«Chez Bellesa, nous pensons que la sexualité sur internet devrait représenter les femmes comme elles sont vraiment: des sujets de plaisir, et non des objets de conquête», peut-on lire sur la page de présentation du site. Lancée le 15 février 2017, Bellesa [«beauté» en catalan, ndlr] se targue d'être une plateforme de vidéos pornographiques à destination des femmes, animée par des valeurs éthiques et féministes.
La sauce prend: après sept mois d'existence, le site attire plus d'un million de visiteurs par mois. Les médias tombent dans le panneau, admirent la démarche. L'édition de Montréal du journal Metro, par exemple, publiait en avril une interview de la fondatrice du site, la Montréalaise Michelle Shnaidman. Celle-ci expliquait:
«la section vidéo est entièrement alimentée par la communauté. Nous faisons confiance à notre réseau croissant d’utilisateurs engagés pour téléverser [«télécharger» en québécois, ndlr] et surveiller le contenu vidéo».
Plus récemment, les sites Bustle et Medium saluaient l'initiative, le premier s'enthousiasmant: «Bellesa, un site porno gratuit pour les femmes, change notre manière de voir le sexe», le deuxième le présentant comme «un site pour adultes gratuit où les femmes peuvent célébrer leur sexualité». Des descriptions qui collent avec l'image que le site souhaite renvoyer, mais éludent les coulisses de cette vitrine dorée.
«En regardant de plus près, on découvre que le site n’est en fait qu’un agrégateur de tube qui met à disposition une sélection de scènes “pour femmes” en provenance du tube porno SpankBang, à mille lieux des citations inspirantes et positives de leur Instagram qui prônent la différence et l’empowerment [l'émancipation, ndlr]», dénonce Le Tag Parfait.
«Une féministe est une personne qui croit au pouvoir des femmes autant qu'au pouvoir de n'importe qui d'autre. C'est l'égalité. C'est la justice.»
Que peut-on trouver sur Bellesa? «Les meilleures vidéos du web, sélectionnées et contrôlées par nos utilisateurs», revendique le site, sans jamais préciser qu'il s'agit de vidéos volées.
«Aucune ne provient de contenu (légal) promotionnel ou d’amateurs vérifiés», affirme le magazine français dédié à la culture pornographique. Les vidéos téléchargées sur Bellesa sont en fait piratées depuis d'autres sites porno qui diffusent eux-mêmes des vidéos piratées.
«Ce site n'est absolument pas plus éthique que The Pirate Bay ou autres sites de piratage destinés à exploiter les producteurs et les acteurs à des fins lucratives», souligne le média spécialisé en éthique de l'indutrie du porno, Ethical.Porn. «Le site ne verse pas un sou aux actrices ou productrices de X. Il ne fait que perpétuer leur exploitation économique.»
Sur les réseaux sociaux, des voix de consommateurs et de producteurs commencent à s'élever contre les pratiques peu scrupuleuses de Bellesa:
«Salut Bellesa. Vous avez des contenus que nous avons créés et des textes que nous diffusons sur votre site. Merci de les retirer.»
«Voilà comment les artistes du X sont exploités. Bellesa = site de tube piètrement déguisé. Arrêtez de pirater le porno. Éthique/féministe? Soutenez-nous.»
«Voler du porno n'émancipe personne. Et pirater spécifiquement les femmes productrices au nom du “porno pour femmes”... Honte à Bellesa.»
Une question subsiste: qu'avait réellement dans la tête Michelle Schnaidman au moment où elle a pensé le fonctionnement du concept? Ethical.Porn a sa petite idée:
«Soit elle ignore complètement qu'elle participe à cette exploitation, soit elle n'a aucun souci avec le fait d'exploiter des actrices et productrices pour gagner de l'argent».
Les deux solutions sont plausibles, car la fondatrice de Bellesa s'apparente davantage à une pure business woman qu'à une fine connaisseuse de l'univers de la pornographie.
En témoigne cette vidéo, postée sur YouTube le jour du lancement du site:
Elle est nommée «Du porno pour les femmes. C'est enfin arrivé.» et s'accompagne de la description «Bellesa revisite le divertissement pour adultes. Celui-ci est élégant, émancipateur et brise la stigmatisation.» Mais Michelle Schnaidman est loin d'avoir inventé le genre, et Le Tag Parfait fait bien de le rappeler: «il existe de bien meilleurs sites porno féministes et depuis plus de dix ans».