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Pourquoi nos discussions en ligne sont-elles aussi explosées?

Temps de lecture : 7 min

Aujourd'hui, une conversation peut commencer par un échange de SMS, continuer sur Messenger, finir sur Gchat, avant que l'un des membres de la discussion ne panique et utilise Signal pour chiffrer le contenu.

Illustration DataYolo
Illustration DataYolo

Si vous possédez un smartphone, il vous est probablement déjà arrivé d'oublier dans quelle application vous aviez commencé une discussion. Vous savez, celle que l'on débute avec des textos, qui se poursuit sur Messenger, vire sur Snapchat, continue dans Gchat, se transforme en direct messages sur Twitter ou Instagram, avant de se perdre sur WhatsApp. Enfin, ça, c'est si vos amis paranos (ou qui tiennent simplement à leur vie privée) ne vous ont pas forcé à aller sur Signal.

Nous vivons dans un monde où il existe «bien trop d'applications de messagerie», résume parfaitement BuzzFeed. Sur les dix applications en tête du classement de l'App Store d'Apple à la mi-juin 2017, quatre –Snapchat, Instagram, Messenger, WhatsApp– offrent la possibilité de discuter. Du côté des applications Android les plus téléchargées de l'histoire, ce chiffre passe à sept: WhatsApp, Messenger, Instagram, Skype, Line, Viber et Twitter. Après le rachat de WhatsApp par Facebook pour 19 milliards de dollars, en 2014, 20 Minutes donnait plusieurs raisons pour expliquer la multiplication de ces applis: parce qu'elles se transforment souvent en plateforme, et qu'elles sont amenées «à devenir une infrastructure critique».

Tout le monde (ou presque) cherche à obtenir le plus grand nombre d'utilisateurs, et leurs précieuses données dont la somme peut valoir une petite fortune après quelques mois, ou quelques années. Et comme ces applications et plateformes ne sont pas exclusives –utiliser Messenger n'empêche pas d'aller sur Snapchat ou WhatsApp–, les conversations avec les mêmes personnes sont explosées selon les usages des uns et des autres. Avec parfois des applications dédiées à certains comportements. Si certains s'en sortent facilement, et ont une conversation par application, ou s'ils parviennent à les agréger dans une seule application, pour de nombreux utilisateurs, c'est le bordel. C'est ce que résumait justement le site Lifehacker en 2014.

«Chaque application est aussi utile que les gens qui l'utilisent. Aucune de ses applications ne peut communiquer en dehors de l'application, ou avec une autre application [même si certaines servent aujourd'hui à ça, ndlr]. Donc si vous voulez utiliser WhatsApp, mais qu'aucun de vos amis ne l'utilise... vous ne pouvez pas faire grand chose avec. Vous devez utiliser celles qu'emploient vos amis.»

À la rédaction de Slate.fr, nous connaissons bien ce genre de situations. Nous avons discuté la journée sur Slack, échangeons le soir quelques DM, ou était-ce un mail? À la fin, nous nous souvenons avoir un jour évoqué ce sujet en conférence de rédaction, ou était-ce sur Slack? Mais nous n'en avons plus la trace: pas toujours d'archives dans Slack, c'est compliqué de remonter dans les archives de DM, et certains d'entre nous peuvent recevoir jusqu'à 100 mails par jour.

Même chose pour Tim, qui nous raconte avoir «un peu l'impression de se dédoubler parfois en parlant à la fois sur iMessage et en ayant une autre conversation avec la même personne sur Snapchat par exemple, sur un sujet totalement différent». Et ce cas n'est pas isolé. En 2015 déjà, un journaliste de Wired notait qu'il faut aussi essayer de deviner qui sera enclin à utiliser quelle appli pour obtenir une réponse rapide.

«C'est un système horrible, il est grand temps de passer à autre chose. Ce n'est pas seulement chiant d'avoir vingt conversations dans vingt apps différentes. Ce n'est pas que ça m'embête de me souvenir où j'étais en train de parler avec quelqu'un ou de deviner quelle app ils vont regarder en premier. (Ce que je fais). C'est juste qu'en ne choisissant pas un seul endroit pour tout rassembler, on passe à côté d'une des nouvelles choses les plus utiles dans la tech: l'app de messagerie qui regroupe tout.»

Deux ans après, rien (ou presque) ne semble avoir changé. Alors, comment en est-on arrivé là? À ce bordel des outils au quotidien. À quoi sert chaque application, et comment les utilise-t-on? Si tout le monde n'a évidemment pas le même usage, passage en revue de nos comportements sur les différentes applications.

Les historiques: le bon vieux SMS et le tchat

La France a longtemps mieux résisté que d'autres pays à la démocratisation des applications de messagerie instantanée, expliquait le HuffPost lors du rachat de WhatsApp par Facebook en 2014. Pour le site, la raison est simple: les forfaits illimités.

«Les opérateurs français proposent en effet les SMS en illimité depuis quelque temps. Depuis l'arrivée de Free en janvier 2012, les consommateurs se sont habitués à des forfaits plus raisonnables en terme de tarif, ne nécessitant plus un contrôle permanent de leur consommation. De quoi pousser l'utilisateur à conserver une solution pour laquelle il a ses habitudes.»

Et quand on n'a pas de réseau 3G ou 4G (dans le métro, par exemple, nous explique Caroline), passer par les messages est beaucoup plus pratique. Surtout, le SMS semble être, pour beaucoup, le meilleur moyen (en plus des appels) pour rester en relation avec des membres de sa famille, qui n'ont pas tous accès à un smartphone, ou n'ont pas installé les applications dessus.

Reste qu'il a longtemps fallu les oublier à chaque départ à l'étranger, mais la récente fin des frais d'itinérance devrait soulager ceux qui partent en Europe cet été. Pour les autres, on vous conseille une messagerie instantanée associée au WiFi.

On peut également mentionner les IRC, et ses descendants comme l'outil de chat de Google, Gchat qui nous a quittés ce 26 juin pour fusionner avec Hangout, l'un des nombreux services de messagerie du géant américain. Si vous passez votre journée derrière un bureau, il y a de fortes chances que vous l'ayez utilisé régulièrement. @Hortance nous explique ainsi utiliser Hangout, uniquement «en jours ouvrés, pour le boulot», tout comme Caroline, qui l'utilise avec ses collègues de travail ou en réunion. En revanche, certains utilisent Hangout pour les conversations familiales, et parce qu'ils peuvent «l'utiliser en SMS».

Pratique notamment parce qu'il est intégré directement dans le client web de Gmail, et que sa fonctionnalité de suppression des tchats permettait à certains «partout dans le pays d'y allumer leurs chefs et collègues de façon régulière», raconte Gizmodo. Sinon, on peut aussi juste parler de tout et de rien, dans une interface épurée qui ne prend pas trop de place. Ces dernières années, Slack a progressivement remplacé Gchat au travail. Près de 15% des personnes qui ont répondu à notre questionnaire disent utiliser la plateforme californienne. Les internautes vont toujours au plus pratique et facile.

Les discussions de groupe: avec votre père, votre mère, vos amis et votre copain à l'étranger

Messenger et WhatsApp, les deux applications détenues par Facebook comptent respectivement 1,2 et un milliard d'utilisateurs. Autant dire qu'elles sont plutôt pratiques quand il s'agit de lancer des conversations groupées: avec un tel nombre d'utilisateurs, vos amis ont de grande chance d'être dans votre répertoire dès la première connexion. La facilité d'utilisation a encouragé certains à initier leurs parents et monter des groupes, avec toutes les notifications que cela implique (beaucoup). D'autres préfèrent discuter avec leur groupe d'amis à smartphones (la seule condition pour les utiliser). Autres intéressés: ceux qui veulent parler avec leurs amis et familles qui vivent à l'étranger.

«J'utilise surtout WhatsApp pour parler avec ma famille quand je suis à l'étranger, et avec un de mes groupes d'amies peu présentes sur Facebook (plus pratique que l'échange de SMS entre personnes n'ayant pas la même marque de téléphone)», explique ainsi Bérénice.

Il faut également ajouter les groupes qui se créent pour organiser évènements, anniversaires, «trucs relous comme des cadeaux communs», généralement sur Messenger, déjà intégré à Facebook, où s'annoncent ce genre de choses, et où on peut voir la liste des invités. Ce dernier se démarque par ailleurs de WhatsApp (également détenu par Facebook) grâce à ses fonctionnalités dont on ignore parfois l'existence (parfois, c'est pour le mieux). Et même plus besoin d'avoir Facebook pour l'utiliser. Pas suffisant cependant pour certains, qui refusent de céder leurs données au plus grand réseau social du monde.

Les discussions de drague: Tinder et les autres (c'est compliqué)

Bienvenue dans le plus grand supermarché de la rencontre de l'histoire. Tinder et ses plus de 50 millions d'utilisateurs, selon les estimations, ont pour eux l'avantage de ne vous proposer que des personnes pas loin de chez vous (sauf si vous habitez dans un coin trop reculé), et des personnes potentiellement intéressées. L'inconvénient: celui d'avoir l'impression de n'être pas plus qu'un produit.

Si vous connaissez la personne, il est possible que vous ayez déjà décidé d'utiliser Twitter pour échanger en privé. En 2016, The Daily Dot avait consacré un article à cette pratique, et donné quelques conseils. Attention cependant aux DM fails, quand on slide dans les messages privés: «Avec toi?» Il ne faut pas se tromper de personnes et faire trop de copié-collé....

Les conversations éphémères: Snapchat

Non, Snapchat ne sert pas qu'à envoyer des photos de son pénis. On peut également profiter d'une technologie assez folle pour y envoyer des photos ou vidéos marrantes, qui peuvent ensuite lancer une discussion, dont on ratera occasionnellement des messages puisque ceux-ci finiront par disparaître de notre appareil. Et vous n'avez qu'à prier pour que ça se passe effectivement de la même façon sur les serveurs de l'entreprise américaine.

Depuis quelques mois, Facebook propose également des contenus qui s'effacent dans Messenger (à l'image de ce que peut faire Confide). Parmi les personnes qui nous ont répondu, aucune ne semblait utiliser cette fonctionnalité, mais, attention, si vous voulez avoir des conversations avec vos amis paranos (ou surveillés par des gouvernements, ou qui tiennent simplement à ce que leur vie privée reste privée), il va falloir penser à autre chose.

Les conversations avec les flippés: Signal > Telegram

La principale chose que les gens retiennent de Telegram, c'est que l'application russe a été utilisée par des terroristes et des membres de l'État islamique. Mais Telegram, largement critiquée pour cela, parce qu'elle permet le chiffrement de communication de bout en bout (même si le protocole n'a pas été audité), et donc d'empêcher normalement l'interception des communications, est utilisée même au sein de certains gouvernements. En juillet dernier, L'Express racontait que Telegram était «l'appli favorite des politiques pour chiffrer leurs messages». Même le sommet de l'exécutif semble l'utiliser.

Telegram est également apprécié pour ses fonctionnalités «plus diverses que le simple SMS ou MMS». Cependant, si vous tenez à votre vie privée, on vous conseille de passer sur Signal. L'application a tellement bonne réputation qu'Edward Snowden la recommande. Vous ne l'utiliserez qu'avec quelques rares personnes de votre répertoire, comme semble le regretter Sebios, qui nous explique utiliser «Signal avec tout ceux qui l'ont, ensuite WhatsApp et le SMS en derniers recours». Mais c'est l'assurance que personne ne vous surveillera en train de parler. Enfin... Seulement si quelqu'un n'a pas réussi à s'introduire dans votre téléphone (ou celui de votre interlocuteur) avant.

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