LSD, Lucy in the Sky with Diamonds, les Beatles, la contre-culture, les années 1960-70... D’accord! Mais entre 1967, date de sortie de la chanson culte, et 1938, date de la première synthèse chimique de LSD, la molécule n’est pas restée au chaud dans le laboratoire de ses inventeurs, Arthur Stoll et Albert Hofmann. Elle a même beaucoup voyagé, notamment à bord du corps de Cary Grant, un des acteurs fétiches d’Alfred Hitchcock.
Conscients du potentiel de cette drogue (après l’avoir testée eux-mêmes), les inventeurs du LSD ont tenté de lui trouver une utilité en la diffusant auprès des services de renseignement de plusieurs pays, de l’armée et d'hôpitaux. À la CIA on pense que la substance pourrait agir comme sérum de vérité, on la teste sur des prisonniers et sur des étudiants (qu’on paye parfois, pour le risque).
Cary in the Sky with Diamonds
Dans un long récit intitulé Cary in the Sky with Diamonds, publié par Vanity Fair, les auteures Judy Balaban et Cari Beauchamp racontent que la rumeur selon laquelle la substance guérirait de certains troubles psychologiques s’est répandue très vite dans le milieu médical, puis à Hollywood. Judy Balaban a elle-même suivi une thérapie à base de LSD au milieu des années 1950.
«Chez les psychiatres, le bouche à oreille fonctionne: le LSD pourrait être un remède à l’alcoolisme, à la schizophrénie, au syndrome de stress post-traumatique et à toute une myriade de troubles psychologiques. Entre 1950 et 1965, 40.000 personnes ont été “soignées” grâce au LSD.»
Parmi ces 40.000 patients, Cary Grant. Son épouse de l’époque a entamé une thérapie et il souhaite savoir ce qu’elle raconte à son sujet lorsqu'elle prend du LSD. Une fois séparé de sa femme, voyant les bénéfices du traitement sur son ancienne compagne, il entame lui aussi une thérapie en 1958. Alors que la plupart des patients célèbres de l’Institut n’en parlaient qu’en privé, Cary Grant se confie dans plusieurs interviews à ce sujet, et contribue ainsi à populariser l’usage du LSD à des fins thérapeutiques.
«Tant d’années perdues, pourquoi ne m’y suis-je pas mis plus tôt? [...] Au moins maintenant, je suis proche du bonheur.»
Interdiction
Au même moment, les écrivains de la Beat Generation et beaucoup d’autres artistes essayent le LSD et lui trouvent des vertus considérables en termes de création artistique. Son usage se répand dans le milieu. Qui dit popularité grandissante, dit intérêt des autorités. Les premières restrictions tombent en 1962. En 1966, le LSD devient illégal, intègre définitivement la contre-culture et s'éloigne des cercles respectables d'Hollywood.
Dans un article de Quartz, le chercheur Robin Carhart-Harris explique que les recherches médicales de l’époque étaient menées avec peu de rigueur scientifique: les étudiants étaient utilisés pour tester la drogue et on maîtrisait peu les quantités administrées aux cobayes. D'où leur interdiction.
Le LSD bientôt remboursé par la sécu?
Déjà à l’époque, certains politiques défendent l'intérêt des recherches dans le cadre scientifique. C’est le cas du sénateur Robert F. Kennedy qui critiquait la Food and Drug Administration dès 1966, un précurseur selon Robin Carhart-Harris. Précurseur car aujourd’hui, la même Food and Drug Administration a autorisé plusieurs études concernant l’usage de l’ecstasy, du LSD et des champignons hallucinogènes dans le cadre thérapeutique. Le LSD à usage modéré, voire unique, pourrait effectivement être un remède contre l’alcoolisme. Des dérivés du LSD sont même déjà utilisés dans le cadre de neurolept-analgésie (une forme d’anesthésie assez courante pour les opérations, notamment au visage).
Avec des techniques de recherches beaucoup plus sécurisées (imagerie cérébrale, quantités régulées), on pourrait bien voir ressurgir des formes de thérapies à base de LSD. À l’époque de Cary Grant, la séance coûtait 100 dollars, un prix que le poète de la Beat Generation Allen Ginsberg trouvait indécent. Reste donc à déterminer si les futures remèdes seront remboursés ou non par la sécu.