Morte dans l'obscurité en décembre dernier à l'âge de 101 ans, Frances Gabe vient d'être commémorée dans le New York Times pour son invention unique: la maison auto-nettoyante. En effet, Gabe avait passé plus de dix ans à construire un bungalow en béton qui fonctionnait comme une sorte de «lave-vaisselle géant», ainsi que l'a écrit un journal australien.
Dans chaque pièce, Gabe avait installé un système d'arrosage, avec des jets au plafond qui diffusaient de l'eau savonneuse un peu partout. Un deuxième arrosage permettait de rincer, et de l'air chaud était ensuite diffusé pour sécher le tout. Le cycle prenait environ une heure. Gabe, qui faisait des bijoux et des sculptures, avait fait breveter la maison en 1984.
Le sol de la maison était très légèrement incliné et l'eau s'écoulait ainsi vers l'extérieur. Sa machine à laver le linge était une sorte de placard où les vêtements, placés sur des cintres, étaient lavés avec des jets d'eau puis séchés.
Un des problèmes majeurs de l'invention de Frances Gabe, non loin de Portland dans l'Oregon, était que tout à l'intérieur devait être imperméable. Le sol était recouvert d'un vernis étanche et les meubles d'une résine acrylique. Tous les tissus et papiers étaient placés dans des boîtes plastiques, et les prises électriques étaient protégées.
Pour Frances Gabe, qui était fille d'architecte, son projet était une sorte de mission féministe.
«Vous pouvez parler de libération des femmes autant que vous voulez, mais les maisons restent construites de sorte que les femmes passent la moitié de leur temps à genoux», avait-elle expliqué au Baltimore Sun.
Puis au Ottawa Citizen:
«Les tâches ménagères sont un boulot ingrat et sans fin. C'est d'un ennui épuisant. Qui veut le faire? Personne!»
Après son divorce, elle s'est créée un nouveau nom de famille –Gabe– en mélangeant les initiales de son nom de jeune fille, son deuxième prénom et le nom de son ex-mari.
C'est lorsque ses enfants en bas âge avaient commencé à jeter de la confiture un peu partout que Gabe s'est mise à réfléchir à la maison auto-nettoyante. Pendant des années, elle a présenté son travail à travers les États-Unis, dans les musées, universités et clubs pour femmes, mais son rêve de villages entiers de maisons auto-nettoyantes n'a jamais vu le jour.