L’expérience Macron est inhérente à la crise de 2008. Elle est la conséquence des répercussions de cette crise dans la vie de notre pays, à la fois sur le plan économique, social et politique. Cette candidature représente, en pleine crise du régime, les fondamentaux du régime, elle représente aussi un capitalisme qui cherche à surmonter sa propre crise.
Pourfendeur de la «gauche statutaire», convaincu que le libéralisme participait de l’histoire de la gauche, Emmanuel Macron ne disposait, à l’origine, que des très ténus 6% d’électeurs sociaux-libéraux. Base déjà trop étroite pour légitimer la politique suivie par François Hollande, elle l'était plus encore pour servir de base à une aventure présidentielle victorieuse. La politique économique menée pendant le quinquennat n’avait su obtenir le consentement d’autres groupes sociaux et d’autres segments idéologiques de la population française.
Emmanuel Macron est libéral comme le sont les élites du pouvoir de la Vème République
C’est dans ce contexte qu’Emmanuel Macron a dû «inventer» sa candidature en remplissant une fonction bien précise: favoriser l’adaptation de notre société à la configuration en devenir d’un capitalisme surmontant ses troubles par un discours et une candidature suscitant le consentement, renouvelant un régime entré en crise et dont le système partisan est en phase d’effondrement.
Emmanuel Macron est libéral comme le sont les élites du pouvoir de la Vème République, issues du cœur de l’appareil d’Etat, de ces grands corps qui n’ont du marché ou du chômage qu’une connaissance livresque. C’est un libéralisme administré, presque planifié, qui a cherché les moyens de se développer par l’intégration européenne, une «intégration négative» comme le soulignait le chercheur Fritz Scharpf, produit des élites politico-administrative qui ont «fait l’Europe». Si le marché avance c’est aussi à coups de réglementations nouvelles.
Un libéralisme à part
Dans la France de 2017, Emmanuel Macron revêt quelques originalités qui font de ce libéralisme de nos élites du pouvoir quelque chose de neuf. Cette part de neuf tient au fait que le libéralisme macronien est imprégné de cette culture de l’individualisme libéré de toutes les contraintes, sur tous les plans.
C’est un libéralisme californien (adapté à la France) car il correspond au prochain âge du capitalisme –pour reprendre l’expression du journaliste Jean-Michel Quatrepoint. Le capitalisme s’efforce de surmonter ses propres crises et se réinvente continuellement. Se saisissant de l’hyper individualisme véhiculé par l’actuel esprit du capitalisme, également porté par les GAFA et la révolution numérique, embrassant la mutation écologique de notre économie, le capitalisme en devenir mêle plusieurs dimensions.
Libéral sur le plan de ses conceptions économiques, Macron l’est aussi sur le plan de ses conceptions «sociétales», laissant entrevoir davantage de souplesse sur les questions liées au libéralisme culturel, comme celle de la Gestation pour autrui (GPA). Incitant en outre les jeunes Français à «devenir milliardaires», Emmanuel Macron s’est fait le chantre d’une vision de la société dominée par la glorification de l’individualisme et de l’esprit d’entreprise, croyant plus aux start-ups qu’aux fleurons industriels. Dans le monde macronien, l’individu dispose d’un grand nombre de libertés sur le plan de l’initiative entrepreneuriale comme de sa vie personnelle.
Emmanuel Macron est l’intellectuel organique de ce capitalisme en devenir autant que le perpétuateur de la Vème République
Le macronisme n’est pas qu’un projet économique. Il est aussi une réforme «éthique et morale» et fait d’Emmanuel Macron, l’intellectuel organique de ce capitalisme en devenir autant que le perpétuateur de la Vème République, dont il est l’un des rejetons les plus emblématiques et les plus brillants.
Adepte de «l’uberisation» de notre économie et adversaire de la «gauche statutaire», partisan de la levée des «blocages», de tous les «blocages», Emmanuel Macron adapte néanmoins ses options «libérales» au contexte français, à sa culture politique, à son histoire. On le voit ainsi délivrer une vision du monde puisant dans les images d’Epinal d’une Histoire de France imprégnant le sens commun de nos concitoyens les ressorts d’un récit légitimant son projet politique. Libéral californien certes mais d’abord bien français…
Cet article fait partie d'une série en trois parties autour du libéralisme d'Emmanuel Macron:
- Emmanuel Macron, le libéralisme à la scandinave, par Eric Le Boucher
- Emmanuel Macron n'est pas libéral, par Jean-Marc Proust