Nouveau scandale dans le très petit monde des Miss France. Le magazine Entrevue a publié en Une et en pages intérieures des photos de Miss Paris 2009 dénudées. Celle-ci écarte les jambes dans des positions plutôt suggestives, ce qui rappelle l'affaire de la jolie réunionnaise, Valérie Bègue. Comme d'habitude, l'emballement médiatique s'est mis en branle très vite et Geneviève de Fontenay, l'indéboulonnable présidente du comité Miss France, s'est répandue dans les médias pour crier son dégoût, réclamant sa destitution. Elle va ainsi être remplacée par Miss Ile-de-France.
Ces histoires sont récurrentes maintenant et semblent faire partie intégrante des élections de Miss, au point que cela finit par en devenir lassant. Malheureusement, il y a fort à penser que cela profite à trop de gens pour que cela s'arrête un jour.
Premier bénéficiaire: Entrevue et la presse en général
Le type de presse que représente Entrevue, le people-trash, est en crise, sévèrement menacé par Internet. Le magazine, fleurissant au début des années 2000, qui vendaient encore 500 000 exemplaires en 2005, a vu sa diffusion tomber à 225 000 exemplaires en 2009 selon les chiffres de l'OJD. À tel point que son entreprise éditrice, la SCPE (qui publie aussi Choc et Guts) a été placée en redressement judiciaire en septembre dernier après des pertes de plus de 8 millions d'euros avec une période de continuité fixée à six mois. S'il n'y a pas encore les chiffres de vente du numéro d'Entrevue, nul doute qu'ils seront bons et que cela devrait être un petit bol d'air pour le magazine. Car derrière les jambes écartées de Kelly Bochenko, n'oublions pas qu'il y a des emplois et des journalistes avec des cartes de presse. En ces temps de crise des médias, il ne faut jamais se réjouir de la disparition potentielle d'un titre, même s'il n'a pas la qualité du New Yorker (surtout que ces révélations trash font le bonheur de tous les sites d'actu qui reprennent ensuite l'information).
Certes, il y a des risques judiciaires. Mais les éventuelles sanctions sont prises en compte à l'avance et font partie de la vie de ces magazines. Surtout que les décisions des juges ne tournent pas toujours forcément à l'avantage des plaignantes (au féminin car étrangement il n'y a jamais des photos de Mister France dénudés en Une de ce type de magazine). En 2007, Entrevue avait été retiré de la vente à la Réunion après la publication des photos de Vélérie Bègue mais celle-ci avait vu trois mois plus tard sa plainte contre le magazine Choc déboutée après la diffusion d'images d'elle seins nus sur une plage.
Là, selon toute vraisemblance, Miss Paris devrait empocher une somme d'argent honnête et Entrevue devra publier en Une un entrefilet pour annoncer sa condamnation. Si on était cynique, on écrirait même que Kelly Bochenko risque de gagner plus d'argent grâce à cette affaire qu'en un an d'exploitation à faire les ouvertures de salons de l'électroménager. Car les Miss en général ne sont pas payées et ne touchent que des cadeaux en nature pour leurs prestations.
Deuxième bénéficiaire : le comité Miss France
L'élection de Miss France est chaque année une audience de télévision à succès. Environ 8 millions de téléspectateurs, une dure concurrence pour le Téléthon. Pour un concours qui date de 1927 et qui devrait logiquement avoir été ringardisé depuis longtemps, c'est une performance. Si ce n'est pas la seule raison, sa pérennité en haut de l'affiche est sans doute due en partie à toutes les «affaires» qui l'entourent. Quelle sont les recherches les plus tapées sur Google le soir de l'élection ? «Miss France 2010 nue» «Malika Ménard nue» . Personne n'aurait pensé à taper son nom si elle n'avait pas gagné, mais que voulez-vous, la célébrité attire les voyeurs. Un sympathique «scandale» tous les six mois, c'est l'assurance d'une audience télé importante et les retombées médiatiques qui vont avec pour Geneviève de Fontenay.
Troisième bénéficiaire: le féminisme ?
Chaque photo dénudée permet à Geneviève de Fontenay de s'exprimer dans les médias. Elle n'a pas été tendre encore cette fois-ci avec Miss Paris. Après les déclarations de cette dernière affirmant que ces photos relevaient de la vie privée et qu'elle était très choquée par la publication dans Entrevue, la présidente du Comité Miss France, impitoyable, a expliqué: « C'est quand même elle qui a écarté les cuisses! Bon, on ne va pas s'apitoyer sur son sort (...) Moi, avec mes 77 ans, j'ai passé un quart de siècle avec Louis de Fontenay, jamais il ne m'a demandé d'écarter les cuisses pour me photographier. C'est un manque de dignité, un manque de respect de soi-même. Ce n'est pas de l'amour, ça!"
Le discours est connu, habituel. Elle le répète à chaque histoire, parfois mots pour mots. Ces photos nous ramènent quelques dizaines d'années en arrière sur la condition de la femme en dénonçant le contraire de ce qui devrait être.
Ce qui est choquant c'est que, dès qu'une personne est connue, des gens vénaux en profitent pour fouiller les fonds des disques durs. Parce que c'est une femme, parce que c'est une Miss, donc un objet, elle n'aurait pas le droit à une vie privée, à de l'intimité et à une sexualité libérée. Non, vous avez raison Madame de Fontenay, il vaut mieux l'enfoncer.
Qu'une femme (ou un homme) pose nue, dans des positions plus ou moins explicites, cela ne devrait déranger plus personne. Depuis que la photographie a été créée, des gens posent nus. Tous les arts, en général, ont des liens avec l'érotisme ou la pornographie. Surtout dans un cadre privé (et même dans un cadre public), en quoi est-ce choquant? Ce qui est dérangeant à la limite c'est que les photos soient très mauvaises et piquent les yeux de n'importe quel amateur, pas qu'elles existent. Kelly Bochenko aurait elle-même déclaré sur le forum «A tout choeur»: «Qui n'a jamais fait de photo légère avec son copain ou sa copine, surtout quand on est jeune?». La honte de la nudité de la femme semble renvoyer à une lecture traditionaliste de la Bible alors que l'on vit dans un monde avec des naturistes chrétiens et que Madame de Fontenay, paradoxalement, déclare ne pas croire en Dieu.
D'ailleurs, personne ne semble vraiment adhérer à ses propos, même les politiques. Sur Twitter, le sénateur Alain Lambert, ancien ministre du budget, 63 ans, a ainsi «un faible pour Mme de Fontenay qui franchement reste une de nos meilleurs comiques». Il n'hésite pas à se moquer: « Mme de Fontenay refuse de laisser photographier dans n'importe quelle position: tant mieux, non?»
Déjà pour l'affaire Valérie Bègue, les Réunionnais avait soutenu leur Miss, qui n'avait pas été destituée mais juste empêchée de participer aux concours internationaux (de toute façon la France ne gagne jamais).
Essayons de voir les bons côtés. Chaque histoire offre à une presse destinée à disparaître la possibilité de durer un peu plus longtemps et les déclarations de Madame de Fontenay sont tellement hors du temps qu'elles permettent de mesurer avec bonheur tout le chemin parcouru depuis les années 50 en termes de libération de la femme et de la sexualité. Miss Paris, si elle en avait envie ce jour-là, a eu bien raison de se faire prendre en photo.
Quentin Girard
Image de Une : Kelly Bochenko, Miss Paris 2009, photo Reuters/ Eric Gaillard