Monde

Le «climategate» à l'aide de Copenhague

Temps de lecture : 4 min

L'intrusion dans les fichiers du CRU est finalement non-événement qui calme tout le monde: climatosceptiques et écologistes évitent tout discours catastrophiste.

La Conférence sur le changement climatique organisée par les Nations Unies se tiendra à partir de lundi à Copenhague. 192 pays devraient être représentés, et s'entretiendront avec des experts du monde entier sur le changement climatique et les moyens de lutter contre ce danger planétaire. Pourtant, l'enthousiasme est plus que tempéré avant un sommet qui s'annonçait pourtant historique. Alors même qu'on évoque un «Climategate», les listes des participants du sommet de Copenhague ne sont pas encore finalisées et chacun se bat pour participer à un raout qui a toutes les chances d'être médiatique plus que technique. Les promesses de lutte semblent nettement symboliques, notamment de la part des Etats-Unis qui sont occupés par d'autres objectifs. Le sommet de Copenhague illustre les difficultés de s'accorder globalement sur un problème qui touche le monde entier. Peut-être parce que chacun n'est pas touché de la même manière par le changement climatique, car chacun profite du monde de façon différente.

Le Climategate, ou plus techniquement l' «Incident des emails du Climatic Research Unit», résulte du piratage de serveurs de l'université d'East Anglia en Angleterre. Environ 1.000 emails et 3.000 documents ont ainsi été copiés d'un ordinateur appartenant au Climatic Research Unit, et ont été dévoilés au public. Une sélection soigneuse du résultat de cette intrusion laisserait à penser que la communauté scientifique truquerait les informations relatives au changement climatique afin de renforcer son impact dramatique. Que ce piratage ait eu lieu quelques jours seulement avant le sommet de Copenhague n'est pas le résultat du hasard. Les hackers, en décidant d'attirer l'attention sur les quelques malhonnêtetés et bassesses des chercheurs de l'East Anglia, montrent que leur geste a un objectif, celui de renforcer les convictions des climatosceptiques.

Toutefois, le Climategate n'est finalement qu'un non-événement. Ce piratage montre que la communauté scientifique n'est pas monolithique dans ses analyses. Quant à ceux qui doutent de la réalité du changement climatique, ils en sont sortis renforcés dans leurs convictions sans pourtant obtenir d'informations décisives.

Communication culpabilisante

Comment, en 2009, oser douter de la réalité du changement climatique, une attitude que certains assimilent à du négationnisme? Les climatosceptiques ne sont certainement pas tous des adeptes de la théorie du complot, bien que certains d'entre eux appartiennent à cette mouvance. On retrouve bien sûr dans les coulisses quelques lobbies, proches de l'industrie de l'automobile ou du pétrole, qui, mis sur le banc des accusés, entendent nier farouchement être à l'origine du changement climatique en détruisant les énergies fossiles. Mais pour la plupart, on peut estimer que les climatosceptiques occidentaux sont des citoyens ensevelis sous des tombereaux de communication environnementale et culpabilisant, que ce soit par Al Gore, Yann Arthus-Bertrand ou Nicolas Hulot, cinéastes qui utilisent l'hélicoptère pour leurs prises de vues et des jets privés pour leur promotion.

Difficile de ne pas percevoir un paradoxe dans ces mises en garde proches du «faites comme je dis, pas comme je fais» qui ressemblent à s'y méprendre à des discours politiques prônant l'honnêteté tant qu'on n'est pas pris la main dans le sac. Que les chantres de la prise de conscience écologique soient sincères ne change rien à la perception que les climatosceptiques en acquièrent: plutôt que questionner un discours devenu politiquement correct et la façon dont il est diffusé dans les médias, on préfère radicalement nier la réalité du changement climatique.

Solidarité de tous

Dans les pays en voie de développement, le discours sur l'environnement s'apparente parfois à une forme de colonisation. La prise de conscience écologique imposerait un mode de vie revenant à des bases d'avant l'ère de la consommation de masse pour des populations qui n'ont jamais atteint ce stade. Cette perception est illustrée récemment par le discours du président brésilien qui demande que les «Gringos» aident aussi à préserver la forêt amazonienne. En d'autres termes, si vraiment le changement climatique est l'affaire de tous, alors il doit imposer une solidarité entre les peuples qui demande naturellement que les riches aident les pauvres.

Combien de gouvernements sont prêts à entendre la cause de l'environnement dans ces termes? Recycler, rouler en vélo, utiliser les énergies renouvelables, pourquoi pas, mais aider encore plus les pays pauvres financièrement? La plupart des pays «aisés» ne tiennent déjà leurs promesses d'aides au développement, accepteront-ils, lors du sommet de Copenhague, de débloquer des fonds pour ce que l'on appelait encore il y a peu le Tiers-monde?

Ne plus jouer sur la compassion

L'écologie politique a beaucoup changé, mais sa perception en France reste l'image du hippie sympathique bien qu'un peu véhément qui refuse la télévision et porte des Birkenstock. Il est pourtant loin le temps où Greenpeace inventait les «Mind bombs » dans les années 70, ces opérations médiatiques destinées à secouer l'opinion publique avec les bébés phoques ou les «meurtres» de baleines. La contribution de l'organisation a été majeure pour sensibiliser l'opinion publique, mais a nui sur le long terme en ce qu'elle a imposé une image catastrophiste de l'environnement, culpabilisant les citoyens plutôt que les responsabilisant. Les campagnes du WWF, autre ONG majeure de l'environnement, sont en ce sens exemplaires de créativité et d'intelligence. Plutôt que d'affirmer que la fin du monde est inéluctable, elles invitent l'opinion publique à agir et à se comporter en éco-citoyen devant les dangers que pose notre mode de vie à l'environnement.

C'est cette approche que semblent privilégier Cécile Duflot et les Verts de 2009, changer les mentalités sans jouer inutilement sur la compassion à l'endroit de l'innocent dauphin tué par les filets. Le hippie a fait place à des techniciens pointus qui, au lieu de regretter le passé, anticipent l'avenir. Mais le mal est fait : pour beaucoup, on court à la catastrophe comme on nous l'a claironné pendant des années, et changer de voiture pour acheter une hybride ne changera rien à une fin du monde inéluctable. Donc, autant ne rien faire.

Copenhague risque d'être un cirque médiatique et il y a fort à parier que le changement climatique n'en sortira pas meurtri. Le fait d'avoir changé de vocabulaire, et d'être passé de «réchauffement climatique» à «changement climatique» est toutefois un progrès, et décrit mieux la réalité du problème. Reste à faire comprendre aux Terriens qu'ils sont tous dans le même bateau, que chaque individu est connecté à tous les autres et que l'écologie politique peut résoudre de nombreux problèmes au-delà de l'environnement. Les Nations unies travaillent déjà activement sur les questions d'environnement dans les conflits, en particulier les questions d'eau, mais restent comme toujours discrets, persuadés qu'attirer l'attention nuirait à leur action. Il faudrait au contraire capter l'attention des opinions publiques sur les problèmes d'environnement sans pour autant avancer des scénarios fatals à la 2012.

Etienne Augé

Image de une: Lesley Butler et Rob Bell, deux militants écologistes, sur le fjord norvégien de Longyearbyen, en 2007. REUTERS/Francois Lenoir.

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