôt improbable; mais grâce au film Pineapple Express, «Paper Planes» a intégré le Top 5 américain et a valu à M.I.A. un Grammy.

9- Young Jeezy, «My President»

Un moment historique documenté avec le style inimitable du hip-hop. «My president is black/My Lambo's blue/And I'll be goddamned if my rims ain't, too.» («Mon president est noir/Ma Lamborghini est bleue/Et que je sois maudit si mes jantes ne le sont pas aussi») Mais le titre épique n'est pas fait que de prétention démesurée, même si Nas fait une apparition pour réclamer la tête d'Obama sur les billets de 5.000 dollars. Jeezy n'est pas d'un optimisme béat quant au changement politique, et il agrémente son coup de poing de célébration avec des rappels à la réalité, faisant remarquer qu'il doit encore se battre comme un chien pour avoir ce qu'il veut, même si la Maison Blanche a été repeinte en noir. Jeezy bientôt secrétaire au Trésor?

10. Willie Isz, «In the Red»

La récession nous a refroidis au cours du dernier tiers de la décennie, et aucun genre n'a réagi comme le hip-hop. Ce n'est par pour rien que les blogueurs de Dutty Artz ont créé une catégorie «Recession Rap Jams», grâce à laquelle j'ai entendu ce titre pour la première fois, une obscurité idéaliste d'Atlanta qui sonne monumentale à mes oreilles, comme une reprise à la sauce «rap du sud» de l'hymne marquant de la famille Carter à l'époque de la Grande Dépression, «No Depression in Heaven». Un classique dès la première écoute, alors épargnez-moi les emails du genre «Et 99 Problems/Get Ur Freak On/Ignition (Remix) alors?»

La rédaction de The Root

Traduit par Grégoire Fleurot

Image de Une: Capture d'écran du clip de «Crazy» de Gnarls Barkley

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