France

L'identité nationale par les cotes de popularité

Temps de lecture : 3 min

On aurait pu s'épargner le débat: les personnalités préférées des Français sont une pub pour la diversité, l'immigration et le droit du sol.

Yannick Noah en 1998. REUTERS
Yannick Noah en 1998. REUTERS

Identité nationale ou Rama Yade? Ses deux sujets se partagent les unes de journaux ces dernières semaines. Alors qu'on nous somme de débattre de qui l'on est, il est amusant de constater que le ministre préféré des Français est une jeune femme noire d'origine musulmane (d'après le baromètre TNS-Sofres pour le Figaro Magazine).

De même, début novembre, on apprenait que le journaliste numéro un dans le cœur de nos compatriotes est Harry Roselmack, le présentateur d'origine antillaise du 7 à 8 de TF1... Selon l'Ifop pour le JDD. La promotion active des minorité visibles, dont Nicolas Sarkozy est un artisan zélé, ne semble pas acceptée mais bien plébiscitée dans ce pays.

Car, si on prend le classement des 50 personnalités que les Français apprécient le plus — réalisé toujours par l'Ifop pour le JDD chaque semestre, il montre également une nation multiculturelle et fière de l'être. Numéro 1: Yannick Noah.

Et pas un Manuel Valls pour demander qu'on ajoute «quelques blancs, quelques white, quelques blancos.» Tant mieux... Car quand on regarde la suite c'est un véritable plaidoyer pour le droit du sol! 2: Danny Boon. 3: Gad Elmaleh, 4: Charles Aznavour. 5: Zinedine Zidane. Ces cinq là ont tous au moins un parent étranger, quand ils ne sont pas eux même nés ailleurs comme Gad Elmaleh.

Avec le prochain Top 50 qui sortira fin décembre, les choses ne changeront guère. Un bon tiers des personnalités du top qui pourraient leur ravir les premières places sont également visibles... d'origine musulmane... d'origines étrangères... ou une autre de ces circonvolutions dont on use maladroitement pour dire cette belle idée qu'on est Français par choix plus que par habitude.

Bien entendu, il est facile de répondre au téléphone qu'on aime un Noah ou un Zidane qui font gagner la France. Affirmer qu'on apprécie la jeune, jolie et turbulente Rama Yade vient plus naturellement que de se prononcer pour des ministres mal identifiés comme Alain Marleix ou Benoist Apparu. Et ça ne coûte rien de se montrer d'un antiracisme militant dans un sondage... On peut même voter Dany Boon ou Yannick Noah et pester contre un voisin maghrébin ou un collègue d'origine africaine sans réfléchir à la contradiction relative de ces points de vue.

Oui, trouver un travail ou un logement quand on n'a la mauvaise idée d'être noir ou arabe — et même pas footballeur ou comique — demeure plus difficile que quand on est Auvergnat. Et ce, malgré, les préjugés bien connus qui circulent sur ces gens-là.

Il n'empêche, dire qu'on aime bien ces personnalités, c'est aussi dire qu'elles représentent bien la France. C'est dire que cette France-là, métissée et multiple, on la trouve «plutôt» sympathique, pour reprendre la terminologie des sondeurs.

Souvenez-vous de «Bienvenu chez les Ch'tis», la comédie de Dany Boon (numéro 2 du classement du JDD). Personne n'y a vu un «Arabe» du Sud (Kad Merad, né à Sidi-Bel-Abbes) rencontrant un «Kabyle» du Nord (Dany Boon, dont le vrai nom est Hamidon). Dans le film, il n'est jamais fait mention des origines des protagonistes. Vingt millions de personnes sont allé voir ce divertissement franchouillard et aucun commentateur, même parmi les plus réacs, ne s'est ému que ce soit des «déracinés» - selon le terme du triste Maurice Barrès - qui incarnent désormais la France profonde... Bergues, son Beffroi, ses frites... En France, on peut être à moitié Kabyle et 100% ch'ti, naître en Algérie et incarner le Marseillais jusqu'à la caricature.

Si l'on s'en tient à ses quelques exemples, notre Président fut bien avisé de nommer Rama Yade ou Fadela Amara ministre, et d'encourager TF1 à choisir Harry Roselmack comme joker de l'info. Il l'est moins quand il apporte sa pierre au débat sur l'identité nationale qu'il a suscité: «On est Français parce qu'on regarde la chrétienté et les lumières comme deux versants d'une même civilisation.» Au pays de Jules Ferry et de Zizou, on se pince. D'ailleurs, à Bergues, le symbole de la ville est un Beffroi pas un clocher. Et les Français, semble-il, ont trouvé ça très bien.

Jacques Braunstein

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Image de une: Yannick Noah en 1998. REUTERS

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