Une camionnette a foncé sur la foule qui se trouvait sur la Rambla de Barcelone, jeudi 17 août, faisant au moins 14 morts, selon un bilan provisoire qui pourrait encore s'alourdir, a annoncé la police catalane. Les autorités, qui ont évoqué un «acte terroriste», ont bouclé cette avenue très touristique et demandé aux passants de quitter la zone. L'attentat a été revendiqué dans la soirée par l'État islamique. Le Safety Check, fonctionnalité de Facebook permettant aux utilisateurs de se déclarer en sécurité en cas d’événement tragique, a été activé. Le conducteur de la camionnette, lui, est toujours en fuite.
⚠⚠⚠⚠⚠⚠IMPORTANT: Évitez sortie dans la rue à Plaza Catalunya de Barcelone
— EmergènciesCatalunya (@emergenciescat) 17 août 2017
Un peu plus tard dans la nuit, dans la station balnéaire de Cambrils, au sud de Barcelone, une voiture a également foncé dans la foule, faisant sept blessés. Le véhicule a été stoppé par les tirs de la police, tuant quatre des assaillants et blessant un cinquième. Les deux attentats seraient liés, d'après les premières conclusion des autorités espagnoles.
Ces attaques rappellent de nombreux précédents par son mode opératoire. «Alors que les détails complets de l'incident ne sont pas encore connus, depuis juillet 2016 des véhicules ont été utilisés pour foncer sur des foules dans une série d'attaques terroristes à travers l'Europe, tuant plus de 100 personnes à Nice, Berlin, Londres ou Stockholm», note l'agence de presse Reuters.
L'attentat le plus mortel avait eu lieu à Nice où un camion de 19 tonnes avait roulé sur les gens qui étaient venus assister au feu d'artifice du 14-Juillet, faisant 84 morts.
Le 3 juin 2017, une camionnette avait renversé et tué plusieurs piétons sur le London Bridge à Londres. Les assaillants avaient ensuite quitté le véhicule et poignardé des passants, dont un officier de police, avant d'être abattus. Quelques jours après le 19 juin, un Gallois fonçait sur une foule de fidèles davant la mosquée de Finsbury Park, faisant une victime. Même scénario à Berlin en Allemagne le 19 septembre 2016, où douze personnes avaient été tuées après qu'un camion a foncé sur un marché de Noël, et à Stockholm le 7 avril 2017.
En octobre 2014, un Canadien de 25 ans récemment converti aux thèses djihadistes avait également foncé au volant de sa voiture sur trois militaires, en tuant un et en blessant un autre, au bord d'une route dans la banlieue de Montréal.
«Le véhicule faucheur ultime»
Le Site Intelligence Group, une entreprise américaine spécialisée dans la diffusion des messages vidéos d'organisations terroristes islamistes, avait indiqué lors de l'attaque de Nice que le porte-parole de Daech avait, dès septembre 2014, encouragé les combattants djihadistes a commettre des attaques avec des véhicules piégés.
A vehicular attack such as that in #Nice was advocated by #ISIS spokesman 'Adnani in September 2014 and #AQAP in Issue 2 of Inspire Magazine
— SITE Intel Group (@siteintelgroup) July 14, 2016
«Si vous ne pouvez pas trouver d’engin explosif ou de munition, alors isolez l’Américain infidèle, le Français infidèle, ou n’importe lequel de ses alliés. Écrasez-lui la tête à coups de pierre, tuez-le avec un couteau, renversez-le avec votre voiture, jetez-le dans le vide, étouffez-le ou empoisonnez-le», avait dit Abou Mohamed Al-Adnani, dans un message audio.
Selon Site Intelligence Group, le groupe djihadiste al-Qaïda dans la péninsule arabique avait également préconisé ce mode opératoire en 2010 dans le numéro 2 de sa revue de propagande Inspire.
Un article entier intitulé «le véhicule faucheur ultime» était consacré à ce mode opératoire.
«C'est une idée simple qui n'implique pas beucoup de préparation. (...) L'idée est d'utiliser un gros véhicule. Vous pouvez prendre un pickup. Le plus gros est le mieux (...) Pour faire le plus gros carnage, vous devez rouler aussi vite que possible tout en gardant le contrôle du véhicule pour maximiser votre inertie et être capable de renverser autant de gens que possible dès votre première tentative», peut-on notamment lire dans Inspire.
Capture d'écran d'une page du magazine Inspire. DR
L'auteur de l'article ajoute également que «l'endroit idéal est un lieu où il y a le maximum de piétons et le moins de véhicules possibles».
Camions piégés en Irak
Ces dernières années, plusieurs attaques au camion piégé ont également été commises par des groupes terroristes djihadistes, dont par Daech en Irak.
Le 13 août 2015, l'explosion d'un camion frigorifique avait fait 76 morts sur un marché à Bagdad, dans le quartier chiite de Sadr City. L'attentat avait été revendiqué par Daech. Le 6 mars 2016, une autre attaque avec un camion piégé avait fait 47 mort à l'entrée de la ville de Hilla à un checkpoint, au sud de Bagdad. Le groupe terroriste avait là encore revendiqué l'attaque. Mais l'attentat le plus dévastateur avec ce mode opératoire, est l'explosion d'un camion réfrigéré le 3 juillet dans le quartier de Karrada, en plein centre de la capitale irakienne, qui a fait 292 victimes. Un immeuble s'est effondré sous la puissance de l'explosion.
L'avertissement du patron de la DGSI
À la suite de l'attentat de Nice, les services de renseignement français avaient avoué craindre depuis longtemps des attaques avec des véhicules piégés.
Auditionné à huis clos le 24 mai 2016 par la commission d'enquête parlementaire sur les attentats de 2015, qui avait publié un rapport le 5 juillet 2016, le patron de la DGSI, Patrick Calvar avait notamment déclaré, comme le notait L'Express:
«Je suis persuadé qu'ils passeront au stade des véhicules piégés et des engins explosifs, et qu'ainsi ils monteront en puissance, disait-il en ciblant les djihadistes de Daech. Nous savons très bien qu'ils vont recourir à ces modes opératoires: ils ont bien vu les effets provoqués par une opération massive», ajoutait le patron de la DGSI.
L'attaque de Barcelone montre une nouvelle fois que ce type d'attaque terroriste est «facile» à mettre en place et extrêmement difficile à déjouer.