Jusqu’à présent, le contrat tacite passé entre la majorité des services nés de l’ère Internet et le consommateur était simple: divertissement contre exposition consentie à une dose de publicité. Nous «payons» en accordant notre temps et notre capacité de concentration, un deal qui a donné naissance à l’économie dite de l’attention, nouvelle ressource rare et donc chère dans un monde de surabondance d’informations.
Mais voilà, écrit le magazine Wired, que de nouvelles pratiques remettent cet équilibre en question en nous exposant à des messages et des informations sans contrepartie et, plus grave, sans notre consentement. En d’autre terme, un vol de l’attention.
«Le vol de l’attention a lieu partout où votre temps et votre attention sont pris sans votre consentement», précise l’article. Les exemples les plus manifestes de ce larcin cérébral sont les situations qui font de nous des audiences captives, comme les écrans placés sur le dossier du siège devant le nôtre en avion et plus généralement les écrans placés dans des lieux publics. Aux Etats-Unis, une chaîne de télévision qui diffuse ses programmes sur les pompes à essence pendant que l'usager fait le plein en est l'illustration parfaite.
Collectivement, ces inventions «menacent de nous faire vivre dans un cocon d’écrans alignés, lequel nous laisse dans un état plus proche de la larve que du papillon, ratatiné et incapable d’une pensée libre.» Or, poursuit Wired, dans l’économie de l’attention celle-ci acquiert une valeur marchande que se disputent ou s’échangent les entreprises du secteur de la production d’information. Et, si ces dernières captent notre esprit facilement distrait sans notre consentement explicite ni, comme c’était le cas jusqu’à présent sur Internet, sans contrepartie, «ça n’est pas vraiment différent d’une personne qui prend de l’argent de votre porte-monnaie».
Les questions soulevées par ces nouvelles approches sont à la fois sanitaires, dans la mesure où l’exposition permanente et hachée à des écrans et des informations peut user nos capacités cognitives, et morales, puisque notre autonomie d’individu et notre libre-arbitre sont entamés et grignotés par ces dispositifs.
Serons-nous capables, individuellement ou collectivement, de boycotter certaines de ces offres imposées d’attention? Les pouvoirs publics devront-ils réguler le paysage informationnel qui tend à se fondre dans les infrastructures matérielles préexistantes?