Le Sommet de Copenhague est un échec désespérant, désarmant! Cela ne sert à rien de se cacher derrière son petit doigt ou de trouver des explications ou des justifications oiseuses. Aucune des conditions d'un succès n'est atteinte, aucun objectif chiffré contraignant, aucun engagement ferme, même pas la création d'une organisation internationale pour suivre ces questions. Il y a le FMI (Fonds monétaire internationale) pour la finance, l'OMC (Organisation mondiale du commerce) pour le commerce... Rien pour l'environnement qui est pourtant le bien commun planétaire par excellence.
Ce qui est le plus exaspérant, et même révoltant, ce sont les commentaires qui relativisent cet échec complet et coupable, ce quasi Munich de l'environnement. On entend certaine voix (beaucoup aux Etats-Unis) mais aussi en France dire: «au moins cette fois-ci, plus personne ne contestait que la part de l'activité humaine dans le réchauffement climatique est déterminante». On les entend oser parler de «prise de conscience»... C'est donc pire. Le monde aurait enfin pris conscience et ce serait un progrès. C'est-à-dire que l'on saurait et l'on ne ferait rien! Un peu comme si un chirurgien sortait de la salle d'opération et enlevait ses gants sans avoir opéré mais en disant: «C'est dingue, ce patient a une sale appendicite mais je l'opèrerai la prochaine fois. »... On lui dirait évidemment: «T'es gentil, t'y retournes et tu m'opères ça tout de suite ». C'est un peu ce que l'on a envie de dire à nos dirigeants, principalement les Chinois et les Américains qui rentrent chez eux en faisant mine de ne pas s'en être trop mal sortis...
La France dans cette affaire, si l'on poursuit avec notre image de la salle d'opération, ce n'est qu'une infirmière parmi d'autres. Elle ne pèse rien, bien sûr. Son influence est inversement proportionnelle à l'ampleur des moulinets volontaristes du président de la République. Vous vous souvenez que l'Europe s'est désigné un président, s'est doté d'une diplomatie. Les deux sont transparents. L'Europe n'a pas su parler d'une seule voix alors qu'elle avait une position, pour une fois, relativement unie et relativement vertueuse. On pouvait attendre (à entendre ses dirigeants et singulièrement Nicolas Sarkozy qui avait, avant le sommet, des accents de fermeté et de volontarisme à toute épreuve), on aurait pu attendre, donc, de l'Europe qu'elle dise au monde qu'elle-même se fixait des objectifs ambitieux, s'engageait à baisser ses émissions de carbone de 30% d'ici 2020 et s'engageait à les respecter quoi qu'il arrive. L'échec de Copenhague est d'autant plus préoccupant que l'on voit ressurgir, ici et là des analyses traduisant une certaine lassitude face au discours écologiste. On va bien vite dénoncer le catastrophisme ou le conformisme.
Catastrophisme
De plus en plus étiqueté comme étant catastrophiste, apocalyptique, qui serait finalement peu rationnel et basé sur des peurs ancestrales de fin du monde. Le magazine Courrier International consacre même son numéro de fin d'année au mythe de la fin du monde et à la résurgence de scenarios catastrophes ou se mêlent les théories et les prévisions pessimistes de certains écologistes.
Conformisme
La fameuse prise de conscience des chefs d'Etat non suivie d'effets concrets peut aboutir à un reflux de l'idée qu'il y a urgence à agir. A partir du moment où tous ceux qui nous gouvernent et où même l'Amérique tient un discours néo-écologique, nous allons assister à l'émergence des pourfendeurs de la pensée unique, au succès de ceux qui estiment qu'il faut résister à la nouvelle idéologie dominante...Ils rejoindront les rangs des plus malins. De ceux qui estiment que le salut viendra d'une révolution technologique... Les conclusions du GIEC, qui font pourtant la quasi unanimité des scientifiques, seront de plus en plus attaqués et mis en cause, les écologistes seront désignés comme des conformistes à combattre au non d'un anticonformisme plus brillant.
Thomas Legrand
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Image de Une: Des usines en Thaïlande, REUTERS/Sukree Sukplang