Pas de traité, à peine un accord plein de trous qui, dans le meilleur des cas, ne sera complété que dans le courant 2010, peut-être en fin d'année seulement à la conférence de Mexico ... à moins que le grand capharnaüm du dernier acte de Copenhague n'incite les pays les plus récalcitrants à refuser de le signer. A la conférence internationale sur le climat qui vient de se terminer, l'enjeu consistait à sauver la planète en prenant des dispositions pour limiter le réchauffement. Dans ce cas, on se souviendra du sommet de Copenhague comme du «Munich» du climat.
Aucun engagement contraignant n'a été pris pour atteindre l'objectif d'une réduction des émissions de gaz à effet de serre qui contribuent au réchauffement de la planète. Concrètement, les Etats sont convenus que le réchauffement climatique ne devait pas dépasser 2°C, mais n'ont rien décidé pour y parvenir. Tant pis pour la planète. On se souviendra de Copenhague en 2009 comme d'une conférence non seulement inutile, mais éventuellement contre-productive dans la mesure où l'échec des négociations risque d'enrayer la mécanique vertueuse qui s'était mise en marche.
Combien d'opinions publiques, réservée sur les dispositions à prendre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, vont maintenant se sentir confortées dans leur hostilité aux politiques à engager au prétexte qu'elles ne seront pas mises en œuvre partout dans le monde... Au moment de quitter Copenhague, Barak Obama et Nicolas Sarkozy ont qualifié «d'insuffisant» mais de «meilleur accord possible» l'issue d'une nuit de négociations. C'est assez dire que contenu de cet accord est pauvre, et que l'objectif n'est pas atteint. C'est un échec. Pour l'avenir du climat. Et l'avenir de la planète.
Les nationalismes à l'oeuvre
La perspective de Copenhague avait pu faire rêver, l'issue nous ramène sur terre. Car à la conférence sur le climat, les plus importants protagonistes ont avant tout cherché à sauvegarder leur influence pour les décennies à venir.
Pas question pour les Etats-Unis d'accepter des dispositions qui puissent ralentir leur croissance et remettre en question leur leadership mondial. Même attitude de la part de la Chine: elle n'entend pas se laisser imposer des modes de développement qui, sous prétexte d'être moins polluants, freinerait son irréfragable essor.
A eux deux, ces deux géants représentent plus de 40% des émissions de CO2 dans le monde. Eux seuls peuvent imprimer la cadence pour les réduire. Mais les deux s'observent. Chacun a besoin de l'autre, mais aucun ne veut céder devant l'autre. Chacun est l'obsession de l'autre. Car l'un comme l'autre ont le même dessein à terme: conforter son pouvoir dans le monde. Pékin conteste que Washington ait pu avoir le droit de construire sa croissance sur la consommation d'énergie, sans jouir de la même faculté. Et revendique le droit de polluer sans avoir de comptes à rendre à une quelconque institution internationale. Washington refuse l'idée de réduire ses consommations d'énergie si d'autres pays qui ne seraient pas soumis aux mêmes contraintes devaient en profiter pour lui contester un jour son leadership.
Guerre froide sur fond d'effet de serre
Après la guerre froide entre les Etats-Unis et l'ex-Union soviétique, on a vu se mettre en place les éléments d'une guerre économique. A Copenhague, une nouvelle guerre froide, jusqu'à présent plus ou moins larvée, s'est révélée au grand jour sur fond de nationalismes antagonistes. Il y a fort à parier que les Américains les plus réticents à agir contre le réchauffement climatique, auront été confortés dans leur opposition à toute ouverture exemplaire pour réduire leurs émissions de CO2 et remettre en question leur «american way of life». Et on peut faire confiance aux Chinois, qui ont déjà multiplié par trois en vingt ans leurs émissions de CO2 dans le monde, pour persévérer dans la voie d'un développement à marche forcée et énergivore.
Qui sera le plus intransigeant dans cet affrontement qui prend forme? Quitte, pour les uns et les autres, à rendre inopérants les efforts des autres acteurs comme l'Europe, habitée de bonnes intentions mais manifestement trop insignifiante au plan politique pour briser le face à face énergétique des deux géants, et introduire de nouveaux enjeux. A Copenhague, les enjeux des négociations ne portaient pas seulement sur le climat. Nous venons de le comprendre douloureusement.
Gilles Bridier
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Image de Une: Les négociations à l'arraché n'auront pas sauvé le sommet Bob Strong / Reuters