C'est l'un des rares hommes politiques à qui je ne prête aucune forme de talent. Que je trouve d'une fadeur à rentre neurasthénique le plus joyeux des saltimbanques. Qui est d'un ennui à fendre l'âme. Qui possède l'envergure intellectuelle d'un danseur du crazy-horse, la faconde d'un dresseur d'escargots et l'agilité d'esprit d'un conducteur de semi-remorque.
Dans une autre vie, François Bayrou a dû être représentant en tisanes apaisantes. Ou souffleur dans un théâtre d'ombres. Ou peintre d'aquarelles à afficher au-dessus de son bidet.
Quand je l'entends discourir, avec cette tempérance propre à l'homme qui n'a d'avis sur rien hormis sur sa parfaite intelligence, je ne peux m'empêcher de penser à Monsieur Homais, ce brave pharmacien de Madame Bovary, parfaite incarnation du petit-bourgeois qui ne sait rien sur rien mais a une opinion sur tout, qui pérore à tort à travers sur des sujets dont il ne saisit ni les problématiques, ni les enjeux, qui a le verbe haut mais la pensée toujours basse.
Ou alors il m'évoque le couillon des «Bonbons» de Brel qui préfère offrir des bonbons plutôt que des fleurs parce que «les fleurs, c'est périssable».
En même temps, il y a chez Bayrou comme une sorte d'arrogance mêlée à une espèce d’insécurité latente, de manque de confiance en soi, de doute sur sa propre personne qu'il tente de gommer en affichant une morgue redoutable et parfois un peu vantarde. Ce qui peut le rendre touchant. Comme demeure touchant un chien qui passe son temps à mordre mais dont on excuse la conduite, amputé qu'il est d'une patte.
Bayrou sait mais il ne sait pas ce qu'il sait ni pourquoi.
Il possède l’orgueil du faible, la vanité de l'homme sans réelles convictions, l’opiniâtreté du général d'infanterie qui du champ de bataille ne connaît que les plans étalés sur son bureau, la forfanterie de l'homme vertueux dont les principes valent pour les autres mais jamais pour lui.
Ce qui explique qu'il peut tout à fait être gardien de nos lois et de nos principes républicains et s'en affranchir sans vergogne sitôt que sa réputation se retrouve en jeu: c'est le propre de l'homme qui a fait de sa vie un modèle de vertu et ne peut souffrir que sa probité puisse être remise en cause puisque cette dernière est le fondement même de sa morale personnelle.
Pas de cela chez moi!
Ce qui l'autorise à sermonner un journaliste et s'émouvoir si jamais on lui en fait le reproche.
Celui qui passe son temps à donner des leçons de morale ne peut admettre d'avoir eu, en son temps, des comportements dont on peut juger qu'ils ont constitué des accommodements plus ou moins raisonnables avec la loi.
Ce doit être à peu près la même indignation quand un expert-comptable essuie un contrôle fiscal ou lorsqu'un écrivain au-dessus de tout soupçon se voit accuser de plagiat.
Quand on se prétend Garde des Sceaux, on a la pudeur de garder ses états d'âme pour soi surtout quand il s'agit de ses propres affaires. On ne décroche pas son téléphone pour dire son émoi ou reprocher à un journaliste un manquement à l'éthique: on reste sur son quant-à-soi et on attend sereinement que la justice fasse son travail.
Sauf si bien sûr on a quelque chose à se reprocher...