France

Pour la création de tribunaux environnementaux

Temps de lecture : 3 min

Le juge montre jour après jour son rôle déterminant dans la protection de l’environnement, mais n'est pas encore suffisamment spécialisé pour remplir à plein cette mission.

La protection de l’environnement est un impératif prioritaire du XXIe siècle. Changement climatique, dégradation de la biodiversité, pollution de l’air: pour être relevé, le défi invite à renouveler l’action politique. Pour ce faire, le droit, lieu de la production des normes, est déterminant. Cela n’a certes pas échappé au législateur qui, lors de ce dernier quinquennat, a fait voter plusieurs lois ayant pour but d’opérer la transition énergétique et de limiter la perte de biodiversité sur notre territoire.

Est-ce pour autant suffisant? Nous ne le pensons pas. Si l’action législative n’est certes pas inutile, elle demeure bloquée par une vision passéiste du progrès juridique, continuant à parier sur le renforcement du pouvoir des autorités publiques et la modification technique de certaines orientations idéologiques, incapable de saisir tout le potentiel pragmatique qu’offrent certains acteurs pourtant bien ancrés dans le monde du droit!

Parmi eux, le juge, jour après jour, montre son rôle déterminant dans la protection de l’environnement: si en France, il a reconnu le préjudice écologique en condamnant la société Total en 2012 dans l’affaire de la marée noire de l’Érika, aux Pays-Bas, aux États-Unis et au Pakistan, il est allé jusqu’à condamner l’État au regard des faiblesses de ses obligations nationales dans la lutte contre le changement climatique. Dorénavant, la cause environnementale se plaide en justice et, prenant le relais ou comblant les lacunes du politique, et s’appuyant également sur les aspirations de la société civile, le juge fait œuvre de justice environnementale. Il montre que s’il est, selon l’expression bien connue de Montesquieu, la «bouche de la loi», il sait aussi l’adapter aux enjeux du XXIe siècle, quitte à bousculer la lenteur du politique!

Loin de nous en plaindre, nous pensons qu’il faut accompagner cette transformation. Pour cela, il convient d’offrir au juge les moyens de remplir sa mission: appliquer le bon droit pour, in fine, devenir un véritable acteur de la protection de l’environnement. A cette fin, nous plaidons pour la création, dans le paysage judiciaire, de tribunaux environnementaux, l’idée étant déjà plaidée au niveau international.

S’il existe en France des juridictions spécialisées (commerciales et prudhommales), aucune n’a trait au domaine environnemental, et aucun juge ne possède une spécialisation en droit de l’environnement et encore moins en sciences de la nature. Pourtant, les litiges environnementaux relèvent du complexe. Outre les grands principes et règles ultra-techniques, le juge est confronté au réel environnemental invitant à apprécier l’ampleur d’une pollution, ses causes et conséquences, l’existence d’un dommage écologique, l’atteinte aux fonctions et services écologiques en découlant, autant que la détermination des mesures techniques y mettant fin ou les compensant. Devant trancher le litige, il doit comprendre les faits et prescrire une solution appropriée. Certes, il peut d’ores et déjà, à l’instar des parties, s’appuyer sur l’expertise. Mais, outre que l’appel à l’expertise reste ponctuel et encadré, les experts judiciaires possédant des compétences appropriées au domaine environnemental restent rares et les parties souhaitant faire appel à leur propre expertise doivent en supporter le coût. Au final, c’est la légitimité et efficacité de la décision judiciaire qui peut en pâtir. C’est le cas lorsque, au sujet d’un litige concernant un dommage écologique, le juge avoue l’impossibilité de son évaluation pour finalement prescrire des dommages-intérêts d’un montant d’ordre symbolique!

Ne devrait-il pas être davantage accompagné dans sa mission? En ce sens, nous pensons qu’il est souhaitable de créer de véritables tribunaux spécialisés dans les litiges environnementaux au sein desquels siègeraient des juges compétents assistés de scientifiques leur fournissant les éclairages nécessaires pour apprécier les faits autant que les mesures à prescrire. Ayant saisi l’ampleur d’un dommage causé à l’environnement, ses causes et conséquences pour la biodiversité, ils pourront aussi décider au mieux des mesures susceptibles d’y mettre fin ou de le compenser… Loin d’être incongrue, l’idée trouve déjà des traces concrètes: Thaïlande, Inde, Chili, certains pays en font l’expérience. On objectera que la spécialisation a un coût? Mais n’est-ce pas le prix à payer pour faire de la France un modèle de «justice environnementale» qui, à terme, pourrait alors être plus légitimement porté sur la scène internationale?

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