«Comment réagir face à un psychopathe?» Pour le savoir, il suffit de poser la question à n’importe quel moteur de recherche. Une opération que les trois conseillers de Marine Le Pen –Philippe Olivier, Florian et Damien Philippot– auraient négligée pour préparer le débat de l’entre-deux tours.
En revanche, ils se sont tout de même intéressés à la question puisque, comme le rapporte le Canard Enchaîné dans son numéro daté du 10 mai, ils auraient visionné «l’analyse implacable» d'Adriano Segatori. Dans une vidéo de neuf minutes publiée deux jours avant le débat, ce psychiatre italien démontre, en se basant sur des images et sur une biographie d’Emmanuel Macron, que ce dernier est un «psychopathe narcissique», «dont le développement a été stoppé prématurément en pleine adolescence», car il aurait été violé par Brigitte Macron.
Adriano Segatori, psychiatre - psychothérapeute Italien et l'inquiétant profil psychologique de #MACRON ! Full video https://t.co/13EEsDZGaW pic.twitter.com/ejYw42pt3B
— WithASmile (@WithASmile9) May 3, 2017
Ils en auraient alors tiré la conclusion qu'Emmanuel Macron était fragile et qu'il était facile de lui faire «péter les plombs». Peu avant le débat, BFMTV avait d'ailleurs tweeté: «"Macron menace: s'il sert de punching-ball à Marine Le Pen, il quittera le plateau au bout d'une demi-heure" dit @CamilleLanglade». Un message auquel Marine Le Pen avait personnellement répondu avec amusement.
Si M. Macron ne se sent pas à l'aise, il peut toujours demander à François Hollande de venir lui tenir la main, je ne m'y opposerai pas. MLP https://t.co/1EkR1JL9gC
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) May 2, 2017
Un expert très marqué
Au lendemain de la publication de la vidéo, le site destra.it (littéralement droite.it), sur lequel Adriano Segatori a publié quelques articles, la reprend. Comme l’a montré Samuel Laurent (Les Décodeurs, Le Monde), le site est dirigé par «un homme politique conservateur, ancien activiste de groupes étudiants de droite dure italiens».
Ce site est dirigé par Giampiero Canella, homme politique conservateur, ancien activiste de groupes étudiants de droite dure italiens
— Samuel Laurent (@samuellaurent) 5 mai 2017
En s’appuyant sur un article d’Adriano Segatori publié sur le site destra.it, le journaliste du Monde situe le psychiatre à droite de l’échiquier politique. Un aller simple sur le compte Facebook (partiellement public) de cet auteur italien confirme un intérêt certain de sa part pour les mouvements identitaires. Parmi les pages qu’il suit, on retrouve le Front national, Marine Le Pen, mais surtout une myriade de sections locales de l’extrême droite italienne (Casapound, Sovranità) qu’il semble soutenir.
Le psychiatre s’est même fendu d’une «review» de l’une de ces pages, Casapound Gorizia, à qui il a attribué la note de 4 étoiles, accompagnée de ce message: «Ce n’est que le début / Nous élargirons encore le mouvement / La lutte identitaire / Ça commence maintenant!». Parmi les groupes dont il est membre, on retrouve également «les amis de la Ligue du Nord», parti politique italien régionaliste et associé au populisme et à la xénophobie.
Vidéo virale
Les premiers posts français sur Twitter apparaissent le jour du débat et la vidéo est vite traduite et reprise par des sites affiliés à l’extrême droite française, parmi lesquels Égalité et réconciliation, présidé par Alain Soral; ou affiliés à des théories complotistes, comme Agoravox. Au lendemain du débat, c’est une cadre du parti d’extrême droite, la secrétaire départementale FN du Rhône, qui se demande sur Twitter si le psychiatre n’a pas raison.
Et si le professeur Adriano Segatori, psychiatre et psychothérapeute italien, avait raison ? https://t.co/DE1Xe8xv6B pic.twitter.com/NQMkbVd5Zn
— COATIVY Muriel (@COATIVY_M) 4 mai 2017
Alors si Adriano Segatori appartient bien au département Psychologie juridique et Psychiatrie Médico-légale de l’Académie Italienne de la Science médico-légale, ses méthodes ne sont pas tout à fait conformes au code de déontologie des psychologues français. Celui-ci stipule entre autres que «le principale outil du psychologue est l’entretien», mais aussi que «quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité».
Si les trois conseillers de Marine Le Pen ont tenu compte de son analyse pour préparer la stratégie de la candidate pendant le débat, ils pourront difficilement la réutiliser à l’avenir. Car comme le souligne Doctissimo, «le trouble semble disparaître après 40 ans, sans que l’on puisse l’expliquer».