Les classements des «villes où il fait bon vivre» se suivent et se ressemblent. Le tout dernier, dévoilé par Harris Interactive pour le compte du réseau d’agences immobilières Guy Hoquet, ne fait pas exception à la règle. Les meilleures élèves sont une fois de plus Bordeaux, Nantes et Strasbourg, qui se placent en tête de tableau de la qualité de vie, suivies par Rennes, Toulouse et Montpellier, très loin devant Paris et Marseille.
Le détail des mots et idées associés spontanément à la qualité de vie par les Français qui ont été sondés pour établir ce classement révèle un imaginaire urbain qui se décline sur plusieurs aspects:
- la présence de petits commerces de proximité au détriment de la grande distribution,
- un environnement et un cadre de vie agréables: air pur, calme, propreté, présence d'espaces verts,
- des transports efficaces, des voies cyclables et des espaces piétonniers,
- un sentiment de sécurité des personnes.
Les termes associés spontanément à la qualité de vie dans le sondage Harris Interactive.
L'indice du bien-être en ville. Harris Interactive / Guy Hoquet.
Un sondage qui mesure la perception plutôt que la réalité
Le sondage Harris ne mesure ainsi pas une qualité de vie objective, par exemple en comparant l’offre réelle de transport, les variations du prix de l’immobilier ou encore la concentration de bars prolongeant l’happy hour jusqu’à 21 heures, mais plutôt la perception de cette qualité par les Français, donc par un échantillon dont la majorité des participants ne réside pas dans les villes testées… On peut prendre ces résultats comme un indice assez fidèle de la réputation que renvoie chacune des villes dans notre imaginaire collectif.
Un imaginaire qui, curieusement, n’a pas beaucoup évolué pour deux villes pourtant emblématiques: Paris et Marseille. Alors que la moyenne de la qualité de vie perçue pour les 15 villes testées est de 63%, Paris récolte la note minable de 37%, Marseille se contentant d'un humiliant 29%... La ville la plus chère de France et celle qui est au contraire la plus pauvre se retrouvent au coude à coude, fait relativement rare dans un classement.
Il y a des facteurs communs au rejet que suscitent les deux villes: Marseille et Paris convergent dans le jugement négatif que leur attribuent les Français pour ce qui est de leur sécurité. Seuls 27% des répondants jugent que Paris est «une ville dans laquelle on se sent en sécurité», 16% pour Marseille... Un Marseille-Chicago qui nous renvoie dans un imaginaire des années 1980.
De même, on ne trouve qu'un tiers de Français (33%) qui estiment que Paris est «une ville dont le cadre de vie est agréable», et 25% dans le cas de Marseille. Il n'est pas impossible que la présence des deux villes dans les dix les plus inégalitaires de France explique en partie ce jugement négatif. Une piste avancée par les auteurs de l'enquête est que ces deux villes «souffrent probablement de l'image négative de leurs quartiers “sensibles”».
Paris et Marseille, bloquées au siècle précédent
Pour Marseille, ce résultat risque de décourager des années de marketing territorial en apparence couronné de succès, culminant en 2013 avec le titre de Capitale européenne de la culture. Quant à eux, les Parisiens vont sans doute se demander au nom de quoi les efforts incessants de leur municipalité pour limiter la place de la voiture, notamment avec la mesure-choc de la suppression de la circulation sur les voies sur Berge, pour tapisser la ville de pistes cyclables et végétaliser jusqu'aux trottoirs se paient d'une si piètre performance d'image.
Le Paradis pour utilisateurs d'Airbnb et startuppeurs, qui se confirme avec l'inauguration ce jeudi 29 juin du plus grand campus de startups au monde, la Station F, serait resté dans l'imaginaire français associé aux tristement célèbres motocrottes et aux promesses délirantes de Jacques Chirac de se baigner dans la Seine? Paris n'aurait-elle connu la formidable amélioration de son cadre de vie que pour une minorité de privilégiés, celle qui réside intra-muros dans de confortables conditions de logement?
Fait intéressant: si seuls 37% des Français jugent que la qualité de vie globale est satisfaisante à Paris, 56% ses Franciliens le pensent. On peut donc estimer qu'un fort décalage s'est maintenu entre les transformations de la qualité de vie à Paris et la perception de cette qualité par l'ensemble des Français, qui ont pu garder le souvenir d'une ville sale, peu sûre et congestionnée. C'est peut-être moins Paris que jugent les sondés dans cette enquête que l'Ile de France elle-même qui, même rebrandée sous les couleurs du Grand Paris, reste pour une majorité d'habitants une trappe dont ils espèrent s'évader à la première occasion... Manifestement pas pour s'installer à Marseille.