Le 14 février 2005, Rafic Hariri était assassiné à Beyrouth. Dans les années suivant ce drame, le Liban a connu une période de troubles et d'incertitudes: les blessures de la guerre civile semblaient prêtes à se rouvrir, les tensions entre les communautés se ravivaient, et, plus que jamais, la souveraineté du pays était fragilisée par les ingérences des grandes puissances régionales. Après plus de quatre ans de difficultés, la situation s'est plutôt améliorée. C'est ce que j'ai pu constater lors d'un déplacement à Beyrouth, vendredi 18 et samedi 19 décembre derniers, avec mon ami et collègue Elie Aboud, député de l'Hérault, en rencontrant notamment des responsables politiques de premier plan: le Président de la République Michel Sleiman, le Président du Conseil des ministres, Saad Hariri et Fouad Siniora, ancien chef du Gouvernement et président du groupe majoritaire.
La victoire du Parti du Futur de Saad Hariri et de sa coalition, l'alliance du 14 Mars, aux élections législatives de juin 2009 peut permettre au pays de repartir sur de nouvelles bases. Deux signes forts m'incitent à l'optimisme.
D'abord, j'ai rencontré un homme courageux et déterminé, Saad Hariri. Pendant notre long entretien, j'ai pu mesurer sa lucidité sur les difficultés qu'il doit affronter, mais aussi sa volonté farouche de faire avancer son pays. Homme de la nouvelle génération, Saad Hariri a décidé de former un gouvernement d'unité nationale, rassemblant toutes les formations politiques libanaises, pour tourner la page des divisions du passé. Ce n'était pas chose facile dans ce pays marqué par les tensions communautaires. Mais c'était sans conteste un choix visionnaire. Face à l'instabilité et aux tensions qui existent dans cette région du monde, la stabilité politique commande l'unité nationale pour relever les défis et construire l'avenir du Liban. Saad Hariri l'a bien compris.
Ensuite, en rencontrant officiellement le Président syrien Bachar El Assad, Saad Hariri a adressé un message d'apaisement très fort pour l'ensemble de la région. La stabilité du Liban passe aussi par le chemin de Damas: une relation syro-libanaise apaisée est le préalable indispensable à l'arrêt des tentatives d'ingérence dans le pays. Sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, la France a déjà rouvert le dialogue avec la Syrie. Et elle doit maintenant tout faire pour faciliter ce rapprochement entre Beyrouth et Damas, sur des bases claires et dans la reconnaissance de l'indépendance de chacun.
Et au final, une image incarne pour moi cet optimisme renaissant au Liban. J'ai vu à Beyrouth une ville étonnante de vitalité, à la fois marquée par les plaies encore vives du passé et déjà résolument tournée vers l'avenir. En quelques mètres on passe du mausolée de Rafic Hariri, simple tente dressée dans le dénuement du deuil sur les lieux mêmes de l'attentat qui lui a coûté la vie, à un centre ville flambant neuf, marque d'une société civile prête à tourner la page des conflits, sans renier son histoire, pour préparer un futur meilleur.
Bien sûr, malgré tous ces signes encourageants, la partie n'est pas encore gagnée. L'équilibre libanais demeure très fragile. Le pays reste encore soumis aux tensions fortes qui existent dans la région et son unité retrouvée doit encore être consolidée. Les bases sont là, mais tout est maintenant dans l'art de l'exécution sur le long terme. De la capacité du Liban à maintenir son unité et son indépendance dépendent ses relations avec Israël et donc en partie la stabilité de la région. Un Liban instable, sujet aux tensions, notamment au Sud-Liban, un Liban sur lequel plane l'ombre de la Syrie, constitue un facteur d'incertitude pour l'Etat d'Israël et donc un frein, parmi d'autres, à une paix durable dans la région. C'est pourquoi la France, présente depuis des siècles aux côtés du Liban, a un rôle crucial à jouer là-bas.
Nous devons accompagner l'émergence d'un Liban fort, stable, et pleinement souverain. C'est ce message de soutien que j'ai porté à Michel Sleiman et Saad Hariri. Dans cette perspective, les Parlements peuvent aussi contribuer à l'amitié entre nos deux pays, par exemple en menant des réflexions communes dans les domaines de la formation, de la jeunesse, de la transition de nos économies vers un modèle plus vert et plus numérique. L'Union pour la Méditerranée peut être le cadre idéal pour approfondir cette coopération. France et Liban, par leurs relations riches et fécondes, sont naturellement des partenaires moteurs pour relever les nouveaux défis de la région méditerranéenne.
Jean-François Copé
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Image de Une: Le minaret de la mosquée d'al Amin, à Beyrouth, entouré de deux croix chrétiennes, REUTERS/Eric Gaillard