Culture

Pourquoi tout le monde aime Charlotte Gainsbourg?

Temps de lecture : 3 min

Vous l'aimez Charlotte Gainsbourg, n'est-ce pas? Vous la trouvez belle, et charmante, et vous estimez qu'elle a du talent? Vous êtes simplement comme l'immense majorité des Français. L'actrice, chanteuse, ancienne égérie de Gérard Darel et actuelle de Balenciaga, deux fois mère et toujours des allures de gamine, se tient en bonne place (27e) dans le top 50 des personnalités préférées des Français.

Pourquoi cette jeune femme sans forme et sans paillette, frêle, au teint blafard, est-elle portée aux nues?

Charlotte Gainsbourg ressemble à tout le monde. Certes, tout le monde ne fait pas 1m73, et ne peut pas avoir ce look je-sors-du-lit-j'ai-juste-enfilé-un-pull-je-suis-divine-quand-même. Elle est néanmoins la simplicité incarnée. Elle est banalement brune à la peau blanche, loin de la bimbo. Petite poitrine, look commun. Même quand elle fait la couverture de Elle, Gainsbourg n'arbore pas de robe haute couture, de maquillage aguicheur. Elle est mère, elle est épouse: comme la plupart des femmes. Elle est assez belle pour faire rêver, mince, cheveux longs, regard intelligent et sourire plein de charme. Mais assez simple (naturelle?) pour laisser croire qu'on pourrait lui ressembler: elle autorise à n'importe quelle fille des songes de grandeur. Elle en devient une star accessible. Familière.

Familière aussi parce qu'on la connaît depuis longtemps. Elle nous appartient un peu. On l'a vue, médusée, aller chercher son premier César, celui du meilleur espoir féminin, en 1986. Elle avait quinze ans, une voix frêle, elle pleurait, les cheveux dans les yeux. Et elle émouvait le microcosme du cinéma, les téléspectateurs devant leur poste. On l'a vue grandir. Depuis ces interviews où elle chuchotait des réponses aux questions, terrassée par la timidité, elle s'est épanouie, elle est devenue une artiste complète qui se raconte, plus décontractée, aux micros. Charlotte Gainsbourg est presque une vieille connaissance.

Ce n'est pas non plus comme si sa famille nous était étrangère. Pour le public, elle était déjà fille-de. Du couple mythique et subversif, de ces artistes qui contraignent au respect. Parce que la mort de son père, comme la mort de toute idole, avait ému les Français, elle les avait rapprochés de sa fille, et fait que cette famille appartenait un peu plus au pays.

On connaît sa nouvelle famille aussi: Yvan Attal, qui paraît taillé à l'image de sa femme. Et de la même manière que les femmes peuvent se laisser aller à penser qu'elles pourraient être Charlotte, certains pensent (j'en ai entendus) que si Attal l'a eue, ils pourraient l'avoir aussi. Plutôt pas mal, sans être vraiment beau. Terriblement sexy quelquefois, mais pas trop souvent. Du charme, comme elle. Une filmographie appréciable, comme elle. Un couple lunaire. Et moderne.

Elle avait des prédispositions à la modernité Charlotte — on ne naît pas impunément de Serge Gainsbourg et de Jane Birkin. Mais elle a su la personnifier. Charlotte Gainsbourg est actrice, elle est femme, elle est mère, épouse. Elle est tout sans être militante, sans crier partout qu'elle est tout. Elle ne clame pas que sa carrière est aussi admirable que celle de son mari, pas moins internationale, couronnée de six César de plus. Sans dire: vous voyez, je suis une femme moderne, elle l'incarne.

Ne pas rester fille-de

Incarner quoi que ce soit, lorsque l'on porte le poids de la célébrité de son père, c'est une gageure. La jeune femme a pourtant su ne pas rester-fille de. A la différence de sa demi-soeur Lou Doillon, d'Emma de Caunes, d'Aurore Auteuil ou des enfants Depardieu, dont les noms sont restés attachés à ceux des parents.

Gainsbourg est désormais le nom de Charlotte autant qu'il fut celui de son père. C'est une bonne actrice. «Une actrice née, comme Mozart était un musicien né», disait d'elle Claude Miller. A tel point qu'elle a su sauver de mauvais films: comme Prête-moi ta main, avec Alain Chabat (qui personnellement m'avait fait beaucoup rire. Mais qui est un mauvais film selon le reste de la rédaction de Slate). Et puis il y a eu La Bûche ou La Petite Voleuse. Et Charlotte a bon goût de manière générale: elle a choisi de jouer sous la direction de Michel Gondry, de James Ivory, d'Iñárritu...

Elle sait s'entourer. Il fallait le faire, de chanter, après Serge. Il fallait oser, sortir son album. Elle l'a fait avec Air, dont l'univers ressemblait au sien; elle l'a refait avec Beck, très prestigieux. Pas beaucoup de prise de risque, mais des réussites saluées par la critique.

Et elle sait, quand il le faut, prendre des risques; au hasard: jouer, nue, un film d'horreur érotique sous la direction de Lars Von Trier.

C'est ce mélange d'audace et de discrétion, qui fait sa réussite. On peut jouer ce que l'on veut, vivre comme on veut sans jamais s'attirer la moindre critique, lorsque l'on n'étale pas sa vie dans les journaux. Elle ne parle que de son art, un peu de ses parents, quand on l'y contraint. Pas de ses histoires intimes. Si on la pousse dans ses retranchements, comme Thierry Ardisson lors d'une interview, qui s'entêtait à demander si son fils était circoncis, elle tient bon. Mais cela n'empêche pas une sincérité désarmante, qui fait que l'on retrouve alors la petite voleuse de dix-sept ans, cette sincérité qui lui faisait dire qu'elle avait peur de prendre la parole devant une salle entière, de ne pas être à la hauteur. Cette sincérité qui lui fait dire qu'elle voulait alors que l'on fasse attention à elle. Et qui fait qu'elle y est parvenue.

Charlotte Pudlowski

Image de une: Charlotte Gainsbourg, DR. Mars Distributions

Newsletters

Pour comprendre ce qu'il y a dans le cœur des Russes, il faut lire Dostoïevski

Pour comprendre ce qu'il y a dans le cœur des Russes, il faut lire Dostoïevski

[TRIBUNE] Le peuple russe, rendu fataliste par une histoire chaotique, consent à la tyrannie. Et cela, nul ouvrage ne permet mieux de le comprendre que «Souvenirs de la maison des morts».

La bananadine, la drogue la plus fumeuse des années 1960-70

La bananadine, la drogue la plus fumeuse des années 1960-70

En plein mouvement psychédélique, certains se sont fait bananer avec cette «nouvelle drogue à la mode» tirée du fruit jaune.

Cinq espionnes qui ont aidé les Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale

Cinq espionnes qui ont aidé les Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale

Danseuse, opératrice radio ou encore cryptanalyste, elles ont toutes œuvré dans l'ombre.

Podcasts Grands Formats Séries
Slate Studio