Contre toute attente, ils avaient imposé le «Brexit», la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, puis quelques mois plus tard l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, «un Brexit puissance trois», avait dit le vainqueur lui-même. En 2016, les populistes faisaient leur la «théorie des dominos» appliquée jadis à la vague communiste qui déferlait sur l’Asie. Ils allaient balayer les uns après les autres les bastions de «l’oligarchie», des vielles élites politiques qui alternaient au pouvoir dans les démocraties occidentales au nom de la pensée unique. Après la Grande-Bretagne et les États-Unis, les Pays-Bas et la France étaient les prochains candidats à cette irrésistible ascension.
Certes, il y avait bien eu l’alerte autrichienne au mois de décembre. Dans la petite république alpine, le troisième tour de l’élection présidentielle –le deuxième avait été annulé pour quelques irrégularités dans le décompte des voix– avait donné la victoire à un vieil intellectuel écologiste, Alexander Van der Bellen, devant le candidat de la droite extrême, Norbert Hofer. Ce dernier était pourtant arrivé en tête du premier tour avec un tiers des voix. Il a été finalement battu. C’était un signal, marginal peut-être, mais significatif.
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En 2017, deux nouvelles occasions se présentaient pour la droite populiste européenne: les Pays-Bas et la France. Sans compter l’Allemagne où le parti d’extrême-droite AfD (Alternative für Deutschland) pourrait faire son entrée au Bundestag après les élections du 24 septembre, une première depuis 1949.
Un écho grandissant
Hélas pour les amis de Marine Le Pen, les Néerlandais ont eu en mars le même sursaut que les Autrichiens. Le Parti pour la liberté de Geert Wilders était donné vainqueur dans tous les sondages. Il a été devancé par la formation du Premier ministre et a dû se contenter de la deuxième place qui l’éloigne du pouvoir. Même déconvenue pour la présidente du Front national qui n’atteint pas la barre des 40% des suffrages fixée par sa nièce comme signe de «victoire». A cette série de revers, il faut ajouter la déconfiture de UKIP, le parti europhobe qui avait mené la campagne en faveur du Brexit, aux élections locales en Grande-Bretagne.
Ces déconvenues doivent cependant être relativisées. Le nombre de voix obtenu par les candidats ou les partis populistes de droite dans toutes ces élections montrent que ces mouvements trouvent un écho grandissant, à défaut d’être partout majoritaire, dans de nombreux pays. Ils ont des proches au pouvoir, en Pologne, en Hongrie, en Slovaquie. Dans d’autres pays membres de l’UE, ils participent aux gouvernements. Ils ne sont pas toujours d’accord entre eux. Il n’est pas possible de parler d’une «internationale des nationalistes». Ils n’ont pas été par exemple capables de se retrouver dans un même groupe au Parlement européen. Mais ils ont le même fonds commun, mélange de mépris pour les «élites» même quand ils en viennent, de dénonciation de «l’oligarchie» et de la presse menteuse, d’hostilité à l’immigration, surtout quand elle est originaire du monde musulman, de défense –au moins rhétorique– des zones désindustrialisées abandonnées par la mondialisation, la fameuse «rust belt» des États-Unis, le nord de l’Angleterre ou «la France périphérique». En Europe, ils sont tous à des degrés divers critiques envers l’Union européenne, en tous cas l’ouverture des frontières supposée favoriser le terrorisme. Ils se prétendent partout la voix des sans-voix.
Rien ne leur donne le droit de parler, comme ils le prétendent, au nom des laissés-pour-compte de la mondialisation. Il n’en reste pas moins que ce serait une erreur d’ignorer la colère dont leurs résultats électoraux sont l’expression. Sans complaisance avec des idées incompatibles avec les valeurs libérales et démocratiques, mais sans aveuglement.