Pour réduire les émissions de CO2, il y a deux voies. La première est celle du serrage de ceinture, celle de Kyoto et des écologistes. La seconde est la voie qu'on peut nommer «américaine» qui passe par de fortes innovations de nos modes de transport et de production.
La première est en échec. Les signataires de Kyoto en 1997 s'étaient engagés à réduire de 5% leurs émission de gaz à effet de serre en 2012 par rapport à 1990. Seule l'Union européenne y parviendra, et encore, en son sein seuls l'Allemagne et la Grande-Bretagne sont de bons élèves (-20%), la France ayant tout juste franchi la barre des - 5%. Les autres pays hors d'Europe sont restés en dehors de l'accord, dont les deux plus gros pollueurs, Etats-Unis et Chine. Washington et Pékin viennent d'annoncer des objectifs de réduction mais ceux-ci restent bien en dehors de ce qu'il faudrait, selon les scientifiques de l'ONU (GIEC).
Même en cas d'accord à Copenhague, il est désormais certain que l'ensemble des pays du globe ne parviendront pas à diviser par deux leurs émissions d'ici à 2050, serrage de ceinture minimum pour limiter la hausse du climat à 2 degrès celsius en fin du siècle.
L'autre voie est-elle meilleure? L'innovation va-t-elle sauver la planète? Une étude de l'institut Bruegel installe le doute: les efforts de recherche et développement sont très largement insuffisants pour accoucher, à temps, d'une «révolution verte».
Seuls 2,5% des brevets déposés dans le monde concernent l'environnement. Globalement, peu de labos travaillent sur ces sujets et on assiste à aucune accélération des efforts, malgré les discours sur les «green tech». Le secteur de l'énergie ne fait que peu de recherche & développement par rapport à d'autres (armement, électronique, aéronautique, pharmacie). En Europe, seules EDF et Areva entrent dans le top 100 des dépenses R&D. Mais en volume, le nucléaire n'est pas une technologie où la recherche augmente. Seules les piles à combustibles font l'objet d'une intensification.
Par pays, le Japon se distingue, en détenant 35% des brevets mondiaux sur l'environnement. L'autre pays qui accroît sa R&D est l'Allemagne (8% des brevets). Les Etats-Unis contrairement à ce qu'on peut penser en regardant la Californie, se consacrent peu aux technologies de l'environnement. Conclusion des auteurs de l'étude: «le faible taux de dépenses de R&D dans l'électricité laisse penser que ce secteur clé ne pourra pas générer ses propres innovations pour réduire les gaz à effet de serre».
L'étude s'interroge alors pour savoir pourquoi les innovations manquent dans l'environnement contrairement aux discours offensifs des gouvernements. Première raison: les bénéfices des innovations sont publics (les populations entières) tandis que les dépenses sont privées. Deuxième raison: les financements font défaut parce que ces technologies sont très incertaines et les risques de ne pas obtenir des résultats sont gros. Troisième raison: la recherche sur les technologies polluantes est souvent plus payante pour les entreprises des secteurs concernés (par exemple dans l'automobile, les progrès sont notables dans les moteurs classiques, ce qui glace les recherches sur les technologies «toutes propres»). Enfin, quatrième raison, les régulations, règlements et autres lois, sont des obstacles très contraignants quand il faudrait avoir la liberté des tests.
L'innovation ainsi laissée à elle-même ne sera pas au rendez-vous de la planète.
Comment faire pour l'accélérer? Il faudrait une combinaison d'aides publiques et d'incitations en relevant le prix des énergies anciennes (taxe carbone), poursuivent les auteurs. Les programmes publics de R&D pour l'environnement sont minuscules: 4% du total des dépenses dans l'Union, moins de 1% aux Etats-Unis. Et en Europe, cet argent est dépensé «sans aucune coordination» entre les 27 pays membres. France et Allemagne y consacre des moyens mais de 2000 à 2005 (dernières statistiques disponibles), ils ont été... en baisse.
Toutefois, on note un engouement très récent. Aux Etats-Unis, l'intérêt pour les «green tech» croît notablement «depuis 2007», note l'étude. Le capital-risque s'investit: 3 milliards de dollars en 2008, contre 100 millions en 2005.
La taxe carbone sera-t-elle «la» solution? Si elle est suffisamment haute et prédictible, la réponse est sûrement positive. Hélas, là encore, il faut déchanter. Les Etats-Unis n'ont pas de taxe carbone tandis qu'en Europe, l'ensemble des taxes sur l'énergie ne représente que 6,4% des recettes des Etats, c'est peu et le chiffre baisse. Le prix de la tonne de carbone a reculé de 32 dollars en avril 2006 à 14 dollars aujourd'hui. Tout l'inverse de ce qu'il faudrait à cause d'un mauvais fonctionnement du marché.
Conclusion pessimiste des auteurs: l'innovation est très en arrière de ce qui est nécessaire pour révolutionner nos modes de vie et réduire comme il faudrait les émissions de gaz. La solution «américaine» nécessite, elle aussi, un sérieux changement de cap.
Eric Le Boucher
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Image de Une: Pollution de l'air en Chine dans le Wuhan Reuters