Après la fusillade qui a fait 59 morts le 2 octobre à Las Vegas, des centaines de blessés ont afflué dans les hôpitaux de la ville, et face à ce nombre inhabituel de victimes touchées par balles, le personnel médical a dû improviser.
Dans Slate.com, le médecin urgentiste Jeremy Samuel Faust explique que les hôpitaux américains manquent de données fiables sur la gestion des fusillades de masse et des blessures par balles. Les raisons de ces lacunes sont entièrement politiques: depuis 1996, la NRA (National Rifle Association) –le lobby des armes– a réussi à faire en sorte que le Congrès bloque le financement fédéral de la recherche sur les armes à feu. Les grandes agences fédérales de santé n'ont donc presque plus de budget alloué pour ce domaine.
«La recherche épidémiologique sur qui, pourquoi et comment les gens meurent à cause des blessures par balle a presque disparu en Amérique», écrit Faust.
Les agences fédérales financent par exemple des centaines d'études sur les opioïdes, mais seulement une douzaine sur les blessures par balles. Si ces quelques études existent, c'est grâce aux efforts récents de Barack Obama, mais les financements n'ont pas été reconduits.
Des fonds privés mobilisés
Dans cette situation, les urgentistes partagent leurs expériences des fusillades de masse de façon anecdotique lors de conférences, au lieu d'avoir accès à des études qui pourraient indiquer les bonnes pratiques préférables en cas de crise.
«Notre incapacité à avoir une conversation raisonnable sur les armes à feu dans ce pays a freiné notre capacité, en tant que professionnels médicaux, à être bien préparés à sauver des vies pendant les fusillades de masse», écrit Faust.
Les recherches actuellement conduites sur le sujet sont donc financées par des fonds privés ou liés aux États. En Californie, l'épidémiologiste Garen Wintemute a dû utiliser plus d'un million de dollars de son argent personnel pour soutenir son programme de recherche sur la prévention de la violence à l'University of California, Davis. Les études qu'il mène –notamment une qui montre que les propriétaires d'armes qui ont des arrestations liés à l'alcool sont quatre fois plus susceptibles de commettre des crimes liés aux armes– permettent de guider le processus législatif dans les États qui veulent contrôler l'accès aux armes.