Monde

Sarkozy mieux protégé que Berlusconi

Temps de lecture : 5 min

En termes de protection, Nicolas Sarkozy, Silvio Berlusconi et Barack Obama présentent des défis similaires. Mais à la différence des Etats-Unis, chez-nous tout va bien. Pour l'instant...

Le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi, a été hospitalisé dimanche 13 décembre au soir après avoir été frappé au visage à la fin d'un meeting électoral à Milan. Comment les services de sécurité rapprochée ont-ils pu se laisser abuser? Silvio Berlusconi a été agressé par un déséquilibré qui l'a frappé avec le socle d'une statuette. Il devra rester en observation durant une ou deux journées. L'agresseur, soigné depuis dix ans pour problèmes mentaux, a été arrêté aussitôt après l'incident.

Selon des médias italiens, le chef du gouvernement italien s'est affaissé après avoir été frappé, et son entourage l'a immédiatement chargé à bord d'une voiture qui l'a évacué vers un hôpital de la ville. Son agresseur, Massimo Tartaglia, 42 ans, été immédiatement transféré à la préfecture de police.

Un témoin a affirmé, sur la chaîne d'information en continu Sky TG-24, que l'homme avait touché le chef du gouvernement de côté, sur la joue. Sur les images diffusées par les médias italiens, Silvio Berlusconi a le visage ensanglanté, la pommette et les lèvres tuméfiés. D'après le ministre de la Défense, Ignazio La Russa, qui était proche du chef du gouvernement, ce dernier saignait de la bouche et de nez. A aucun moment, Silivio Berlusconi n'a perdu connaissance. Selon des sources médicales, il a répété «Je vais bien, je vais bien», en sortant de la salle des urgences alors qu'on le conduisait vers sa chambre d'hôpital.

Le 24 novembre, un couple d'intrus s'est invité à dîner à la Maison-Blanche allant jusqu'à se faire prendre en photo avec Michelle et Barack Obama. Ils étaient certes très glamour, bons acteurs, mais n'avaient rien à faire là. Comment ont-ils pu franchir tous les contrôles de sécurité que l'on imagine draconiens ? L'affaire a provoqué un mea culpa officiel du service de protection du président, le Secret service, la suspension de trois de ses agents et un début de polémique sur la sécurité d'Obama.

Dans la foulée, les médias américains ont rappelé toutes les menaces, bien plus sérieuses et pour la plupart sans précédent, qui ont plané sur l'actuel président américain depuis son entrée en campagne en 2007. Ce qui a obligé les autorités à lui fournir une protection dès le mois de mai de cette même année. Peu après l'affaire des «gate crashers», l'opinion publique américaine a appris l'existence de «l'opération Patriote», bien plus terrifiante, imaginée par un marine de 20 ans Kody Brittingham pour éliminer Barack Obama qu'il qualifiait «d'ennemi intérieur». Pour le jeune homme, cet assassinat est une mission prioritaire pour le militaire ayant prêté le serment de «protéger son pays» qu'il était; il doit être prochainement jugé en Caroline du Nord.

Le Secret service est-il à la hauteur face à cette recrudescence des menaces? Obama a l'habitude de dire qu'il est protégé par le «meilleur service de sécurité au monde». Un service dont il porte d'ailleurs la montre officielle (devenue depuis un objet de culte), une marque de sympathie mais aussi de confiance qui serait réciproque entre le Président et ses gardes du corps.

Une relation qui n'est pas sans rappeler celle de Nicolas Sarkozy avec les policiers chargés d'assurer sa sécurité. Toute proportion gardée, les deux «patrons» présentent des défis similaires aux services de protection. Obama reste le président d'une hyperpuissance qui est en guerre en Irak et en Afghanistan, il est très présent sur la scène internationale et, surtout, il est le premier Américain de couleur à occuper ce poste. Sarkozy n'est certes pas Noir, mais ses origines ne le mettent pas moins à l'abri des menaces racistes. Sur les forums de l'extrême-droite on parle souvent de lui comme du «Hongrois», d'autres n'ignorent pas ses racines juives. Et, ce n'est un secret pour personne, vu sa personnalité et son hyperactivité politique, Nicolas Sarkozy ne laisse pas indifférent. Pour preuve, depuis son arrivée à l'Elysée les menaces se sont multipliées et sur tous supports : physiques, par email, par courrier... «Il bouge vingt-cinq fois plus que son prédécesseur et son personnage cristallise pas mal de choses», résume un responsable policier. Mais pour l'instant, à part quelques petits incidents, c'est un parcours sans faute, se félicite-t-on au ministère de l'Intérieur.

L'arrivée de Nicolas Sarkozy à l'Elysée s'est traduite par des changements importants dans l'unité chargée de la protection et de l'organisation des déplacements du Président, le Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR). Les gendarmes, qui le composaient de moitié, ont été priés de plier bagages; fort d'une soixantaine de fonctionnaires, le GSPR est passé à 80 personnes, tous des policiers du Service de protection des hautes personnalités (SPHP).

Ce sont les quelque 600 employés de ce service de la Police nationale qui assurent la sécurité rapprochée des actuels et anciens hauts responsables la République, de ses hôtes étrangers ou encore de personnalités jugées menacées (journalistes, écrivains, militants, responsables associatifs...). Ces membres sont recrutés sur concours interne; ils doivent notamment passer de nombreux tests physiques et, last but not least, «bien présenter», ne pas avoir l'air trop empruntés dans un costume trois-pièces de bonne facture... A l'intérieur du service, le GSPR regroupe, lui, la crème de la crème; il est dirigé aujourd'hui par un policier devenu un intime de Nicolas Sarkozy (il l'accompagne depuis qu'il était ministre de l'Intérieur), le sous-préfet Michel Besnard. Car ce n'est pas la même chose que de suivre un ancien ministre de l'Agriculture ou un général à la retraite que Nicolas Sarkozy!

Depuis 2007, le GSPR n'a pas chômé, avec une présidence qui est partie sur les chapeaux de roues. Libération des infirmières bulgares, guerre russo-géorgienne, intervention israélienne à Gaza... Mais ses responsables sont particulièrement satisfaits d'avoir «assuré» la sécurité et la logistique de Nicolas Sarkozy lors de la présidence française de l'Union européenne, avec un «patron» qui n'a pas cessé d'enquiller les sommets et les réunions aux quatre coins de l'Europe. C'est à cette époque qu'on a aussi entendu, ici ou là, que certains des policiers détachés à la sécurité du président commençaient à être sérieusement «groggy», qu'ils avaient besoin de sang frais pour suivre le rythme infernal imposé par «speedy Sarko»... Un rythme dont témoigne aussi l'augmentation en flèche des dépenses pour la protection du président (près de 60% sur certaines périodes).

«Pour protéger le président, il vaut mieux une petite équipe bien soudée qu'un service pléthorique», dit-on aujourd'hui du côté du SPHP où l'on a vaguement suivi le débat américain sur la sécurité d'Obama. La presse américaine s'est même procuré un document interne du Secret service détaillant, outre celle des gate crashers, 91 «défaillances» de ses agents depuis 1980. En France, pour l'instant, rien de tel.

La réflexion, si elle existe, n'est surtout pas publique essentiellement parce qu'il n'y a pas eu de gros ratés dans ce domaine. «Dans les années 1990, on a bien eu un monsieur au physique giscardien qui avait réussi à plusieurs reprises à contourner les services de sécurité du temps de Chirac pour se faire prendre en photo», se souvient-on à la police. Mais la plus grande frayeur reste à ce jour l'attentat manqué contre Jacques Chirac en 2002, lorsque le 14 juillet, un jeune militant d'extrême-droite, Maxime Brunerie, tenta de l'atteindre d'un coup de fusil. Plus que l'attentat terroriste, le geste d'un déséquilibré reste la grande hantise des policiers qui protègent Sarkozy. Peut-être parce qu'ils savent que ce dernier reste imprévisible et, souvent, imparable. «Pour l'instant tout se passe bien, on a assuré. Mais dès demain, les événements peuvent nous contredire», dit-on au SPHP.

Alexandre Lévy

Lire également sur le même sujet: La grogne des gorilles de la République.

Image de Une: Silvio Berlusconi peu après son agression Reuters

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