Y aura-t-il échec de COP15, la conférence sur le climat de Copenhague ? A J-1 de la clôture des négociations, l'ambiance n'est plus vraiment à la fête du climat et les milliers de représentants d'associations environnementalistes présents dans la capitale danoise font triste mine. Pourtant, sur l'Internet, les actions se sont multipliées qui croisent militantisme numérique (pétitions, informations temps réel ou manuels du parfait manifestant) et activisme artistique. Avec le même objectif : pousser les grands de ce monde à s'engager durablement à abaisser les émissions de gaz à effet de serre. Les méthodes divergent mais s'appuient toutes sur la culture du Net, mélange de canular (hoax), viralité, participation et coopération.
Hacktivisme façon hoax
Les Yes Men ont encore frappé. Le duo américain qui s'est fait une spécialité de monter des opérations internationales jouant sur le faux (faux site, fausse conférences de presse...), jusqu'à sortir un faux New-York Times lors de l'élection d'Obama, s'est associé aux Agents de la dette climatique (Climate Debt Agents) pour déclencher un fameux pataquès diplomatique. Le communiqué publié lundi sur un faux site officiel canadien (copie presque parfaite de l'original) annonçait un revirement stratégique du Canada en matière de contrôle des émissions de CO2 (- 40% d'ici à 2020). Aussitôt une conférence de presse du Comité climat de l'Ouganda s'en félicite, tout aussi fausse elle aussi.
La représentante du (faux) comité climat de l'Ouganda:
Le gouvernement canadien réagit plutôt mal, accusant une ONG canadienne, Equiterre, d'avoir monté ce canular, sans aucune preuve. Et à leur habitude, les Yes Men dévoilent l'ensemble de leur «opération intercontinentale», élaborée avec le concours de la branche danoise d'Action Aid, à la barbe des organisateurs de la 15e conférence sur le climat des Nations Unies...
Le prix du pire lobbying à Copenhague est remis à...
Le géant Monsanto sur la sellette, c'est grâce à l'action lancée sur l'Internet par la Sirène en colère, qui avait pour but de décerner le prix du pire lobbying sur le climat à Copenhague. Dévoilé le 15 décembre, ce grand prix au nom de l'emblème de la ville de Copenhague, porté par diverses ONG (dont Attack), a été présenté à Copenhague par la journaliste Naomi Klein (l'auteur de No Logo). Shell est arrivé en deuxième position, « pour son lobbying destiné à saboter une action efficace contre le changement climatique ». Pour faire monter la sauce avant le sommet, une petite animation partagée sur Youtube:
Hacktivisme en dur
A Copenhague est installé sur le lac Saint-Jörgens un énorme cube réalisé à partir de douze containers marins empilés sur 8,20 mètres de hauteur, qui figurent une tonne de CO2. Pourquoi une tonne? Parce que c'est l'équivalent d'un mois d'émissions de gaz à effet de serre en moyenne chez un Européen (quinze jours chez un Américain). Le projet, signé de l'agence multimédia Millenium Art, en partenariat avec les Nations Unies, ambitionne de permettre à chacun de visualiser l'effort demandé à tous pour faire durablement changer le climat.
Le CO2 Cube à «Hopenhagen»
L'hacktivisme viral choc
Avec un nom pareil, ils ne pouvaient proposer que des actions du même acabit : les activistes de Plane Stupid utilisent des méthodes choc pour faire passer le message: avez-vous vraiment réfléchi aux conséquences d'un vol en avion sur l'environnement? Ce petit film publicitaire qu'ils ont commandé à Daniel Kleinman l'illustre à sa façon: un vol européen standard produit plus de 400 kilos de gaz à effet de serre par passager, soit le poids moyen d'un ours polaire. On se demande bien pourquoi il ne passera pas à la télé...
Hacktivisme contributif
Ça ressemble à notre Téléthon national mais ça se passe sur l'Internet et pour sauver la Terre. Le collectif londonien The People Speak a imaginé cette «pyramide de fonds pour sauver la planète» sur le modèle participatif: chaque personne concernée donne 10 dollars, propose des actions pour lutter contre le réchauffement climatique et peut en contrepartie discuter et décider de la manière de dépenser l'argent recueilli. Malheureusement, à deux jours de la clôture de COP15 (le diminutif de la conférence de Copenhague), seuls 107 internautes ont souhaité participer au jeu. Pas de quoi sauver un ours polaire...
Logement en P2P à Copenhague
Les artistes du collectif danois Wooloo.org ont organisé la plus vaste centrale de réservation de chambre chez l'habitant au monde. Depuis juin, alors que la capitale danoise était déjà «fully booked» du fait de l'afflux de milliers d'officiels et d'ONG pendant COP15, «connecting climate guests with danish homes» a permis à 3000 activistes du climat de trouver un logement chez l'habitant. Qui a dit que l'art ne servait à rien?
L'art durable ?
Au-delà de la durée de la conférence, les artistes dans le monde entier s'intéressent de près aux changements climatiques. La preuve avec l'exposition en ce moment au Statens Musem for Kunst de Copenhague, Nature strikes back, qui répertorie les liens entre l'homme et la nature. Et ce n'est pas parce que le Danemark accueille COP15 que cette question agite les artistes : déjà le Barbican de Londres se posait la question avec l'exposition Radical Nature cet automne de l'art et l'architecture face aux changements environnementaux depuis 1969. Paris a elle aussi eu son expo « durable », en septembre à la Maison européenne de la photographie : (In)habitable ? L'art des environnements extrêmes mettait en scène ces artistes partis explorer les Pôles et qui rendent compte à leur façon du changement climatique. Enfin, en ce moment-même, à Metz, la formidable exposition Esthétique des pôles questionne elle aussi la place de la nature dans l'art. Et voilà une note positive pour finir: même en cas d'échec de COP15, on n'a pas fini d'entendre.
Annick Rivoire
Image de Une: Reuters