J’ai regardé «Touche pas à mon poste» pendant une semaine. J’ai moi-même du mal à y croire. Les rares fois où j’étais tombée dessus, les rires hystériques m’avaient tellement horripilée que j’avais été contrainte de zapper. Mais je l’ai fait. L’angle de ce papier devait à l’origine être «qu’est-ce qui a vraiment changé dans l’émission?», mais comme je n’avais jamais regardé auparavant, le comparatif est difficile.
Alors qu’ai-je appris?
Et bah déjà, j’ai découvert le concept de l’émission. Ça, ça a été un gros choc. Parce que je n’avais jamais compris que l’idée phare du programme, c’est de se retrouver à la machine à café avec ses collègues et débriefer ce qu’on a regardé la veille à la télé. Attendez, j’aimerais vous le redire: c’est une émission de télé dont le concept ce sont des gens qui parlent de ce qu’ils ont vu à la télé. Je vais donc donner mon avis sur une émission de télé dans laquelle les gens donnent leur avis sur des émissions de télé. Si vous pouviez ensuite commenter le papier dans lequel je commente une émission dans laquelle on commente d’autres émissions, on aboutirait à une certaine forme de perfection.
«Moi aussi je pourrais le faire»
Du coup, je n’ai pas bien compris quand Agathe Auproux que j’aime bien par ailleurs –mais je crois que j’aime bien la plupart des femmes de cette émission, ce qui n’est pas le cas des chroniqueurs hommes mais on y reviendra–, Agathe Auproux donc donne son avis sur «Les Enfants de la télé» et dit: «Je déteste le concept de cette émission.» Comment dire… le concept, c’est de regarder des gens qui parlent de la télé avec des extraits de télé. Alors certes, dans «Les Enfants de la télé», c’est des extraits d’il y a vingt ans, et dans «TPMP» d’il y a 24 heures mais conceptuellement ce n’est pas très éloigné.
Je me dois d’avouer que j’ai eu un deuxième choc. Après le replay de la première émission de l’année, je me demandais comment ils réussissaient à remplir cinquante minutes quotidiennes sur ce sujet, j’ai découvert qu’il y avait une deuxième partie. Je n’avais vu que la moitié de l’émission du lundi. Moi qui avais estimé quatre heures de visionnage pour cet article, j’ai découvert que j’en prenais pour à peu près huit heures…
Au début de mon visionnage, je me suis dit: «Bah ok, merci bien, moi aussi je pourrais le faire.» Il a fallu la deuxième émission pour que je me rende compte que le fait de réussir à donner cette impression de naturel –parce qu’on a vraiment l’impression d’être à la machine à café, à la limite, ça paraît même bizarre de ne pas les croiser aux toilettes– et bah c’est du boulot. Réussir à obtenir ce naturel-là à la télé, c’est une sacrée gageure. (Je ne juge évidemment pas là la qualité du contenu du programme dont je dirais que ça n’a pas été les huit heures les plus enrichissantes de mon existence.) Évidemment, le naturel a ses limites. Par exemple, dix minutes pour savoir où va s’installer Camille Combal c’est peut-être trop.
«À la télé, c’est intolérable de traiter quelqu’un comme ça»
Mais, soyons francs, ce que j’attendais moi, c’est le dégueulasse. Le côté crado de l’émission. De ce point de vue, c’était assez instructif. Prenons Pierre Ménès.
Lui:
Dès le lundi, il tente une blague sur Laurent Ruquier qui était du genre à tout pomper à l’école: «J’ai bien dit à l’école.» Et là, c’est le drame, c’est le bide. Le reste de l’équipe enchaîne l’air de rien. Et dans les yeux de Ménès, j’ai vu une déception du genre «merde, ma blague était trop subtile, ils ont pas compris». J’ai cru qu’il allait la répéter mais quelqu’un de la prod a dû lui faire un signe d’égorgement parce qu’il n’a pas insisté.
Ménès était très en forme. Lors d’une séquence poétiquement intitulée «Touche pas à mes tétés», on lui demande: «Qu’est-ce que vous auriez tweeté derrière Angot?» C’était pour commenter l’arrivée d’Angot chez Ruquier. Quand je vous dis qu’ils font la même chose que nous au boulot… Pierre Ménès explique alors que c’est la pire idée de l’histoire de la télé. Et là, attention, il ajoute qu’il n’a pas supporté la manière dont elle avait traité François Fillon pendant «L’Emission Politique» parce que, je cite: «À la télé, c’est intolérable de traiter quelqu’un comme ça, quel qu’il soit».
Heu… Donc on peut insister lourdement sur l’homosexualité de quelqu’un mais on ne doit pas dire à un candidat à la présidentielle ce qu’on pense de lui?
Ok.
Où en est Cyril Hanouna?
Au début, tout était sous contrôle. Voix calme, certes quelques petits mouvements sarkoziens au niveau des épaules, mais dans l’ensemble, pas de souci. Dans l’émission du mardi, on a même atteint le point «je fais venir une enfant malade sur le plateau pour qu’elle chante». Au cours de la même émission, il fait des «surprises» à son invité, Soprano, avec un message vidéo d’un de ses anciens profs et après, ses deux meilleurs amis de primaire qui débarquent. Il était clairement en pleine druckérisation.
Il a fallu attendre la troisième émission pour que le prozac commence à perdre de son efficacité. On sentait son agitation monter. Il essayait d’écouter les chroniqueurs débattre de l’audience du «Meilleur Pâtissier», mais en vrai, il crevait d’envie de chanter du Enrico Macias avec une plume dans le cul. On dirait un peu mon fils quand il essaie de paraître sage alors qu’à l’intérieur de lui, c’est un feu d’artifices de conneries. Hanouna, c’est le genre de mec qui finit le cours de yoga en faisant un pogo.
En bref, je ne suis pas certaine qu’il réussira à se contenir toute une année. Se forcer à rester calme, ça le fout trop sur les nerfs.
J'avoue, j'ai ri
Dans ce cas, pour se défouler, j’ai une proposition: humilier alternativement Gilles Verdez, Jean-Michel Maire et Pierre Ménès. Déjà, il a fait bouffer une tarentule à Gilles Verdez et j’avoue que cette vision m’a procuré un certain plaisir. Mais vidons immédiatement l’abcès purulent en faisant un point Jean-Michel Maire.
Évidemment, la déontologie la plus basique m’interdit de dire que Jean-Michel Maire est un gros con. Le visionnage de quatre émissions au cours desquelles il a dû cumuler onze minutes de prises de parole est un échantillon trop faible. Alors disons plutôt que si on avait recueilli des bouts de sexisme partout à travers le monde et qu’on les avait assemblés comme de l’argile pour faire une statue et que cette statue avait pris vie, elle se serait appelée Jean-Michel Maire. Si on jouait à «tu préfères embrasser Jean-Michel Maire ou lécher l’anus de ta grand mère?» et bah je répondrais le 2, et pourtant ma grand-mère est décédée depuis déjà quelques années…
Est-ce que j’ai ri?
C’est un divertissement donc c’est ce qu’on lui demande. Et bien, j’avoue que j’ai ri et l’explication tient en un nom: Greg Guillotin (YouTubeur qui avait fait cette parodie des connards qui vont embrasser des filles dans la rue). Pour «Touche Pas à Mon Poste», il a repris son personnage de star du web imbu de lui-même. Il a piégé les chroniqueurs de l’émission. Profitant de la crise autour de l’émission à la fin de la saison précédente, Hanouna a fait croire à son équipe qu’il avait embauché un mec qui allait s’occuper d’améliorer l’image de chacun. Guillotin les a reçu un par un et c’est… Vous pouvez aller juger par vous-même.
J’ai donc ri, mais dans le fond je suis une mauvaise personne parce que c’est un peu humiliant. La mécanique humoristique principale reste de rire aux dépends d’une tierce personne et ça, c’est pas bien, sauf quand cette personne s’appelle Jean-Michel Maire, Pierre Ménès ou Gilles Verdez.