Avec la loi de 1905 un régime de liberté —et surtout d’égalité– s’impose. Egalité entre les religions, mais aussi entre les croyants et les athées. Toutes les opinions, et leur expression, tant publique que privée, sont protégées par cette loi, puis par toutes les conventions internationales, notamment la convention européenne des droits humains (droits «de l’homme» en France, jusqu’à aujourd’hui.)
La loi de 1905 abolit le Concordat de Napoléon, en vigueur depuis 1802, qui reconnaissait et subventionnait trois cultes: le catholique, le protestant, et l’israélite (termes officiels). La république ne reconnaît et ne subventionne aucun culte, et contrairement à l’opinion répandue aujourd’hui selon laquelle elle reconnaîtrait l’athéisme comme sa fille aînée: non plus! C’est difficile à entendre dans un paysage politique de plus en plus «libéral-autoritaire», et surtout identitaire et chauvin, mais c’est comme ça dans la loi que quelques courageux défendent encore– jusque dans les rares sphères officielles pas encore gagnées par les zemmourisme–:Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité et Jacques Toubon, Défenseur des droits.
Mais jusqu’à présent, tant eux que les quelques associations qui tâchent de défendre la laïcité—ni «ouverte» ni «fermée», juste celle de 1905–, se retrouvent dans une position minoritaire et défensive, qui peine à limiter les dégâts que cause l’islamophobie, non seulement aux Musulman.es, mais à tous les habitants de ce pays.
En effet, la liberté et l’égalité affirmées ne sont pas respectées. L’Islam n’est pas traité avec égalité; ses fidèles voient leurs libertés restreintes, de multiples façons –lois sur le foulard, puis sur le voile, exigence d’un Islam «de France», contrôlé par Chevènement, avec la menace d’une obligation de prêches en français, à laquelle nulle autre religion n’est soumise, interdiction des «prières de rue» alors que les catholiques se massent dans les endroits publics pour écouter le Pape, et bien d’autres atteintes à l’égalité.
L’un des signes de cette intolérance est le refus de laisser se construire de nouvelles mosquées. Pourtant le préambule de la circulaire adressée par le Ministre de l’intérieur aux préfets, le 29 juillet 2011, commence ainsi: «Il ne peut y avoir de liberté de culte s’il n’y a pas libre disposition de locaux adaptés aux célébrations publiques». Ayant dit, le Ministre ne mentionne plus l’islam dans les 22 pages qui suivent.
La loi de 1905 a transféré aux associations cultuelles la propriété de tous les biens immobiliers et mobiliers: ainsi en est-il allé pour les protestants et les juifs, qui ont formé ces associations. Les catholiques ayant refusé, eux, ces associations, les biens de l’église sont allés à l’Etat et aux communes, sans changement pour les fidèles, puisqu’en 1907 une autre loi prévoit que les «édifices…sont laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte».
Sans changement apparent: car désormais, ces «édifices» sont entretenus par l’Etat et les communes. Ces édifices sont dans leur immense majorité catholiques, et il y en a à peu près 40 000 en France. Dont l’entretien—y compris l’électricité et le chauffage—et les réparations, car beaucoup sont anciens, voire très anciens, coûtent cher. Les cultes protestants et juifs protestants peuvent recevoir des subventions publiques. Le culte musulman aussi, en théorie.
Certes la Mosquée de Paris reçoit les 2/3 de son budget annuel de fonds publics. Mais c’est une exception. Et ceux et celles qui—sans parler même d’entretien–manquent de lieux de culte sont les Musulman.es. Or, dès qu’un maire est «soupçonné» d’aider les musulmans de sa commune à créer un lieu de culte, il est traîné dans la boue et traité «d’Ali Juppé». On ne compte plus le nombre de communes qui découragent, freinent– voire interdisent sous les prétextes les plus fallacieux–la création de mosquées.
Or là, l’égalité est prise en défaut: doit-on compter pour rien les sommes dépensées chaque année, et depuis 110 ans, pour la réparation et l’entretien des lieux de culte catholiques?
Ou ne devrait-on pas comptabiliser les sommes dépensées sur une année pour conserver les 40.000 églises catholiques, les subventions allouées aux 400 synagogues et aux 1100 temples? Puis calculer une somme au prorata de la fréquentation, et l’attribuer à la construction de mosquées? Ce serait équitable et conforme à la loi, et—c’est un bénéfice dont certains ne voudront pas—cela contribuerait grandement à la paix sociale.