France

L'amertume à l'annonce des résultats

Temps de lecture : 3 min

Cette soirée ressemble à un rendez-vous raté. Ce rendez-vous que vous avez préparé, au moins mentalement pendant des mois, pour lequel vous avez imaginé le pire en espérant parfois le meilleur et puis, au final, ça fait «pchouit».

Emmanuel Macron au Parc des expositions, le 23 avril 2017. Eric FEFERBERG / AFP
Emmanuel Macron au Parc des expositions, le 23 avril 2017. Eric FEFERBERG / AFP

Le soir de ce premier tour était frappant d’absence de ferveur. Si on résume l’ambiance: les petits candidats sont laminés. (Faisons une exception pour Nicolas Dupont-Aignan, qui pendant la moitié de son discours avait l’air de croire qu’il était qualifié pour le second tour, avant de se positionner comme la nouvelle force politique incontournable. En fait, il rappelle le mec qui vous drague depuis des années, à qui vous avez dit non cinquante fois, et qui pense toujours qu’il y a possibilité de conclure.)

Le parti socialiste est… A-t-on vraiment envie d’en parler? Non? Très bien.

Les Insoumis sont super énervés. Ils se pensaient à «ça» de l’Elysée et d’un coup, à cause d’une sombre histoire de votes que les électeurs font, c’est fini. J’ai une pensée émue pour ce jeune militant, qui à 21h30 continuait d’y croire parce que «rien n’est joué, on ne va pas abandonner maintenant». (Bah si jeune homme, ça s’appelle la démocratie en fait, aussi imparfaite soit-elle. Si les gens n’ont pas voté comme toi, c’est perdu.) Jean-Luc Mélenchon lui-même à 21h55 était en plein déni, voyant un complot des «médiacrates et oligarques» dans les résultats forcément tronqués puisque défavorables pour lui.

Encore plus de perdants que d’habitude

Les électeurs LR avaient les boules. Ils devaient la gagner cette élection, c’était la leur, leur tour, imperdable. Et puis à cause de l’autre nul, c’est cuit. Les méga boules.

Au Front National, ce n’était pas non plus la fête. On vous donne en tête pendant des semaines, et puis vous finissez deuxième. Il y avait un peu d’amertume à l’annonce des résultats. (D’après les duplex au QG de Hénin-Beaumont, ensuite il y a eu descente sur le bar puis frottage chaloupé de bassins.)

Reste Emmanuel Macron. Il arrive en tête, ça doit être la fête. Effectivement, on a vu les militants heureux, se sentant récompensés de leurs mois d’efforts et d’investissement. Mais il y avait comme une fièvre d’entre-soi. Les voix qui placent Macron en tête ne sont pas forcément une véritable adhésion à ses idées et ce qu’il représente. Le vote utile, la peur d’un deuxième tour avec un dilemme cornélien ont joué un rôle important qui explique qu’à travers la France, les rues n’ont pas été envahies par une foule macroniste extatique. En règle générale, l’éclatement des voix entre tant de candidats (quatre «gros» candidats c’est beaucoup, explique cette impression). Il y a encore plus de perdants que d’habitude.

Le «pchouit» d'un rendez-vous raté

Ce n’est pas toujours comme ça. Il y a eu des séismes qui font qu’on se rappelle notre soirée électorale, comme 2002 évidemment. Des petits partis qui faisaient des bons scores surprenants et où les militants avaient vraiment l’air heureux. On attendait le FN au second tour, donc il n’y a pas eu de choc. Les partis se sont écroulés. Les espoirs, comme les Insoumis, sont déçus. Même Macron avait l’air jaune sur mon écran.

Cette soirée ressemble à un rendez-vous raté. Ce rendez-vous que vous avez préparé, au moins mentalement pendant des mois, pour lequel vous avez imaginé le pire en espérant parfois le meilleur et puis, au final, ça fait «pchouit». Ça arrive parfois avec le sexe. (Et finalement, le sexe et la politique, ça a quand même pas mal en commun.) Vous fantasmez sur quelqu’un, ça monte, ça monte, ça monte et puis finalement, quand ça se concrétise, au climax, c’est «pchouit». On a l’impression d’être passé/e à côté. «Alors ? C’était comment?» «Bah, je sais pas. Bof, quoi.» Et vous vous trouvez presque ridicule d’en avoir parlé à vos amis pendant des semaines alors qu’il ne se passait rien, et quand il se passe quelque chose de n’avoir rien à leur en dire. A titre personnel, j’ai passé la journée à trimballer un gros stress, à tout envisager, et finalement, la soirée elle-même, rien. Je me sentais coupée de tout. C’était presque un premier tour proustien, un premier tour qu’on aurait vécu plus intensément en imagination que lorsqu’on s’y retrouvait vraiment.

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