Culture

Au hasard de Cannes, Garrel, Rasoulof, Gitai, Li, Hong: des nouvelles du monde, heureusement

Temps de lecture : 3 min

Tandis que la compétition officielle, à de rares exceptions près, continue d’osciller entre médiocre et lamentable, on trouve ici et là dans le festival, venus d’un peu partout et dans des registres très variés, bien des raisons de se réjouir.

Louise Chevillotte et Esther Garrel dans "L'Amant d'un jour" de Philippe Garrel.
Louise Chevillotte et Esther Garrel dans "L'Amant d'un jour" de Philippe Garrel.

1.L'Amant d'un jour, Philippe Garrel

À tout seigneur tout honneur, et Philippe Garrel est assurément un prince. Prince somptueux d’un noir et blanc donc chaque plan bouleverse, prince ascétique transformant en pur diamant la plus minime des histoires de couple et de jalousie, prince généreux filmant chaque acteur, chaque actrice surtout –ici les jeunes Louise Chevillote et Esther Garrel– avec une sensualité, une affection, un sens de la beauté venue d’un atelier de Florence à la Renaissance, quand sur les tableaux la moindre apparition était un miracle de grâce. Cela se nomme L’Amant d’un jour, c’est le nouveau miracle d’un poète de la caméra.


2.Un homme intègre, Mohammad Rasoulof

Réapparu après l’impressionnant Les manuscrits ne brûlent pas, film de dénonciation du régime policier iranien, mais jamais distribué, l’ancien proscrit Mohammad Rasoulof présente un remarquable film politique au scénario de western et à la mise en scène de thriller.

Un homme intègre conte l’histoire d’un fermier en bute à l’hostilité de ses voisins dans une petite ville du Nord du pays. Et c’est, dans une atmosphère de tension extrême, la mise à nu des ressorts d’oppression et de discrimination, servie par une impressionnante interprétation.

3.À l’Ouest du Jourdain, Amos Gitai

Du Moyen-Orient aussi, et de la résistance à un pouvoir autoritaire et manipulateur aussi, mais du côté documentaire, voici À l’Ouest du Jourdain. Amos Gitai y part à la rencontre des Israéliens qui, dans les territoires envahis par les colons avec le soutien désormais explicite du gouvernement, témoignent des violences illégales perpétrées en permanence contre les Palestiniens.

Gitai rencontre et écoute les opposants à la politique d’apartheid et d’oppression du gouvernement Netanyahou, ainsi que des Palestiniens filmés sans angélisme, mais il rencontre aussi des défenseurs de la politique de Jerusalem, les écoute, parfois les affronte.

Avec une verve impressionnante, le cinéaste tisse les éléments de cette enquête avec des archives dont certaines remontent à son Journal de Campagne de 1982, et d’autres à son travail sur l’assassinat de Yitzhak Rabin par l’extrême droite juive, Le Dernier Jour d'Yitzhak Rabin.

4.Passage par le futur, Li Rui-junon

Film de fiction, mais à forte teneur documentaire, Passage par le futur du Chinois Li Rui-jun accompagne le destin d’une parmi les millions de jeunes gens venus des provinces rurales essayer de réussir dans les nouvelles métropoles industrielles.

Plus le film avance, plus la complexité et la justesse des personnages se déploie, grâce à un scénario qui reste ouvert, et à une mise en scène où le réalisme brut sait accepter les vibrations infimes des émotions humaines, dans un monde en risque de déshumanisation grave.

5.La Caméra de Claire, Hong sang-soo

Enfin, signé d’un Coréen grand inventeur de cinéma, mais entièrement tourné à Cannes pendant le Festival de l’an dernier, La Caméra de Claire est un bonheur léger et un peu cruel. Une chanson triste et gaie autour d’Isabelle Huppert toute de jaune et de candeur vêtue, qui croise le chemin d’un réalisateur coréen et de deux jeunes femmes qui travaillent avec lui.

C’est un souffle d’air, c’est une joie fragile de chaque instant, c’est un bonheur pour attendre avec confiance l’autre film de Hong sang-soo, qui sera, lui présenté en compétition.

6. Le Redoutable, Michel Hazanavicius

De cette fameuse et pour l’instant globalement très décevante compétition officielle, la conscience professionnelle oblige à dire un mot, à propos de cette petite chose malodorante nommée Le Redoutable, quand bien même on aurait préféré passer sous silence ce moment de vulgarité racoleuse.

Sentant à plein nez la jalousie, la malhonnêteté, la complaisance démago et la misogynie (il y a longtemps qu'on n'avait vu un personnage féminin ainsi constamment traité d'idiote par le film), l'opération tape-à-l'œil fabriquée à grands frais par Hazanavicius salit à la fois un grand cinéaste, Jean-Luc Godard, un mouvement historique, celui qu’on résume sous le terme de Mai 68, et l’idée même de recherche innovante dans le cinéma. On peut, et il faut critiquer Godard, Mai 68, des tentatives expérimentales inabouties, parfois absurdes. Mais critiquer n'est pas salir. On peut rire de tout, ça dépend de quel rire.

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