On attendait l'annonce par le Vatican de la béatification de Jean-Paul II mais celle de Pie XII a finalement bien plus attiré l'attention et la polémique. Rendues publiques le même jour, samedi 19 décembre, par Benoît XVI, la seconde a été sans surprise très sévèrement critiquée par les communautés juives dans toute l'Europe.
«Toutes les indications montrent que Pie XII s'est comporté sans élever la voix. A force d'être dans le compromis, il s'est compromis lui-même», a déclaré dimanche 20 décembre sur RTL Richard Prasquier, le président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France). Il réclame l'ouverture des archives du Vatican sur le comportement de Pie XII pendant la seconde guerre mondiale et plus particulièrement face au génocide des juifs. Pie XII, ancien nonce apostolique en Allemagne ayant signé un concordat avec Hitler, est souvent accusé d'avoir fermé les yeux sur les atrocités du régime nazi. Richard Prasquier souligne que les archives du Vatican «sont ouvertes jusqu'en 1939», pas au-delà. «Nommer Pie XII «vénérable», avant d'ouvrir les archives, c'est véritablement forcer l'Histoire», ajoute-t-il. D'autant plus, que l'initiative vient d'un pape allemand.
Dans trois semaines, le Pape est attendu à la synagogue de Rome le 17 janvier. Une venue qui s'annonce tendue tant l'émotion suscitée par la décision de Benoît XVI de proclamer vénérable son prédécesseur Pie XII suscite l'incompréhension. Le secrétaire général du Conseil central des juifs d'Allemagne, Stephan Kramer, s'est dit «furieux» et «triste». «L'Eglise catholique essaie là de réécrire l'Histoire», a t-il estimé.
Alors que l'actuel pape dit fonder sa décision sur des archives vaticanes, la communauté juive d'Italie a, elle aussi, rappelé qu'elle attendait toujours d'accéder à ces archives encore fermées et en cours de classement. «Nous n'oublions pas les déportations de Juifs d'Italie et en particulier le train qui a déporté 1.021 personnes le 16 octobre 1943, qui est parti de la station de Rome Tiburtina pour se rendre à Auschwitz dans le silence de Pie XII», ont souligné conjointement Riccardo Di Segni, grand rabbin de Rome, Renzo Gattegna, président de l'Union des communautés juives italiennes, et Riccardo Pacifici, président de la communauté juive de Rome.
Dans ce concert de protestations, l'avocat Serge Klarsfled a défendu un point de vue qui contraste avec celui du Crif. «Cette décision ne me choque pas», explique au JDD le fondateur de l'association des fils et filles de déportés juifs de France. «Pie XII a défendu l'Eglise contre le nazisme, a effectué quelques interventions discrète pour sauver des gens. Et puis des gens comme Roosevelt qui ne se sont guère préoccupés du sort des juifs, sont considérés comme des grands hommes, alors...»
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Image de Une: Portrait de Pie XII, Vatican