Les nouvelles technologies sont un secteur d'hommes. Créé par les hommes, pour les hommes. Et gare aux femmes qui auraient l'audace de s'y infiltrer. Début août, la divulgation d'un document dans lequel un ingénieur de Google justifiait les inégalités de statuts homme-femme au sein de la compagnie par des différences biologiques scandalisait. En février, une ancienne ingénieure d'Uber publiait un récit surréaliste sur le sexisme et le harcèlement sexuel ambiants dans l'entreprise créatrice des applications de mise en contact entre clients et chauffeurs.
Un an plus tôt, une étude montrait que 60% des femmes travaillant dans la Silicon Valley, pôle des industries de pointe de technologie de Californie, y avaient déjà été harcelées. Cette étude faisait suite au procès perdu d'Ellen Pao, ex PDG du forum mondialement connu Reddit, qui poursuivait en justice son ancien employeur, le fonds d’investissement Kleiner Perkins Caufield & Byers. La femme d'affaires accusait ses supérieurs de lui avoir refusé des promotions en raison de son genre, et dénonçait par ailleurs des cas de harcèlement sexuel au sein de la société.
Dans un livre à paraître le 19 septembre 2017, intitulé Reset: My fight for inclusion and lasting change (que nous pourrions traduire par Réinitialisation: Mon combat pour l'intégration et un changement durable), Ellen Pao confirme ce qui, depuis quelques années, est devenu un lieu commun: si la Silicon Valley est à la pointe de la technologie, elle est aussi à la pointe du sexisme. En voici quelques extraits, publiés sur le magazine en ligne The Cut, qui relatent son expérience d'associée junior et de chef d'équipe chez KPCB.
«Le PDG voulait recruter une femme dans son conseil d'administration 100% masculin. J'ai suggéré Marissa Mayer, mais il m'a regardée et a dit, dédaigneusement: “Non, trop controversée”. Puis il a souri à Ted, en ajoutant: “Quoique je pourrais la laisser rejoindre le conseil parce qu'elle est bonne.”»
«Aux réunions, les hommes parlaient souvent en même temps que lorsque leurs collègues femmes prenaient la parole, ou répétaient ce que les femmes avaient dit en s'appropriant leurs idées. Les femmes étaient réprimandées si elles “élevaient la voix” ou si elles n'arrivaient pas à “en imposer”. Une fois, alors que j'étais encore relativement nouvelle, un homme a fait passer une assiette de cookies autour de la table –mais nous a curieusement ignorées, la femme à côté de lui et moi.»
«Parmi le peu de femmes au même grade que moi ou au-dessus, quasiment aucune n'avait d'enfant en bas âge. Une collègue m'a raconté que quand elle avait joyeusement annoncé sa troisième grossesse, un supérieur avait répondu: “Je ne connais aucune femme active et professionnelle qui a trois enfants.” Quand j'ai accouché de mon premier enfant, certains collègues ont comparé mon congé maternité à l'abandon d'un navire en pleine tempête pour se faire une manucure.»
«J'avais toujours un énorme problème avec Ajit [un collègue avec qui elle a entretenu une brève relation amoureuse, avant de réaliser qu'il était toujours avec sa femme et de le quitter, ndlr]. Non seulement il m'empêchait de travailler, mais en plus, il avait été promu et rendait de mauvaises évaluations sur mon travail. J'ai commencé à signaler sa conduite. En réponse, la boîte m'a suggéré une mutation au bureau de la Chine.»
«Au moment des évaluations d'été, l'entreprise avait six associés juniors qui travaillaient pour elle depuis quatre ans ou plus. Les femmes avaient deux fois plus d'années d'expérience chez Kleiner, mais seuls les hommes ont eu une promotion.»
«Les directeurs associés bafouaient aussi les règles de l'embauche, en posant lors des entretiens des questions comme: “Êtes-vous mariée?”, “Avez-vous des enfants?”, “Quel âge avez-vous?”, “Pensez-vous avoir des enfants?”, “Que fait votre mari dans la vie?”, “Que faisait votre ex-mari?”»
L'intégralité des extraits est à retrouver ici.