Le Parti socialiste est aux abonnés absents. Disparu en rase campagne sans laisser de traces. Atone, exsangue, accablé de désespoir après sa déroute à l'élection présidentielle, il a le cœur en berne. Il s'en va aux législatives comme un condamné à mort à son peloton d’exécution: à reculons, la tête basse, sans envie, sans idées, avec l'apathie propre à celui qui n'attend plus rien de la vie.
Ce n'est plus un parti politique, c'est juste une entreprise de pompes funèbres qui guette la venue de l'huissier pour fermer définitivement boutique. Solferino, morne plaine. Plus rien ne ressemble à rien. Les cadres sont partis chez le voisin d'à-côté, le jeune Macron à qui tout sourit, les militants lorgnent la maison d'en face, un peu plus bas vers la gauche, où on procède à un vague ravalement de façade, les électeurs eux restent sur le trottoir, le regard hagard, les bras ballants, impuissants à abandonner ce grand navire malade qui fut pour certains l'histoire de toute une vie.
Ce cœur vibrant
À force de renoncements, de mollesse idéologique, de compromis, de rapiècements en rapiècements, le Parti socialiste s'est vidé de toute substance. Il a tourné le dos à son histoire, il a cru aux mirages de l'entreprise et de ces petits actionnaires, il a voulu être absolument moderne au risque d'oublier ce que fut toujours sa mission première: œuvrer pour la justice sociale, éradiquer la pauvreté, combattre la précarité, prôner l'égalité à chaque âge de la vie, permettre à chacun de se réaliser dans le respect et la dignité propre à son rang, se servir de l’État comme levier afin de réparer les dégâts causés par la mondialisation, ouvrir la porte sur la misère du monde et tâcher de la soulager, être ce cœur vibrant d'une société ouverte à tous, chaleureuse, aimante et surtout juste.
Pour moi, être socialiste a toujours été une évidence.
Je ne voulais pas changer le monde, j'ambitionnais seulement de composer avec lui. J'avais les deux pieds dans le réel mais la tête toujours dans les nuages. Je comprenais que le monde était trop fort pour qu'on lui résiste et je désirais juste lui opposer toute la détermination d'un homme convaincu que les êtres humains ne sont pas des marchandises qu'on jette au gré des humeurs d'une société obsédée par le profit et le rendement à tout crin.
Le capitalisme avait besoin d'être attendri, les fruits de la richesse bien mieux répartis, la disparité dans les salaires revue à la baisse ; accepter bon gré mal gré la mondialisation mais lui faire entendre raison, ne pas se plier à son infernal diktat mais s'appuyer sur elle afin de permettre aux plus démunis de ne point se sentir abandonnés, dire oui à l'ouverture des frontières, à l'économie de marché, à la libre-entreprise mais avec cette conviction que sans mesures fortes et contraignantes, ce monde nous piétinerait au profit de quelques spéculateurs jamais suffisamment rassasiés.
C'est cela être socialiste
Je n'aimais pas l'argent, je ne l'aime toujours pas, mais puisqu'on ne pouvait sans passer, il fallait s'employer à ce que chacun en possède suffisamment pour réaliser ses rêves et vivre une existence pleine, bruissante de désirs accomplis, palpitante de ce sentiment d'avoir contribué à rendre ce monde meilleur qu'il ne l'était au jour de notre éveil.
C'était cela être socialiste.
Aujourd'hui, tout cela semble avoir été relégué au comptoir des espérances perdues. Le Parti socialiste s'est brûlé à l'exercice du pouvoir, il a été trahi par des hommes et des femmes qui ont oublié la raison pour laquelle on les avait portés au sommet de l’État, ils ont voulu gouverner avec cette arrogance (ou cette naïeveté) propre à ceux qui, de la misère du monde et de sa scandaleuse injustice, ne veulent plus entendre parler, tout à leurs obsessions de contenter les appétits des puissants.
Le Parti socialiste a simplement oublié les fins de mois impossibles, les loyers faramineux, les salaires ridiculement bas, l'épuisement de vies passées à multiplier les petits boulots afin de ne pas sombrer, la quête désespérée pour garder la tête hors de l'eau à l'heure où montent les flots destructeurs d'un capitalisme sans foi ni loi, la nécessité de composer avec un monde où la richesse va à la richesse et la pauvreté à la pauvreté.
Je ne sais pas si le Parti socialiste se meurt ou, s'il est déjà mort, je sais seulement que si jamais il veut regagner nos cœurs, il va lui falloir réapprendre à nous parler, dans la sincérité d'une parole vouée à rendre ce monde bien meilleur et plus juste qu'il ne l'est. Vaste programme.
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