Des centaines de milliers de personnes qui se rassemblent dans la liesse pour soutenir leurs équipes favorites ou prier ensemble... Touchant? Non, polluant. L'empreinte écologique de tels rassemblements est considérable: la Coupe du monde de football en Afrique du Sud l'an prochain représentera ainsi à elle seule 67% des émissions totales de CO2 du pays sur un mois. Les grands sommets de politique internationale, qui amènent à grand renfort de jets privés des dirigeants du monde entier autour d'une table pour quelques heures, n'échappent pas à la règle. Bien sûr, il serait illusoire et quelque peu extrême d'appeler à la fin de ce type de festivités sous prétexte qu'ils sont (très) dommageables à l'environnement. Mais tenter de modérer leur impact devient peu à peu une nécessité. Certains l'ont bien compris, d'autres... un peu moins. Alors, quels sont les bons et les mauvais élèves?
Le bilan carbone d'un grand événement international compte quatre composantes principales: le transport des visiteurs et des participants, de loin le plus important (environ 80% des émissions en dépendent), les dépenses énergétiques faites pour les loger et les nourrir, la construction et l'opération d'infrastructures spécifiques (stades, centres de conférence..).
Pour avoir quelques ordres de grandeur en tête, on peut s'amuser à faire le bilan carbone de quatre grands événements de types très différents, récents ou à venir.
- Journées Mondiales de la Jeunesse de Sydney 2008 (5 jours, 400.000 personnes) = 350 à 400.000 tCO2*, soit 0,19 tCO2 par jour et par personne**
- Sommet sur le climat de Copenhague 2009, (11 jours, 34.000 personnes) = 46.200 tCO2, soit 0,12 tCO2 par jour et par personne.
- Jeux olympiques d'hiver à Vancouver 2010, (27 jours, une estimation de 2,3 millions de personnes = 268.000 tCO2, soit 0,004 tCO2 par jour et par personne.
- Coupe du monde de football en Afrique du Sud 2010, (30 jours, 1,5 à 2 millions personnes) = 2,75 millions de tCO2, soit 0,05 tCO2 par jour et par personne.
* Estimation des auteurs, basée sur le nombre des participants et leur pays d'origine
** Afin de mettre en perspective les bilans carbones de ces événements, la quantité de CO2 émise a été divisée par le nombre de personnes participant à l'évènement (participants, visiteurs, officiels, spectateurs, sportifs) et sa durée
Les lanternes rouges
En termes absolus, force est de constater que la Coupe du monde en Afrique du Sud est un désastre en terme d'impact écologique. Elle explose les standards en la matière, multipliant par dix les émissions de la précédente édition en Allemagne, en 2006 (bilan détaillé dans ce PDF). La raison en est simple: sur 32 équipes participant au mondial, 14 sont européenes, soit près de la moitié. Les principaux réservoirs de supporters susceptibles de se déplacer se trouvent donc en Europe ou sur le continent américain, très loin de la pointe sud de l'Afrique: ils parcourront en tout 7,1 millions de kilomètres en avion pour venir applaudir leurs équipes nationales. Il faut pourtant relativiser les 2,75 millions de tonnes de CO2 émises à cette occasion: l'événement devrait rassembler, sur ses 30 jours, près de 2 millions de personnes qui viendront assister à un ou plusieurs matchs.
Pour le moment, mis à part les ressortissants sud-africains, ce sont les Etats-Unis qui ont reservé le plus de places dans les stades pour le mondial (près de 23 000). A titre d'exemple, un aller-retour en avion entre New York et Johannesburg équivaut à une dépense carbone de 6,03 tonnes de CO2 (et pour les plus soucieux de l'écologie, voici quelques façons de les compenser).
En revanche, si on prend en compte la popularité de l'événement (le bonheur apporté aux supporters du monde entier ne pouvant être totalement négligé, même face à l'urgence climatique...), ce sont bel et bien les JMJ organisées à Sydney en 2008 qui font figure de mauvais élèves. Les 125.000 jeunes fidèles venus de pays autres que l'Australie ont pour la plupart effectué un trajet de plus de 25 heures en avion pour venir écouter Benoît XVI et communier. Le Vatican veut être le premier Etat au monde à avoir un bilan carbone neutre, mais la dernière édition du plus grand rassemblement catholique du monde n'est pas vraiment exemplaire en terme de bilan écologique...
Les bons élèves
Comme pour la Coupe du monde, il paraîtrait injuste de recommander à l'avenir à ces deux événements de se cantonner aux régions les plus prolifiques en termes d'envoi de supporters ou de fidèles, c'est selon, solution qui paraîtrait la plus judicieuse si l'on souhaite limiter les émissions liées à l'événement. Ce serait priver les populations les plus pauvres mais pas les moins enthousiastes d'événements mondiaux également susceptibles de stimuler leur développement.
Mais les organisateurs comme les fédérations sportives internationales peuvent s'inspirer de leurs homologues les plus vertueux, afin au moins de limiter les dégâts. L'organisation des Jeux Olympiques d'hiver de Vancouver de 2010 se veut particulièrement exemplaire en la matière. Elle a tout d'abord fixé un objectif d'émissions très bas (300.000 tonnes de CO2 pour un événement qui devrait rassembler jusqu'à 2,3 millions de personnes), qu'elle devrait atteindre grâce à des équipement très respectueux de l'environnement: chauffage par géothermie et pompes à chaleur, récupération de l'eau de pluie, village olympique converti ensuite en logements... Non contente de fixer ainsi des standards plus verts que verts, elle a en outre prévu un système de compensation confié à l'entreprise spécialisée «Offsetters Green Technology, Inc», qui investira notamment dans des projets de technologies vertes, afin de compenser totalement les émissions des JO.
Difficile pour le sommet de Copenhague -qui devrait pourtant donner l'exemple- de rivaliser avec une telle conscience écologique. Le rendez-vous international du climat devrait totaliser 46.200 tonnes de CO2 (l'aéroport a prévu l'atterrissage de 140 jets privés): les 34.000 personnes gravitant autour de la conférence (dont 10.000 journalistes) ont visiblement des standards assez élevés pour leur séjour. L'organisation précise tout de même qu'elle a financé un programme environnemental au Bangladesh et ne distribue que de l'eau du robinet aux négociateurs. Somme toute à Copenhague, il en va de l'impact environnemental comme des négociations: les observateurs avisés diront: «Allez, encore un petit effort...».
Marion Solletty et Julia Vergely
Image de Une: Pollution de l'air en Chine dans le Wuhan Reuters