La pandémie de H1N1 sera-telle peut-être à l'origine de la création d'un cocktail aussi célèbre que la Pina Colada et le Bloody Mary ! Là, vous devez vous demander si je n'ai pas moi-même abusé du grog...
Il nous est sans doute tous arrivés, quand les frissons de la fièvre attaquent, de miser sur les bienfaits d'un bon vieux remède alcoolisé de grand-mère pour terrasser une mauvaise grippe. Comme dirait les tatas flingueuses, «l'alcool ça tue les microbes»! De là à faire du rhum une arme de prévention massive, il n'y qu'un pas que le peuple se charge parfois de franchir. En octobre1918, en pleine épidémie de la terrible grippe espagnole, un médecin de l'hôpital public de Baltimore s'inquiétait auprès du Surgeon General de ce qu'une partie de la population locale sombrait dans l'alcoolisme, persuadée que les cuites à répétition pouvaient les aider à terrasser le virus (y trouvant sans doute également un motif bien pratique d'absolution...).
Et c'est à la même époque que la caipirinha («boisson de paysan» officiellement née en 1900) devenait le breuvage vedette d'un bar de Sao Paulo (la consommation locale de cachaça étant apparemment inversement proportionnelle à l'évolution de l'épidémie dans le quartier) et, dans la foulée, la boisson préférée des Brésiliens (et quelques décennies plus tard l'un des bestsellers des Buddha Bars de la planète).
Il est trop tôt pour savoir si la souche actuelle de H1N1 donnera naissance à un cocktail à la carrière aussi prometteuse que la «caipi», mais depuis quelques mois, les mixologistes, comme on appelle ceux qui pratiquent l'art de mélanger les liquides (à ne surtout pas confondre avec de simples bartenders, mais là je m'égare), surfent avec humour sur l'actualité sanitaire. En particulier aux Etats-Unis, patrie du cocktail et de la récup marketing. A New York par exemple, où la grippe A a sévi beaucoup plus tôt qu'en France, les clubbeurs (et les anxieux) peuvent déguster un Flu Shot (littéralement un «vaccin anti-grippe») on the rocks au Drop Off Service, un bar de l'East Village, un mélange de tequila, de miel, d'ail, d'orange, de citron et de gingembre ... à boire cul sec ! Non loin de là, un établissement de Chinatown, baptisé Apotheke, propose des plantes (thym, lavande, de fleurs d'hibiscus, ou encore de ginseng) arrosées de rhum chaud. Plus roots, le Flu Shot Oyster Shooter, une spécialité d'un restaurant du Queens: Tequila, gaspacho et herbes fraiches mixés avec une huître fraîche ! La Côte Ouest n'échappe pas à la tendance, bref le cocktail « booster d'immunité » est le phénomène de la saison dans les bars américains. C'est moins le cas en France mais on a vu quelques pieds de nez ici et là comme ce «Cocktail Tamiflu» (gin, fraise, basilic et poivre) qui a fait son petit effet il y a quelques semaines au bar du Fumoir, dans le 1er arrondissement à Paris.
Pour ménager leurs taux de gamma GT, les 78% des Français qui n'envisagent pas de se faire vacciner vont peut-être se mettre à machouiller en masse un autre aliment tendance: la gousse d'ail. Qu'ils se dépêchent avant que ça ne devienne un produit de luxe, la flambée du cours de l'ail étant dans certains pays une autre conséquence inattendue de la grippe A. En Chine et en Moldavie, le prix de la gousse a été multiplié par 15 et par 10 ces derniers mois...
A moins qu'ils ne préfèrent, après les incontournables masques fashion et t-shirts humoristiques à message (qui semblent désormais devoir inonder le marché à chaque fois qu'on frôle une catastrophe), se payer un costard anti-H1N1 made in Japan (400 euros) dont les fibres, traitées au dioxyde de titane, seraient capables de décomposer chimiquement les molécules du virus. Selon le fabriquant, ça marche aussi contre les mauvaises odeurs telles que le tabac ! On n'ose imaginer le tabac qu'il ferait justement avec des dessous en titane...
Sinon, pour les plus traditionnels, en matière d'hygiène préventive, il reste les valeurs sûres, l'eau de javel et le kleenex, qui prospérent également par temps d'épidémie. Moins futuristes mais plus efficaces.
Laure Watrin
Image de Une: L'espagnol Frumboli concourt dans la catégorie "style" en préparant un cocktail "Aliens Attack'" pendant la finale du championnat du monde de Cocktail à Berlin. REUTERS/Thomas Peter