Boire & manger

La folie entourant les chefs cuisiniers est-elle bien raisonnable?

Temps de lecture : 2 min

L'engouement du public pour la gastronomie offre aux chefs une visibilité et une starification inédites. Et la cuisine dans tout ça?

Vladimir Mukhin, chef russe dans la série «Chef's Table» (Netflix)
Vladimir Mukhin, chef russe dans la série «Chef's Table» (Netflix)

À la télévision, dans les librairies, dans des festivals et aux quatre coins du monde, les chefs cuisiniers, érigés au rang de vedettes, sont partout –ou en passe de le devenir. Mais, au fond, tout cet engouement autour de la personnalité, du profil, du parcours de ces chefs est-il bien raisonnable? Pour Drew Magary, journaliste pour les magazines en ligne Deadspin et The Concourse, qui s'attaque, dans un article, à la folie, quelque peu irrationnelle et exagérée, autour de ces chefs à travers le monde: pas sûr.

«La nourriture ne peut plus juste être de la nourriture. Il faut qu'il y ait une mythologie derrière. Un nouveau restaurant à Seattle dispose même de sa propre encyclopédie. Mais, plus important encore, il faut qu'il y ait une personne derrière –une ICÔNE. [...] Ces chefs finissent vénérés comme des tech bros, filmés et affichés bien au-delà de l'absurde.»

Le constat de Drew Magary est sévère –et parfois de mauvaise foi–, mais il a le mérite d'exister, dans un contexte où la gastronomie et à la cuisine occupent une place de plus en plus conséquente dans notre quotidien. Pour cette journaliste, qui a déjà travaillé dans des restaurants par le passé, on en fait trop. Beaucoup trop. A-t-on vraiment besoin de pénétrer dans l'«esprit d'un chef», comme le propose la (bonne) série à succès The Mind of a Chef, se demande-t-elle.

«Et si le chef n'était en fait qu'un idiot qui savait bien cuisiner? Et si ce chef moyen était à peu près aussi intéressant qu'un acteur moyen? Vous serez probablement mieux en ignorant l'existence de nombre d'entre eux.»

Parler de la cuisine avant tout

Toujours selon elle, cet engouement démesuré pour les chefs, plutôt que pour leur cuisine, leur savoir-faire, ouvre la porte à une ribambelle d'arnaqueurs et de charlatans. Elle cite, par exemple, l'histoire du restaurant américain de l'homme-couteau-suisse Damon Baehrel qui aurait réussi le pari de réserver ses tables jusqu'en 2025, ou encore l'ouverture controversée d'une antenne éphémère du célèbre Noma, par René Redzepi, à Tulum au Mexique, où il vous en coûtera pas moins de 600 dollars par couvert.

«Je suis heureuse de la révolution de la cuisine, précise toutefois Drew Magary. Je suis très heureuse que la nourriture soit devenue une part aussi essentielle de notre culture».

«Vous ne devez pas tomber dans le piège et croire que tous ces chefs sont des génies. Comprenez-moi bien, je suis ravie que les chefs ne soient plus regardés de haut. Je suis ravie que la réputation de la profession se soit améliorée. Mais il s'agit là d'une grossière réhabilitation. Je n'ai pas besoin d'une biographie en six volumes d'un mec grognon qui cuisine des nouilles.»

Alors, il est temps de se recentrer sur l'essentiel: les produits, les plats, et pas nécessairement tous ceux qui les mettent sur pied.

«Je trouve bizarre que, sur la scène gastronomique actuelle, on se concentre davantage sur ce que l'on ne peut pas manger que sur ce que l'on peut manger, et que l'on accorde autant d'importance à des chefs qui semblent étrangement déterminés à ne pas donner la chance à leurs clients de goûter leurs meilleurs plats au profit de restaurants éphémères à des milliers de kilomètres, ou en changeant le menu toutes les heures pour "repousser les limites".»

Une tendance de laquelle Netflix semble avoir voulu s'écarter au cours de la deuxième saison de la série à succès Chef's Table, mais surtout dans sa troisième saison. Exit, donc, la triade incontournable des premiers épisodes: le sauvetage d'une cuisine négligée et snobé; l'histoire familiale qui a construit le chef tel qu'il est aujourd'hui; le mythe du «génie solitaire» juste doté de feu, d'une vision et d'un massif montagneux à proximité. «Il s'agit plus d'humains que de héros, écrivait Eater dans sa chronique de la série.

Enfin?

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