Nous sommes en 1995, une Britannique du nom de Joanne Rowling, enseignante, est sur le point de finir d'écrire le manuscrit d'une histoire qui l'obsède depuis quelque temps déjà. Alors que sa fille dort encore dans un landau, elle profite du moindre instant de répit, se rend dans deux cafés d'Edimbourg, l'Elephant House et le Nicolson's, et finit d'écrire les aventures d'un jeune sorcier appelé Harry Potter, qu'elle tape en partie sur une machine à écrire.
Pendant de nombreux mois, les éditeurs vont refuser un à un de les publier. Après une dizaine de refus, Bloomsbury Publishing finit par accepter. Dans une interview accordée à l'AFP, Barry Cunningham, l'éditeur qui a vu juste, se souvient de sa découverte à l'époque: «C'était un coup de foudre. J'avais travaillé avec Roald Dahl à son heure de gloire, et je crois que les premiers chapitres me faisaient un peu penser à lui.» La maison d'édition a en revanche demandé à Joanne Rowling de conserver son travail, pensant que le livre pourrait ne pas marcher, et surtout de prendre le pseudonyme de J.K. Rowling par crainte que les garçons ne fuient en voyant un roman écrit par une femme.
Et le 26 juin 1997, moins de mille exemplaires seulement (dont beaucoup pour les bibliothèques) de Harry Potter and the Philosopher's Stone sont imprimés et diffusés en librairies de l'autre côté de la Manche. Sur le coup, le public n'y prête pas attention, comme le signale le Guardian:
«Ce jour-là, les gens étaient plus intéressés par l'élection de Bertie Ahern (vous vous souvenez de lui?) en tant que Premier ministre de la République irlandaise. Ils parlaient encore de Cool Britannia (vous vous rappelez de ça?) et du nouveau Premier ministre britannique Tony Blair (vous vous souvenez de lui?), ils devenaient fous à cause des Spice Girls (vous vous rappelez d'elles?) et se posaient des questions sur la vie amoureuse de Diana, princesse de Galles. Le roman le plus vendu cette année-là était écrit par John Grisham.»
Mais, par la suite, quand la vague Harry Potter a commencé à se former, plus rien ne l'a arrêtée. Les prix littéraires s'enchaînent et J.K. Rowling peut quitter son travail de professeur de français. La BBC, qui revient sur cette date anniversaire, a ressorti pour l'occasion une vieille interview de J.K. Rowling où elle raconte son processus d'écriture, «très solitaire» et surtout son ressenti à la sortie du livre. «C'était le meilleur des moments, voir un vrai livre dans une vraie librairie, c'était merveilleux», explique-t-elle avant de raconter déjà la suite de la série, que les fans attendent impatiemment. «Il y en aura sept, je viens de finir le tome numéro deux, qui sera publié l'été prochain. Il s'appelle Harry Potter et la Chambre des secrets. Harry découvre qu'il a un certain pouvoir qui le distingue des autres sorciers. Il y a des choses assez effrayantes aussi.»
En France, raconte Le Figaro, la vague arrive en 1998 grâce à Gallimard, qui réalise un pari en s'engageant pour sept tomes et un univers assez éloigné du jeune public français. Il faudra ainsi attendre le troisième tome, Harry Potter et le Prisonnier d'Azkaban, pour voir le phénomène exploser ici. «Je me souviens d'une réunion invraisemblable où le nombre de tirages n'avait plus aucun rapport avec les habitudes de Folio junior», a déclaré Catherine Bon, ancienne éditrice de la maison. La suite, on la connaît: des librairies envahies à minuit dès lors qu'un livre sortait, des films qui ont rapporté plus de deux milliards de dollars, une pièce de théâtre à succès et un univers qui continue aujourd'hui de fasciner les nouvelles générations. Une belle histoire pour celle qui, il y a plus de vingt ans, luttait pour qu'un éditeur daigne lire ses chapitres tapés à la machine à écrire.