Santé

«Je fais une fixette sur l’intensité du plaisir que je parviens à lui donner»

Temps de lecture : 5 min

Cette semaine, Lucile conseille Sébastien, un homme amoureux d'une femme bisexuelle et qui craint de ne pas être à la hauteur.

Trio | Par Robert Reid via Wikimedia CC License by
Trio | Par Robert Reid via Wikimedia CC License by

«C’est compliqué» est une sorte de courrier du cœur moderne dans lequel vous racontez vos histoires –dans toute leur complexité– et où une chroniqueuse vous répond. Cette chroniqueuse, c’est Lucile Bellan. Elle est journaliste: ni psy, ni médecin, ni gourou. Elle avait simplement envie de parler de vos problèmes. Si vous voulez lui envoyer vos histoires, vous pouvez écrire à cette adresse: [email protected]

Pour retrouver les chroniques précédentes, c’est ici.

J’ai eu la chance de rencontrer une fille lors d’un covoiturage il y a quelques mois avec qui je suis en couple aujourd’hui. Très rapidement elle m’a parlé de sa bisexualité lors de notre trajet ensemble.

Ce qui ne m’a pas dérangé du tout, je trouvais même que cet aspect de sa personnalité la rendaitencore plus désirable à mes yeux…. Jusqu’à ce que mes sentiments pour elle se développent. Sa bisexualité m’obsède aujourd’hui. J’ai peur qu’elle ne puisse pas se passer des filles le restant de sa vie, et donc que cette relation soit vouée à l’échec. J’ai peur de ne pas pouvoir satisfaire tous ses désirs. J’ai peur qu’elle ait besoin de relations sexuelles avec d’autres femmes.

Puis j’ai déjà lu des articles sur le fait que les femmes homosexuelles seraient plus épanouies sexuellement que les femmes hétéros (pourquoi elle se priverait donc des femmes?), je fais donc une fixette sur l’intensité du plaisir que je parviens à lui donner. Je le fais évidemment parce que je l’aime et veux lui faire plaisir le plus possible, mais il y a aussi une part de moi qui souhaite être «meilleur» que les filles (et les mecs) qu’elle a connus. Je me méprise de penser de cette manière.

Je lui parle de mes angoisses quant à tout cela. Elle essaie de me rassurer. Je sens qu’elle a de réels sentiments pour moi, sans doute aussi forts que les miens, mais cela n’atténue pas cette frayeur. Je deviens presque paranoïaque au point de me demander si elle me dit ce que je souhaite entendre sans vraiment le penser. En plus de cela, je remets fortement en cause mon ouverture d’esprit, je pensais être plus tolérant mais je n’y arrive pas. Cela me fait peur. Est-ce que je serais en fait homophobe (ou biphobe)? J’ai tenté de lire des forums pour me rassurer, je suis souvent tombé sur le témoignage de bisexuel(le)s qui ne savaient pas comment dire à leur conjoint qu’ils avaient besoin de voir des personnes de l’autre sexe, ou bien des témoignages sur l’épanouissement de personnes bisexuelles qui sont en couple avec une autre personne qui les laisse vivre leur bisexualité librement.

Je serais incapable de vivre dans ce genre de relation. Peut-être que ça serait avec un homme ou une femme comme cela qu’elle serait la plus heureuse? Au lieu de me rassurer, j’ai accentué mon inquiétude. Je m’en veux de réagir de cette manière, je me rends compte que ce n’est pas juste pour elle. Je ne sais pas si cette peur peut s’atténuer avec le temps, si elle est justifiée ou pas. Devrais-je lui faire confiance, essayer de surmonter cette peur? Ou bien stopper cette relation qui n’a pas d’avenir puisque ma fermeture d’esprit me fait souffrir? Mais je pense que je ne me pardonnerais pas d’abandonner si lâchement alors que je l’aime profondément. Je suis un peu perdu.

Sébastien

Cher Sébastien,

C’est déjà tout à votre honneur de prendre au sérieux cette question, de chercher à comprendre la bisexualité de votre partenaire et de l’accepter. Que cela vous pose question, voire remue en vous des problèmes de confiance en soi est un dommage collatéral de votre amour. Cette personne que vous avez rencontrée, que vous voulez connaître entière, vous n’avez pas l’intention de juste fermer les yeux sur son orientation sexuelle ou d’en profiter (si vous saviez le nombre d’hommes qui se frottent les mains à l’idée que leur compagne soit bisexuelle et donc des «jeux» qu’ils pensent pouvoir organiser). Vous êtes quelqu’un de bien, Sebastien. Vous n’êtes pas biphobe. Vous avez peur de ne pas être à la hauteur, peur de perdre celle que vous aimez, peur de vous retrouver au milieu de quelques chose qui vous dépasse.

Tout d’abord, laissez moi vous dire que bisexualité ne rime pas forcément avec libertinage ou polyamour. Pouvoir tomber amoureuse d’un homme ou d’une femme sans distinction de genre ne signifie pas qu’il est nécessaire pour être heureuse d’avoir un homme et une femme dans sa vie. J’aime les yaourts à la cerise et la mousse au chocolat, je n’ai pas besoin de mélanger les deux pour kiffer mon dessert. Et j’en parle en connaissance de cause puisque je suis également une femme bisexuelle actuellement en couple avec un homme. Oui, il m’arrive d’étayer mon imaginaire masturbatoire de souvenirs ou de fantasmes de femmes. Cela ne veut jamais dire qu’il ne me suffit plus ou que j’ai besoin d’aller draguer des femmes pour avoir mon quota.

Si votre compagne est monogame et qu’elle vous a choisi, bisexuelle ou non, vous lui suffisez. Avec la sexualité que vous pouvez lui proposer, avec votre corps et votre culture et votre humour d’homme. N’allez pas chercher plus loin. C’est vous faire du mal que de comparer à quelque chose que vous ne connaissez pas et sur lequel vous reportez des fantasmes statistiques. Vous êtes tout à fait capable de donner à votre compagne autant de plaisir qu’une femme si vous en avez envie et que vous êtes à l’écoute de ses désirs et des vôtres. Tout ça, ce n’est pas une question de genre.

Tout ça dépasse la question de la bisexualité, en fait. C’est une question de confiance, en vous et en elle, en votre couple aussi. Plutôt que d’aller fureter sur les forums, où on trouve tout et rien, pourquoi ne pas parler avec elle de ses désirs, de ses souvenirs, de ce qu’elle aime dans le sexe avec vous et en général? Il n’est pas évident que cette femme qui vous a choisi corresponde au profil type qui vous terrorise sur internet. Et elle a probablement trouvé chez vous quelque chose qui lui suffit. Parce que vous êtes un homme, certes, mais l’homme unique qui a su lui plaire.

Vous vous enfermez dans votre angoisse, Sébastien. Et cela vous éloigne de celle que vous aimez et qui vous aime. N’allez pas chercher vos explications ailleurs, écoutez ce que cette femme a à vous dire. C’est elle votre clé dans la meilleure compréhension de la bisexualité. Et c’est elle la clé de la réussite de votre couple. Elle ne vous demande rien de plus que d’être vous, je vous assure. Pas vous et la voisine. Juste vous. Mais un vous heureux et amoureux et confiant dans l’avenir que vous pourriez avoir ensemble. Elle a connu les femmes et elle vous a choisi. Elle a fait l’amour avec vous et elle n’est pas retournée directement là où toutes les lesbiennes et les bisexuelles du pays se cachent pour avoir des orgasmes multiples en continu. Regardez les faits, Sébastien. Les faits du quotidien. Et arrêtez de vous rendre malheureux. Imaginez comment elle doit se sentir d’être involontairement la cause de ce malheur.

Faites-vous confiance et faites-lui confiance.

Newsletters

Combien coûtent les règles dans la vie d'une femme?

Combien coûtent les règles dans la vie d'une femme?

[L'Explication #113] Sortez les chéquiers.

S'endormir trop vite ou trop lentement, c'est inquiétant

S'endormir trop vite ou trop lentement, c'est inquiétant

Si votre latence à l'endormissement ne se situe pas dans la moyenne, il y a sans doute des questions à se poser.

Covid long: la recherche avance, le «tout psychosomatique» recule

Covid long: la recherche avance, le «tout psychosomatique» recule

De solides hypothèses et des avancées thérapeutiques sont étudiées pour mieux comprendre et traiter le Covid long, maladie protéiforme encore trop méconnue ou sous-évaluée.

Podcasts Grands Formats Séries
Slate Studio