Donald Trump finira-t-il son mandat? Élu pour quatre ans en novembre dernier, à la surprise générale, le 45e président américain est de plus en plus sous pression ces derniers jours, au fur et à mesure des révélations de la presse américaine.
Cette dernière semaine a été particulièrement agitée du côté de Washington: du renvoi de James Comey, le patron du FBI, (dont les raisons qui ont poussé à son limogeage ont varié au fil de la semaine), aux révélations sur ses échanges d'informations secrètes lors d'une réunion à la Maison-Blanche avec les Russes, en passant par la découverte de mémos de James Comey l'accusant d'avoir demandé de mettre fin à l'enquête sur le Général Flynn, –dans le cadre d'une enquête plus large sur les liens entre les membres de sa campagne et la Russie (où l'on apprend aussi qu'il souhaitait emprisonner des journalistes qui publient des informations confidentielles). Aujourd'hui, Reuters affirme que la campagne Trump a eu 18 contacts avec la Russie.
Résultat, on en vient à comparer Donald Trump à Richard Nixon au moment du Watergate, et à se demander si –et quand– la procédure de destitution va débuter. Un élu texan, le Démocrate Al Green, a ainsi déjà appelé à cette destitution ce 17 mai.
Rep. Al Green (D-TX) on the House floor calls for President Trump to be impeached pic.twitter.com/yi1oPizkyI
— Bradd Jaffy (@BraddJaffy) 17 mai 2017
Certains ont essayé d'expliquer que plutôt qu'une longue procédure de destitution, «le vice-président, ainsi qu'une majorité des principaux fonctionnaires des départements exécutifs ou de tel autre organisme désigné par une loi promulguée par le Congrès» pourraient utiliser le 25e amendement de la Constitution américaine, qui veut que si «le président est dans l'incapacité d'exercer les pouvoirs et de remplir les devoirs de sa charge, le vice-président assumera immédiatement ces fonctions en qualité de président par intérim». Donald Trump reste alors officiellement président, mais ne gouverne plus. Il peut contester ce choix, mais si les 2/3 des élus des deux chambres votent contre lui, le vice-président resterait au pouvoir.
Pour autant, difficile d'appliquer cet amendement, ici. Comme le rappelle le Washington Post, cela pourrait être utile, si un président venait à subir un handicap mental –se retrouver dans le coma, ou vivre une dépression telle qu'il n'est plus en mesure de remplir les devoirs de sa charge–, mais «il n'est pas censé être utilisé dans le cas où un président est tellement stupide que l'on en vient à se poser des questions afin de savoir s'il est ou non un danger pour le pays».
Quelles raisons pour une destitution?
Reste alors la procédure de destitution, l'impeachment. Mais, là encore, il faut trouver des raisons légitimes pour la lancer.
Inapte à gouverner? C'est plus une affaire de jugement personnel, souligne le Washington Post, «pas vraiment un standard selon lequel les présidents peuvent être destitués». Avoir viré le patron du FBI? C'est tout à fait dans ses droits. Bill Clinton avait fait de même en 1993, même si le FBI ne menait pas d'enquête contre des membres de sa campagne, comme c'est le cas pour Trump. Pour avoir révélé des infos confidentielles aux Russes? Perdu: le président américain peut déclassifier n'importe quel document, et donc les partager à qui bon lui semble. Pas forcément une bonne nouvelle pour certains alliés des Américains qui avaient pris pour habitude de partager certains renseignements avec eux, mais n'avaient pas forcément prévu de les partager avec les Russes (à tout hasard). Mais cela ne justifie pas une procédure de destitution. En revanche, si Trump a effectivement demandé à James Comey de mettre fin à l'enquête ayant pour objet le général Flynn, principal conseiller à la sécurité nationale du président, on peut éventuellement trouver une source d'obstruction à la justice. Sauf que le Washington Post prévient: dans ce genre d'affaire, «l'intention est essentielle».
Malgré tout cela, si les élus américains trouvaient la base pour lancer une procédure de destitution, il faudrait le soutien des élus républicains. Dans les deux derniers cas où des procédures avaient été lancées, les présidents (Nixon et Clinton) faisaient face à un Congrès contrôlé par le parti adverse. Ce n'est pas le cas ici, puisque les Républicains sont majoritaires à la Chambre des représentants et au Sénat. Or, comme le rappelle justement Le Monde, «une écrasante majorité d’entre eux soutiennent toujours le président. Il n’y a que de rares exceptions, notamment au Sénat, avec des sénateurs comme John McCain ou Lindsey Graham».
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Un vote nécessaire
Si jamais ce soutien venait à s'éroder, il faudrait que la moitié des élus de la Chambre engage d'abord une procédure judiciaire, confiée à son comité judiciaire. À la fin de ses recherches, il soumet une résolution, que la moitié des élus doivent adopter pour que la procédure se poursuivent. Le président est alors suspendu et la procédure continue au Sénat, désormais présidé par le président de la Cour Suprême, et pas par le vice-président, comme c'est le cas habituellement, détaille Le Monde.
«Le procès ressemble à une procédure pénale habituelle, l’accusé est représenté par un ou plusieurs avocats. Si la majorité aux deux tiers des sénateurs juge que le président des États-Unis est coupable, il est destitué, et son vice-président le remplace immédiatement.»
Jamais une procédure d'impeachment n'est allée au bout pour un président. Dans deux cas, elle était allée jusqu'au Sénat, mais Andrew Johnson et Bill Clinton s'en étaient finalement tiré. Richard Nixon, lui, avait préféré démissionner.
La base électorale de Trump n'est pas prête
Mais la possibilité même d'une procédure est encore lointaine. Jean-Eric Branaa, maître de conférences à l'université Panthéon-Assas et spécialiste de la politique américaine, souligne justement que la base électorale de Donald Trump n'est pas encore prête à lui faire défaut. Dans un article de l'Express, il rappelle que, selon les sondages, l'électorat républicain reste très majoritairement favorable à Donald Trump. Certains de ces élus n'ont aucun intérêt à se fâcher avec leur électorat puisque le 6 novembre 2018, dans un peu plus d'un an, des élections de mi-mandat auront lieu.
Reste que, quelques jours avant la démission de Nixon, 59% des Républicains estimaient encore qu'il ne devait pas le faire et, deux mois avant, 51% des Américains estimaient que les médias en faisaient trop ce qui, comme le souligne l'ancienne plume d'Obama Jon Favreau, montre qu'il «avait la base avec lui, et pas mal de gens qui pensaient que le battage médiatique était trop important».
August 2-5, 1974, DAYS before Nixon quits.
— Will Jordan (@williamjordann) 14 mai 2017
Should he resign?
Among Republicans:
31% YES
59% NO
10% DK pic.twitter.com/2BN73DRDzN
Et si jamais un jour une procédure de destitution était lancée, cela prendrait beaucoup de temps. D'abord parce que les Démocrates ne veulent pas presser tout ça, Slate.com fait remarquer en effet qu'ils envisagent «l'implosion Trump comme des avocats, pas comme les défenseurs de la résistance».
«Leur but est de voir Rod Roseinstein, le procureur général adjoint, nommer un procureur spécial pour enquêter sur le scandale russe, qui va rassembler les preuves qui permettront peut-être, à la fin du processus de délibération, de permettre au pays de se débarrasser de Trump. C'est peut-être une approche sensée, car les Démocrates ne contrôlent aucun des leviers du pouvoir. Mais elle sera lente.»
«Un parfum de Watergate»
Depuis l'écriture de cet article, le numéro deux du département de la Justice, a justement nommé un procureur spécial pour finir l'enquête sur les liens de Trump avec la Russie: c'est un ancien chef du FBI, Robert Mueller. Ce choix qui fait l'unanimité chez les Démocrates comme chez les Républicains, pourrait finalement blanchir Donald Trump ou l'enfoncer un peu plus. Car, comme le rappelle France Info, «la nomination d'un procureur spécial est associée aux plus grands scandales de l'histoire politique américaine».
«C'est l'un d'entre eux, Kenneth Starr, qui avait failli faire tomber le président Bill Clinton dans l'affaire Whitewater, devenue affaire Monica Lewinsky, dans les années 1990. En 1973, Archibald Cox avait enquêté sur l'espionnage du Parti démocrate à Washington, le fameux scandale du Watergate. Son limogeage par Richard Nixon est une bonne illustration du poids politique d'un procureur spécial: il avait fini par coûter son poste au président des États-Unis.»
De là à ce que Trump commette les mêmes erreurs, ou qu'il finisse par voir une procédure de destitution s'enclencher, il y a encore un grand pas, voire un gouffre. Et, entre le début et la fin de la procédure, on peut compter de nombreux mois. Mais le climat, lui, est déjà là, insiste Le Monde.
«Il y a à Washington comme un parfum de Watergate, un climat de suspicion à l’adresse du président, qui rappelle le printemps et l’été 1974 dans la capitale fédérale.»
Si tout venait à soudainement s'arrêter, Donald Trump pourrait toujours se rassurer, il ne peut plus être le président au plus court mandat de l'histoire.