Après une apparation remarquée dans la première saison de la série gastronomique Chef's Table, le chef italien de l'Osteria Francescana Massimo Bottura est de retour sur Netflix. La plateforme a décidé d'héberger un documentaire long-métrage Théâtre de la vie (Theater of Life en version originale), réalisé par Peter Svatek, racontant la création d'une soupe populaire au Refettorio Ambrosiano, dans le quartier défavorisé de Greco à Milan.
Aujourd'hui, nombre de chefs ne sont plus seulement des cuisiniers mais des célébrités, des personnalités à part entière, voici donc un petit guide pratique à destination de ceux qui, dans un avenir plus ou moins éloigné, souhaiteraient à leur tour bénéficier d'une telle popularité dans le monde de la gastronomie.
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1.Se rendre désirableRéserver une table? Pour quoi faire...
Vos clients doivent lutter (un peu) pour venir manger à votre table. Les meilleurs restaurants ne sont-ils pas après tout ceux où tout le monde veut aller? L'impression que les meilleures tables sont inaccessibles va aussi avec l'explosion du système de réservation. Il n'y a plus de règles. Ceux qui vivent à Paris ou ceux qui y sont simplement de passage l'auront remarqué, les restaurants où il n'est plus possible de réserver une table grâce à un simple coup de téléphone sont de plus en plus nombreux.
Si les raisons avancées sont avant tout économiques –un enjeu de rentabilité pour l'enseigne–, l'absence de réservation traditionelle participe également beaucoup à la réputation du lieu. Obtenir une table devient alors un petit événement, une faveur en échange de beaucoup (trop) de patience, donnant lieu à un moment privilégié.
La réservation demeure bien sûr, mais un autre moyen pour se faire désirer est de ne plus répondre au téléphone et préferer la réservation en ligne. Même les étoilés s'y sont mis: le restaurant d'Alain Ducasse au Plaza Athénée, le Septime à Paris ou le restaurant Hélène Darroze. Vous pouvez même proposer, comme pour des concerts, la prévente sans remboursement en cas de faux-bond (Le Clove Club à Londres ou l'Alinea à Chicago) ou encore un système de versement d'arrhes pour s'assurer que les clients viennent bien et ou paient de lourdes pénalités s'ils vous posent un lapin, comme au Jules Verne d'Alain Ducasse.
2.Jouer le jeu avec les médiasIls restent de sacrés alliés
Si la gastronomie est une préoccupation des Français depuis la fin du Moyen-Âge, la gastronomie est un sujet qui intéresse voire passionne le grand public depuis une dizaine d'années déjà. Pas étonnant, donc, que la presse se soit également emparée de la question. Magazines, sites internet, rubriques, chroniques... Pour entretenir une popularité, les chefs sont amenés à sortir de leurs cuisines se montrer dans les médias. Et s'ils acceptent de jouer le jeu, la presse leur rendra la pareille –le plus souvent par l'intermédiaire d'une interview fleuve ou d'un portrait brillamment illustré.
Là encore, il demeure toutefois une hiérarchie et des priorités. Par exemple, si l'on vous demande une interview pour le New York Times, dites oui. Dans The Atlantic, courrez. En France, c'est la même chose. Vous pouvez faire confiance à Libération, Munchies et Télérama, qui publient régulièrement de très bons articles sur la cuisine et la gastronomie. Mais gardez toujours un œil sur votre salle: une visite du discret et réputé critique culinaire François Simon est si vite arrivée.
Ne manquez pas non plus votre interview vidéo chez Club Sandwich de Konbini, le «Quiz Cuisine», un passage obligé pour décrypter votre philosophie et votre vision de la cuisine, ou votre chronique dans Time Out –ça marche aussi pour Le Bonbon. Puis, tentez de vous frayer une place dans les programmes qui comptent: l'emission «On va déguster» (France Inter) ou «Très très bon» (Paris Première), les deux avec François-Régis Gaudry. Avec tout ça et un peu de chance, vous pouvez presque espérer la récompense suprême: une critique dans Le Fooding.
3.Passer par la case téléLe petit écran, révélateur de célébrités depuis 1950
Il faut se mettre en scène, à la télévision en particulier. Car la cuisine et la télévision entretiennent une relation très étroite depuis l'arrivée du petit écran dans les foyers français. À vrai dire, elles n'ont jamais vraiment réussi à se passer l'une de l'autre. Des «Recettes de M. X» (1953) à «La Cuisine des Mousquetaires» (1983) de Maïté, en passant par «Bon appétit bien sûr» avec Joël Robluchon (2000) ou «Top Chef» (2010), «Le Meilleur pâtissier» (2012), ces programmes télévisés ont régulièrement participé à la mise en avant des chefs-présentateurs ou des candidats sélectionnés.
Les chefs Jean Imbert et Norbert Tarayre –respectivement vainqueur et demi-finaliste de la troisième saison de «Top Chef» en 2012– en savent quelque chose: leurs prestations, leur charisme et leur complicité à l'écran leur ont valu des programmes télévisés sur-mesure par la suite, notamment «Norbert et Jean: le défi»; «Norbert, commis d'office».
4.Développer son réseauÊtre bien entouré
Comme dans bien d'autres domaines, bâtir sa réputation, c'est surtout entretenir et développer un réseau. Il s'agit de fréquenter les bonnes personnes afin d'obtenir, en bout de chaîne, les meilleurs plans. Les collaborations entre Massimo Bottura, René Redzepi (Noma) ou Joan Roca (El Celler de Can Roca) en sont un très bon exemple. Tout comme l'instagram du chef français Jean Imbert où l'on peut l'apercevoir, du festival de Cannes ou au musée du Louvre, toujours en compagnie de nombreuses célébrités: les joueurs de l'équipe de France de football, Marion Cotillard, Johnny Hallyday, Robert de Niro, Pharrell Williams, Beyoncé, Jay-Z, Omar Sy, Jennifer Lawrence...
5.Atterrir sur Netflix Là où les chefs sont des héros de série
La télé, c'est une chose. Les récompenses, OK. Les retombées presse, c'est pas mal non plus. Mais, par les temps qui courent, la consécration ultime se trouve ailleurs. Pour honorer votre statut de chef star, ou simplement le parfaire et l'améliorer, imposez-vous comme un protagoniste phare des différentes séries hébergées ou produites par Netflix sur l'univers de la gastronomie. Chef's Table, bien sûr, mais également The Mind of a Chef, Anthony Bourdain: Parts Unknown ou encore Cooked.
Si vous faites bonne impression, vous obtiendrez peut-être carrément un documentaire long, comme le chef italien Massimo Bottura.
6.Sortir de son restaurantLes festivals, ce n'est pas que pour les musiciens
Ce n'est pas en restant dans votre restaurant que vous gravirez les échelons. Pour vous faire connaître ou pour asseoir votre popularité, multipliez les initiatives... et répondez aux invitations. On vous invite au Salone del Gusto, au MadrEAT, ou au festival culinaire parisien Omnivore? Foncez. Vous y serez reçu sur scène comme une rockstar.
Et puis, offrez –en plus de votre nom– votre expertise. Ainsi, pour le festival We Love Green, le chef Thierry Marx a joué le rôle de «parrain street-food». Il y a même convié les personnes qu'il forme et réinsère via son école Cuisine Mode d'Emploi(s) pour nourrir les festivaliers. Jean Imbert, quant à lui, a été nommé parrain de l'espace culinaire du festival Lollapalooza à Paris. Une manière de poursuivre son expérience de chef de stars.
7.Chasser les classementsFinir sur le podium assure un avenir radieux
Il a beau exister de nombreux classements internationaux de chefs, seuls quelques-uns comptent vraiment. Si pour vous, les chefs, y figurer en bonne place n'est pas la raison première de votre dévouement à la cuisine, cela reste un objectif auquel vous vous donnez le droit de rêver –un peu comme le Ballon d'or pour un footballeur. «La Liste», «Le Chef», les étoiles Michelin et le très médiatique classement World's 50 Best sont autant de distinction auxquelles vous pouvez aspirer si vous cherchez plus de reconnaissance et de fréquentation. Dans l'épisode de Chef's Table (saison 2) consacré au meilleur chef indien Gaggan Anand, la remise du prix au World's 50 Best Asia est carrément un ressort scénaristique de l'épisode.
Mais, là encore, on y revient, le réseau joue beaucoup. «Que faut-il pour faire un bon score au classement 50 Best? Avoir de l’entregent et être accueillant afin que les votants du monde entier aient l’idée de venir manger dans votre établissement», écrit Libération. Les manigances et les petites manœuvres en interne ne sont d'ailleurs pas toujours très bien vues par vos confrères. Certains parlent de «lobby». «La popote est surtout une histoire d’ego, que l’on parle de chef ou de pays», rappelle Libération.
Le quotidien prend en exemple le cas de Yannick Alléno, classé 31e en 2017, au prix d'un réseautage de longue haleine:
«Il fraye avec de hauts dirigeants, comme Bernard Arnault (et n’oublie jamais de saluer le PDG de LVMH lors de ses discours) et Sébastien Bazin (président d’Accor). Il s’est d’ailleurs retrouvé à la tête du Cheval blanc de LVMH à Courchevel et a travaillé pour plusieurs adresses Accor (Sofitel et l’hôtel Molitor à Paris). Il assure aussi sa propre promotion en France via son journal Yam, destiné aux chefs. Dans le dernier numéro, il pousse le dévouement jusqu’à poser en couverture et apparaître dans treize articles différents.»
8.Lancer des initiatives populairesC'est bon pour l'image et pour la conscience
En dehors des fourneaux, il faut aussi s'investir dans des projets à forte dimension sociale. Si cela offre une visibilité et une image positive aux yeux du publics et de la sphère médiatique, c'est souvent aussi une démarche sincère et spontanée. Après avoir travaillé auprès de détenus en milieu carcéral à partir de 2002, Thierry Marx a lancé, dix ans plus tard, sa propre école de cuisine et une formation à destination de jeunes sans diplômes et de personnes en réinsertion ou reconversion professionnelle.
Massimo Bottura, lui, s'est lancé dans la mise en place de cantines populaires, à Milan ou New York, destinées aux populations les plus défavorisées, par l'intermédiaire du programme Food for Soul, développé par sa femme Lara Gilmore. Avant ça, après les terribles séismes de 2012, puis 2016, qui ont frappé le centre de l'Italie, Massimo Bottura et et plusieurs chefs italiens, dont le très médiatique Carlo Cracco, s'étaient par exemple mobilisés lors de repas caritatifs en aide aux victimes des catastrophes.
9.Explorer de nouveaux horizonsLa cuisine... et après?
La cuisine peut aussi fonctionner comme un tremplin pour explorer d'autres horizons: la formation et l'apprentissage, l'écologie, l'édition, le cinéma ou encore le monde politique. Cyril Lignac, par exemple, s'est essayé au doublage de dessins animés (Ratatouille), à l'édition et à la rédaction de livres de recettes et a parrainé une opération du ministère de l'Agriculture visant à distribuer gratuitement des fruits dans les écoles primaires et secondaires en France.
Le chef Thierry Marx a également élargi son spectre. Outre l'écriture et un engagement fort sur les questions de formation et d'insertion professionnelle, il s'est récemment aventuré dans la sphère politique en exprimant sa sympathie envers le programme d'Emmanuel Macron, tout en niant pour autant une activité militante. L'engagement de Massimo Bottura en politique, lui, s'est résumé à des repas de chefs d'État (Barack Obama, Matteo Renzi, Angela Merkel), et à une prise de position très débattue à l'occasion du référendum constitutionnel de 2016 en Italie.